Friday, December 04, 2020

U n livre qu’aimait Claude Régy


« Un espace s’est ouvert entre le monde et la parole. Et j’ai compris finalement l’impuissance des mots  face à la réalité du monde. Et ça m’a donné une vague de bonheur qui est passée par moi. Et j’ai été libéré par ça. Et tous les doutes que je traînais avec moi, tous les problèmes d’écriture que je n’ai pas résolus, ne comptaient plus. Et le lendemain j’ai commencé à écrire quelque chose qui n’est pas un récit, ni un poème, un texte étrange qui a eu le titre Espaces blancs. »

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C ontre tous les discours alentour

Chers amis, 

J’ai beaucoup aimé votre spectacle Zoom qui m’est arrivé dans ma salle-à-manger, mais, comme un con, je ne sais pas pourquoi, je déteste Aurélien Barrau (je ne sais pas pourquoi à ce point, ça me passera !) Alors je l’ai dit dans un piteux texte où je fais le malin (en plus !) (j’aurais juste dû dire que vous déconstruisiez le discours de Barrau, ç’aurait été plus simple…)

En tout cas, c’était chouette, 

Yves-No




Moi, personnellement, Aurélien Barrau, je le trouve con comme ses pieds. Il ne m'apporte rien. Mais enfin, l'heure est grave, il faut serrer les rangs. Je ne partais pas gagné, eh ! en fait, si, bien sûr, parce que, 1, j'adore Aurélien — Patouillard, l'autre, qui s’en est si bien dépatouillé, du barreau — et, par ailleurs, qui a si aimablement et si virtuosement participé au spectacle que je proposais il y a un mois : C’est le silence qui répond — et, 2, j'adore François Gremaud et ce qu’il propose. François est à la fois un ami et quelqu'un dont les œuvres me sont des rêves inoubliables, ce qui est assez rare. J'ai des amis précieux dont je n'aime rien de ce qu’ils font et des artistes dont j'adore le travail, qui sont mes idoles, mais que je m’imaginerais bien pénible d'avoir pour amis. François, c'est 2 en 1 (comme ses 2 Aurélien). J’étais donc très curieux de leur spectacle — à partir d’une conférence d’Aurélien Barrau sur YouTube — présenté à l’heure du dîner l’autre soir sur Zoom. Ça m'a beaucoup plu. C'est un cas concret qui démontre, s’il le fallait, que la fiction est meilleure que la réalité. La fiction rajoute (en fait, fait apparaître, révèle) ce qui manque au discours : la poésie (enfouie). Le discours d’Aurélien Barrau est comme tous les autres discours : ça ne dit rien. Ça aligne les mensonges, c’est du bla-bla, ça tord la réalité pour la faire entrer dans sa démonstration. Tout est faux, par principe. Il n'y a que la poésie capable de dire tout, c’est-à-dire quelque chose. Pas d'autre solution. Et si ce n’est pas de la poésie, la prose de la politique, ce n’est rien. Et, si ce n’est rien, c’est dangereux. Tchekhov (entre autres) a été très précis sur ce point : « il faudrait que les gens qui écrivent, en particulier les artistes, réalisent que, du monde, on n’y comprend goutte ». La poésie peut dire ça, pas le discours. Le discours est péremptoire. Nos 2 vedettes, Aurélien Patouillard et François Gremaud se sont livrées avec beaucoup d’art à une simple et très complexe opération alchimique : inverser la dangereuse prose de plomb d’Aurélien Barrau en une inoffensive splendeur. Elles lui ont — enfin — donné du sens. Pour la première fois, pour moi, ça sonne vrai. Je signe, je prends ma carte, enthousiaste ! Je suis étonné de cette salle d'attente dans laquelle je me trouve (chez un acupuncteur), je suis étonné du calme qui règne encore dans la ville (Nantes), saison sale-grise, je voudrais apprendre à tirer (j'ai aussi vu sur l'Internet La Vierge des tueurs, de Barbet Schroeder, je suis très influençable). Nos 2 vedettes déconstruisent le discours (la mort) pour y faire entrer la flèche de la vie. Ce que dit Aurélien Barrau est antipoétique. Exemple (pénible, excusez-moi), il termine en citant : « Héraclite, le grand penseur grec, disait que le monde est un enfant qui joue ». Ça, c’est de la poésie, la plus haute, le monde (ou le temps) est un enfant qui joue. Mais Aurélien Barrau continue malheureusement pour arriver à sa chute : « il faut qu’on fasse attention parce qu’aujourd’hui le monde est un enfant qui meurt ». Je n’ai aucun discours à tenir, ici ni nulle part, qui voudrait s’imposer à quiconque ; aucune vérité à offrir une fois pour toutes, aucun dernier mot sur rien ni sur personne. Et je voudrais n’être ferme de propos, quand il le faudra, qu’à titre défensif, pour me protéger, et les autres, contre tous ces discours alentour qui ne cessent de nous donner des coups de coude dans les côtes, de nous passer devant et de nous marcher sur les pieds sans une excuse ni un sourire, et de nous expliquer ce que nous sommes. Lisez Héraclite. « La santé de l’homme est le reflet de la santé de la terre. » « La vie n'est pas quelque chose que l'on puisse posséder. On ne vit qu'en vivant une vie toujours nouvelle. » « Le plus bel arrangement est semblable à un tas d’ordures rassemblées au hasard. » « Sont le même le vivant et le mort, et l’éveillé et l’endormi, le jeune et le vieux ; car ces états-ci, s’étant renversés, sont ceux-là, ceux-là, s’étant renversés à rebours, sont ceux-ci. » « Nous entrons et nous n’entrons pas dans les mêmes fleuves ; nous sommes et nous ne sommes pas. »