Saturday, March 11, 2023

M arcelle


Marcelle, tout à l’heure : « Mon fils, c’est LE ROI DES FLICS ! Mais il est pas là. Il dit qu’il est bloqué, je sais pas pourquoi. — A cause de la manif ? — Ah, voilà… » Plus tard : « Vous ne le connaissez pas, le père Mercier ? C’est le directeur de la boîte. Mais il veut vendre parce qu’il a plus un rond. Il peut même pas s’acheter une feuille de salade, paraît-il — moi, je répète, hein… » Il y avait à disposition — mais de quels résidents ? — un beau livre d’images et de textes intitulé L’ÉROTISME ANTIQUE. La première phrase sur laquelle je tombais était en effet pleine d’antique sagesse : « Une femme belle et bien faite m’attire toujours, qu’elle soit jeune ou déjà plus mûre. Jeune, elle ouvrira les cuisses, vieille et ridée la bouche ». Tandis que Charles Aznavour meuglait MOURIR D’AIMER, ma mère écrivait une lettre à sa sœur jumelle entrée récemment elle aussi en maison de retraite, mais éloignée de 1000 km : « J’ESPÈRE QUE PEUT-ÊTRE VIVRE PAR ICI TU AIMES »

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d ’artiste


Le secret de Dominique Issermann ? Je ne sais pas. Je ne sais pas. C’est quelqu’un qui ne réduit personne à une image. Dostoïevski : « Il n’est de pire injustice que de s’arrêter à ce qu’on voit ». Elle ne s’arrête pas à l’injustice, Dominique. Elle galope, toute à sa dévotion, vers la justesse. C’est comme une résonance, la « grâce » ; à un moment, ça tinte. Lumière ! J’ai eu l’honneur d’être photographié par elle, une séance qui m’a surpris. Je n’y croyais pas. Je venais dans une confiance minimum. Elle, très. Très confiante, détendue, légère. En quelques minutes, c’était sur l’ordinateur, retouché, prêt à être imprimé, l’argent versé sur mon compte… J’en suis sorti requinqué. Enfin un truc qui marche dans ce monde de malentendus ! J’arrivais laid, je repartais beau. Transmutation alchimique. Secret 


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Salut Gilles ! 


Malheureusement je ne suis pas libre le 23 mars. Ce que je peux conseiller, c’est de délaisser la subtilité (que Virginia Woolf proposait, par exemple), pour y aller franco — un peu à la Boris Charmatz, mais aussi à la manière du génial Tino Sehgal dont il n’est pas facile de parler parce qu’il interdit toute reproduction de ses œuvres (films, photos, enregistrements sonores). Il avait envahi le Palais de Tokyo à Paris par un ensemble de plusieurs pièces de danse qui, occupant chacune un espace vide, pouvait n'en former qu'une seule immense. Ces pièces étaient activées par des dizaines de performers qui se relayaient pendant toute la durée de l’exposition, des groupes et des groupes. C’était paraît-il fatiguant (des amis y ont participé), mais enthousiasmant collectivement (et pour moi comme spectateur : extraordinaire). C’est ici (d’après les photos que tu as montrées) un espace immense, très beau, avec une très mauvaise acoustique, donc c’est une donnée — une contrainte — qui ne peut être qu'enthousiasmante et il faut y aller très physiquement, très « performers ». Qu’on entende ou pas, il faut accrocher sonorement « de l’écrit » C’est physique, c’est pour un effet immédiat, c’est un ensemble, ça montre que la diversité (des écritures) peut être portée collectivement. Je pense que ce n’est pas la meilleure idée de faire des choses individuellement chacun dans son coin avec les problèmes techniques qui vont occuper le temps ou l’énergie pour un résultat sans doute globalement faible (ni fait ni à faire), mais j’avoue que je parle là en spectateur qui s’ennuie souvent avec ce genre de petits stands de vendeurs à la sauvette. Je pense qu’il vaudrait mieux arriver à réinventer la force du collectif, le fil à couper le beurre. Le groupe que j’ai rencontré est potentiellement fort (groupe uniquement de ceux qui veulent, évidemment *). J’ai pensé, en me réveillant, je me suis demandé si ça ne serait pas possible que tout le monde apprenne un morceau des textes des autres et de donner cet ensemble d'extraits fort, à l’unisson, presque politiquement, comme des manifestes. A haute voix, ensemble, volontairement, regroupés comme un essaim (et ça démarre au milieu des gens) ou parfois dilatés sur plus d’espace (entourant les gens, donc), mais toujours à l’unisson. C’est peut-être très difficile, il y faut de l’enthousiasme et des répétitions, mais ce serait aussi l’avantage, si on a bien répété, d'arriver le soir même de la performance avec tout dans la tête et rien dans les poches. Evidemment, idéalement, il faudrait quand même un chorégraphe pour aider à structurer (ou l’un du groupe fait « œil exérieur » ?) Ça doit être court (et, au besoin, se donner plusieurs fois dans la soirée) et la difficulté, ce sont les cuts. Il faut trouver le moyen d’accentuer les différences, les écarts entre les extraits, peut-être parfois quelques suspensions de silence (comptées pour recommencer tous ensemble) et d'autres fois, très enchaîné au contraire, cadavre exquis. il faut qu’on ait l’impression d’écritures très opposées (dans les styles, etc.). Evidemment, plus les extraits semblent passer du coq à l’âne, plus l’unisson est impressionnant. Il faut une grande confiance, une grande jeunesse : on a raison. Enfin, voilà, il faudrait sans doute plus de temps. En tout cas, y aller au bluff comme d’habitude. Une fois les extraits choisis, les apprendre et les réciter ensemble tout le temps, tous les jours, pour les avoir bien en bouche et pouvoir ensuite les parler dans la circonstance improvisée (le soir-même)… 

