Sunday, April 27, 2014

S olfatare


J’ouvre un Tintin 1000 fois lu, mais il y a si longtemps (L’Etoile mystérieuse) et j'y trouve un mot que nul enfant n’a jamais lu : « solfatare » (mais il est aussi dans Jules Verne) : terrain volcanique où se dégage, par des fissures, de la vapeur d'eau à une température de 100 à 300o, contenant de l'hydrogène sulfuré et qui donne des dépôts de soufre ; vapeurs sulfureuses de ces terrains.

La femme qui tient le magasin bio du côté des Halles, à Avignon, veut vendre. Pourquoi ? « Oh, j’en ai marre, tout fait tout le temps des histoires, ici… » Et qu’allez vous faire ? « Du yoga ! » On parle du Front National, elle me dit que ce sont les commerçants de la rue qui ont voté Front National et « Moi, je les comprends… » Le lendemain, il y a 2 hommes qui parlent d’une éventuelle boucherie. Quand ils sont partis, je demande : « Alors, ils vont acheter ? » « Halal », elle précise. Et puis cette phrase : « J’aimerais bien que l’Arabe achète, ça mettrait un coup de froid dans la rue, ça gèlerait la rue. »

L’enfant chante : « En avant, mon lieutenant ! » Puis, plus tard : « Nous partons en campagne ! », le matin du départ pour ses vacances en Ardèche.

Avec Kamal, on parle de la différence des époques, le retour du puritanisme. C’est un avantage de la vieillesse de pouvoir constater la relativité des époques. Quand on est jeune, forcément, on pense que le monde est comme il est. Mais quand on vieillit, on sait qu’il n’en a pas toujours été ainsi. « Quand j’étais au Maroc, dans ma jeunesse, les filles portaient des mini jupes, on buvait de l’alcool en terrasse en plein ramadan… Jamais je n’aurais pu imaginer qu’on en arrive là. » C’est vrai, c’est effrayant, ce retour de l’ordre moral qui n’est, pour nous, en France, qu’une tristesse diffuse, mais, dans les pays arabes, d'une horreur intégrale qui bouleverse le paysage humain de fond en comble…

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O n écrit pour que la vie qu’on a autour...


« On écrit pour que la vie qu’on a autour, à côté, en dehors, loin de la feuille de papier, cette vie qui n’est pas drôle, mais ennuyeuse et pleine de soucis, qui est exposée aux autres, se résorbe dans ce petit rectangle de papier qu’on a sous les yeux et dont on est maître. Écrire, au fond, c’est essayer de faire s’écouler, par les canaux mystérieux de la plume et de l’écriture, toute la substance, non seulement de l’existence, mais du corps, dans ces traces minuscules qu’on dépose sur le papier. N’être plus, en fait de vie, que ce gribouillage à la mort et bavard que l’on a déposé sur la feuille blanche, c’est à cela qu’on rêve quand on écrit. »

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L e Blouson



C omme une aube après une nuit d'amour


Julien Spianti
Monsieur Genod,
Je vous écris et c'est douloureux.
Il est 5h31, heureusement.
A la même heure, mais le jour, il me serait impossible de commettre une phrase, d'oser même un mot, sur cet humiliant écran qui constate plus que tout autre l'abominable misère de mon apparente existence. Pardonnez.
J'ai vu ce que vous avez commis — déjà je roule une cigarette, Permettez-moi... Je l'allume, à quoi bon laisser le tabac froid. Le jour même où je m'avançais d'un pas difficile vers le Nord et ses Bouffes, je redoutais de me voir séquestré pas les murs d'un théâtre alors même que je n'avais rien à faire et n'étais capable de rien. J'avais peur, comme chaque fois que l'on s'avance devant l'oeuvre de quelqu'un, qu'elle me laisse en dehors, qu'elle oublie l'essentiel, qu'elle convoque des énergies pour rien.
Mon état était (et est toujours) à la limite de l'ensevelissement, mais je faisais en sorte de paraître car je ne sais pas ce qui me ronge (mes vices, mes addictions ou tout mon être et avec lui le reste tout entier des humains ?), mon état était donc à la mesure des insipides gazons, pourtant si aimables, qui couronnent les pavillons ruraux de réussite. Je m'avançais telle une herbe faussement jaune verte mais en dedans sèche et brûlée par l'été à venir.
Le matin même (j'ai vu la représentation du dernier jeudi) j'écrivais naïvement mes pensées sur la beauté et sa consolation, son lien avec la vanité et l'ignoble de l'humain. Ce fût donc un trouble choc de me trouver (par des circonstances bien mystérieuses car j'ignorais votre existence et le sujet de la pièce), face à votre oeuvre.
Je passerai ici sur les commentaires et les éloges que m'ont inspirés votre lucide hallucination.
Mon point. J'aimerais beaucoup vous rencontrer. Peut-être même dans de mauvaises circonstances, mais de préférence tard. J'ai peur de toute manière qu'il ne se passe rien, comme lorsque Dali rencontrait Freud, sans d'aucune manière nous comparer.
Tout m'effraie, ces jours-ci, mais même si nous parlions simplement du froid qu'il fait ces jours-ci, cela me satisferait.
Si vous avez un moment, faites-le moi savoir.
Je vous salue plein d'admiration.
Julien

