Tuesday, January 04, 2022

V ersion pirate


J’avais vu une expo Jean-philippe Delhomme au musée d’Orsay. Un coup de bol, je passais par là et comme c’était proche de la fermeture, ils m’avaient laissé entrer. Mais j’avais eu le temps aussi de voir les Manet. Sauf le Déjeuner sur l’herbe, je ne l’avais pas trouvé (et personne pour demander). J’avais pris un Lagavulin avec Philippe Tlokinski à l’hôtel de l’Echiquier. Philippe n’était plus le jeune premier que j’avais connu, mais je l’aimais encore — à moins que j’aimasse ma jeunesse (perdue). Mais j’avais immédiatement imaginé un spectacle avec lui. Dont le titre aurait pu être : Hôtel de l’Echiquier. Il s’agissait pour lui de parler polonais. Ça durait deux heures et c’était ça, sans sous-titres. Il pouvaient improviser (ou écrire) ce qu’il voulait, changer le spectacle d’un jour à l’autre. Peut-être devait-il s’adresser toujours à l’éventuelle Polonaise (ou Polonais) qui allait comprendre son message. Tout son travail aurait consisté — pour tous les autres — à ce qu’il n’y ait pas de message, tâche ardue. Surtout à cette époque où il fallait un message « politique » (sans qu’on comprenne jamais à quoi ça servait). Mais, là, tout le contraire, du vrai théâtre, du vrai poème. De toute façon, le théâtre que j’aime — et ce sera pour toujours — était le mien : le poème. Et quand c’était celui des autres, il se pouvait que ce soit aussi le poème. Et maintenant, je lisais Michel Houellebecq. Zakari m’avait procuré une version pirate (peut-être un peu inexacte) de ce livre qui ne sortait que vendredi : j’allais prendre de l’avance

 

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L a Neige


Bonjour Yves-Noël, comment vas-tu ?
J'ai enfin dégoté et lu le livre de Vénédikt Eroféiev que tu m'avais conseillé, Moscou-sur-Vodka, et il était vraiment très très drôle. Si tu en as d'autres, ou si ton ami t'en a conseillé que tu me conseillerais à ton tour, n'hésite pas. Je l'ai trouvé à l'image de son titre, comme un shot de vodka, qui décoince, décrasse et enivre. Et c'est pleins d'allusions à toute cette énorme littérature russe qui pousse derrière lui et sur laquelle il essaie de rebondir dans ses envolées pochardes, vraiment, j'ai aimé les allusions et vraiment, je me suis bidonné.
Et je suis même de nouveau en Russie ! La famille de ma chérie habite le Nord, le grand, je suis à Murmansk plus précisément et il y a, ô magie des magies.. la neige. Toute cette neige, des flopées et des flopées de flocons. Il en tombe tellement que les routes sont bloquées un jour sur trois. Alors on reste là à l'intérieur, on boit du thé Ivan, on mange des beignets de morue, et on va parfois dans la forêt, ca te plairait, on est tous a poil dans le sauna et une fois qu'on a bien sué de chaleur on fonce dehors tremper nos fesses dans la neige lactée. 
A la télé Poutine parle avec ses pommettes saillantes, il était très classe pour son speech du 31, imper noir col fourrure et cravate rouge. Les gens l'aiment beaucoup ici. Je zappe, il y a aussi le patinage artistique avec ses grandes stars du pays qui sont à l'écran en tant que coach et dans les pubs également. C'est magnifique. Les costumes, les sportives, la glace, la musique choisie pour le parcours, très souvent des chansons françaises, on voit ces corps slaves tournoyer sur du Brel interprété par Mireille Mathieu, et les fleurs, les roses qu'ils envoient sur la patinoire à la fin, de grands romantiques..
L'autre jour on a eu la visite d'une tante tatare de mon amie, qui a travaillé toute sa vie et qui a (à ses dires) donné sa vie pour son boulot professeure d'anglais. elle est pleine de beaux discours sur tout, l'amour, la joie, les enfants, elle raconte toutes les fois où elle a aidé son prochain, aimé son prochain, mais jamais au delà du professionnel hmhm et comme quoi l'autre jour dans la cantine du quartier elle a aidé deux chinois qui étaient perdus et ne parlaient qu'anglais. ou bien alors elle refait son début de journée de cours type, quand elle écrivait toujours une phrase en latin sur le paperboard, et elle cite et elle traduit le latin, ça donne "L'école, c'est l'avenir entre quatre murs" et elle marque un silence et elle rit doucement. Mon amie me fait un signe, elle se tire une balle imaginaire. Dès qu'elle recommence à énumérer la tante je vois les regards qui cherchent le vide ou alors on trouve un prétexte pour se lever de table, s'occuper a quelque chose pourvu qu'on soit pas obligé de subir sa litanie. Il n'y a que son frère qui écoute et qui s'étonne, inlassablement, son frère de sang, et moi bien sûr. Elle m'a offert un calendrier avec des paysages russes. Magnifique. Elle aurait fait une super punaise - dans son style !
C'est bientôt Noël justement (le 7 janvier ici) toute la semaine avant il y a des préparatifs, je suis allé de nouveau à l'église et les cérémonies étaient dingues, baroques, enfiévrées; quels chants, quelle ferveur dans la prière, jusqu'à toucher le sol avec la tête, et baisers d'icônes à foison, en plein covid..
Dehors les gens font leurs propres feux d'artifices, et c'est pas juste le 31 au soir, la c'est à n'importe qu'elle heure du 1er janvier jusqu'à Noël, ça pète tout le temps et partout.. oh those Russians, comme je les aime.
Je te joins quelques photos et je t'embrasse Yves-Noël !
Au plaisir !

Oh, là, là, quelle merveille, ta lettre ! quel conte de Noël ! Mais je vais venir ! je vais venir… (je viens déjà). (Oui, je m’aperçois que je dis encore une cochonnerie, c’est bon signe dans mon cas...) Je transmets ta lettre à Yan qui m’avait conseillé ce livre d'Eroféiev. Il t’en trouvera d’autres (s’il y en a). Quel dommage, Yan, qu’on ne puisse pas reprendre ce spectacle d’après Tchekhov avec ces acteurs du TNB (J’ai menti) ! Il conviendrait complètement à la taille et à l’ambiance de ton théâtre, mais c’est vrai que ça ferait venir du monde de l'étranger et qu’il nous faut du local… Il faudrait un jumelage (comme certains villages parfois très éloignés). Louis est tellement là-dedans encore (et j’en connais d’autres). On a l’impression que ce spectacle (de rien du tout, pourtant) est infini… Il est vrai que, la Russie, quand on y met un pied, on y tombe et pour la vie (c’est ce que j’imagine)… Je t’embrasse, Louis, la bonne année ! Et puis, bon Noël, alors...  Et Yan aussi, la bonne année ! A tout de suite ! 
Yves-No
Je regarde longuement les photos

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