Voilà, c’était une suggestion. Il y en aurait sans doute beaucoup d’autres… 

Bisous,

Yves-No


* Je viens de visionner un bout de vidéo où Françoise Sagan parle de la définition de Sartre de la liberté : Etre libre, ce n’est pas faire ce que l’on veut, comme les gens disent, mais c’est, plus subtil, vouloir ce que l’on peut (faire). J’ai envie de faire les choses que je PEUX faire. C’est à ce moment-là, selon Sartre, que je suis libre

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R âpé


« Je lui ai demandé : Qu’est-ce que le progrès ? Il m’a dit : C’est une carotte ? Vu que la seule chose que je pouvais répondre pour ne pas être hors-sujet, c’était : Est-ce que c’est une carotte râpée ou une carotte non râpée ? »


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U ne sorte de sculpture sociale


Socio-éducatifs, c’est-à-dire des projets avec des amateurs... Les plus forts sont ceux avec Emilie (les handicapés) et Sur le Carreau pendant deux ans — qui s’est décliné en septembre dernier dans un autre projet ouvert à tous, celui avec la sculpture d’Elisabeth Saint-Jalmes, L’Abri-trou. Auparavant, il y a eu le dernier travail que j’ai donné à l’Arsenic, à Lausanne, qui s’appelait : C’est le silence qui répond. C’est un spectacle qui s’est donné pendant une semaine avec une troupe variable d’amateurs (certains ne venaient qu’un soir, d’autres, accro, arrivaient à se libérer pour presque la totalité des interventions. Que des guests. Et tout le monde du public pouvait participer. Il suffisait d’avoir pu dégager avant la représentation où l’on venait au moins une séance de répétition. Au début, j’ai pensé qu’il n’y aurait que des participants, que, pour voir le spectacle, il fallait y participer (venir à une répétition), mais on m’a fait remarquer au théâtre que beaucoup de gens venaient au dernier moment et que beaucoup de gens ne voulaient pas non plus « participer » autrement qu’en regardant. Bien sûr nous allions à la recherche d’un mélange de gens qui nous intéressait (une sorte de casting sauvage des métiers et des manières de voir le monde les plus divers possible). C’était dans une installation lumineuse extrêmement forte et belle qui unifiait la splendeur. 




C’est un spectacle raté. Il n’y a rien à « voir ». Pas d’interprètes, pas d’intelligence organisatrice, seulement vous — qui débarquez — et l’espace vide de la lumière en mouvement perpétuel. « Nous sommes de la même nature que les montagnes », nous le savons. Comment voir ce qui est ? Beauté absolue, ce qui est. C’est donc une cérémonie, une célébration, ou peut-être, exactement le contraire, un temps de « suspension » des cérémonies. Venez comme vous êtes ou venez à votre meilleur, fancy dress, costume, smoking, etc. — ou sans rien sur vous aussi bien — ou le costume de votre métier. Un vestiaire sera à votre disposition. Venez avec un objet qui vous est cher, venez avec un animal qui vous est cher, avec une plante qui vous est chère si elle veut bien faire le voyage. Obtenez votre propre consentement et celui de vos proches. Aimez les autres comme vous-mêmes. C’est une arche de Noé, c’est un refuge dans la vie ou encore ce sont des « vacances dans la réalité ». Il ne se passe rien ou tellement de choses, comme le définit Georges Pérec (‘Tentative d’épuisement d’un lieu parisien’) : « Ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages ». C’est un spectacle raté, donc extraordinaire. C’est laissé dans «l’état de l’apparition» (Marguerite Duras, ‘Emily L’) avec les défauts, les scories, l’état brut de l’Art Brut, noyé dans la vie. Que voulez-vous, l’art a toujours voulu rendre la vie plus intéressante que l’art, c’est son hubris. L’Arsenic me laisse rêver. C’est rare. Venez rêvez avec moi. Vous rêvez, vous êtes, comme toutes les nuits, en train d’écrire le rêve, en train de jouer le rêve, en train de regarder le rêve, en train d’être le théâtre du rêve. Venez participer à ce spectacle d’ÉCRITURE DANS LA NUIT.

Yves-Noël Genod


Bien à toi, 

Yves-Noël

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