Ecoutez, votre lettre m’a beaucoup amusé ! J’ai pensé que vous vous foutiez de ma gueule surtout à cause de : « mon état était donc à la mesure des insipides gazons, pourtant si aimables, qui couronnent les pavillons ruraux de réussite » (j’ai dû relire plusieurs fois pour comprendre ce que vous vouliez dire). Donc tout ça m’amuse beaucoup et bien entendu pour se voir « même — et cela aussi m’a fait rire — dans de mauvaises circonstances et de préférence tard » Donc ce soir, par ex. C’est un samedi soir, c’est donc une très mauvaise circonstance, on ne peut plus. Le lieu ? J’imagine n’importe où, mais comme vous êtes peut-être timide (vu la lettre), ça va pas être facile à agencer… Moi, j’habite près des Bouffes du Nord, justement. Mon tél (que vous n’utiliserez pas si vous êtes timide) : 06 84 60 94 58. Plus sérieusement, je suis allé sur votre page FB et j’ai vu que vous faisiez de la peinture, ce qui ajoute de la véracité à votre enthousiasme. Je comprends que les peintres aiment ce travail engagé dans 1er Avril. J’ai aussi vu des photos de votre personne, mon Dieu, très agréable et, sur certaines d’entre elles, j’ai l’impression bien nette de vous connaître — ce que votre lettre de la nuit dément… Voyons-nous pour discuter de tout ça et de notre curiosité !



Julie Rattez
Cher Monsieur Genod,
J'ai assisté à la dernière de 1er Avril samedi dernier.
Cela fait donc une semaine et je n'ai toujours pas émergée de cette rêverie.
Je ne sais trop quoi vous dire, je ne sais pas par où m'y prendre.
Vous m'avez fait rire, vous m'avez émue, vous m'avez instruite.
Votre travail, votre univers et votre humanité me touchent au plus haut point.
Je suis comédienne et évidemment je me nourris beaucoup de théâtre, et c'est la première fois depuis des années qu'une œuvre vivante m'emmène dans un ailleurs que j'aime et chéris...
Merci d'offrir au théâtre ses lettres de noblesse.
Bien à vous,

Oh, merci beaucoup !!! Vous êtes au cours Florent, je vois, quelle chance ! Profitez-en bien ! Et donnez de vos nouvelles...



Marie Madeleine Framboise
Merci pour ce spectacle extraordinaire ! et bravo



Bertrand Schiro
Cher Yves-Noël Genod,
nous avons fait rapidement connaissance au Théâtre du Rond-Point vendredi soir : je suis prof de théâtre en khâgne (cette année au lycée Molière, à Fénelon à partir de l'an prochain). Je veux vous remercier une fois encore du beau moment de théâtre que m'a fait vivre votre 1er Avril ; cela faisait longtemps que je n'avais pas été pris au théâtre par ce sentiment d'une grâce fragile et prenante, et votre façon de vous saisir d'un lieu dont je croyais les charmes épuisés m'a tout simplement bluffé : le mur rouge, la voûte crépusculaire, quelles images ! Merci, merci vraiment. Mes étudiants sont malheureusement en période de concours, raison pour laquelle je suis venu aux Bouffes du Nord sans eux. Mais je ne désespère pas de les ouvrir à votre travail : y a-t-il un site où sont annoncés vos dates de spectacles? Vous avez paru intéressé à l'idée de venir leur parler de votre démarche ; vous serez évidemment le bienvenu. A titre personnel, je serais très heureux de suivre votre parcours ; ne manquez pas de m'y associer ; et si vous avez besoin de quelqu'un pour écrire sur votre travail, je le ferais très volontiers, même si je ne doute pas que vous soyez bien entouré. Une dernière fois merci, pour le théâtre et pour votre accueil,

Ah, merci ! 
Oui, vous avez tout ci-dessous (un blog à n'en plus finir et des clips vidéo...) 
Bien-sûr, comme je vous disais, si vous voyez une possibilité que je rencontre les jeunes gens intelligents, ce serait avec plaisir et une grande curiosité...
Ecrire sur mon travail, oui, ça me serait d'une grande utilité...
Vous aurez de mes nouvelles de toute façon, je vous ai mis dans la liste (de la newsletter). 
Le prochain spectacle est un solo à Avignon cet été, à La Condition des soies (malheureusement un solo, trop cher pour que je fasse venir du monde ni que je fasse de la lumière, etc., mais la salle est sublime...)
Très touché de vous avoir rencontré et curieux de vous connaitre, cher Bertrand,
Yves-Noël



Daniela Labbé Cabrera
J'écris un peu tard... le temps est passé vite depuis le vendredi 11 avril, mais c'est resté imprégné en moi.  Je voulais te dire combien 1er Avril était magnifique, te le redire car je sais que cela à été dit mille et une fois, le dire encore et encore, comme les choses précieuses qu'on ne se lasse pas de dire à l'infini et qui ont des milliers de mots pour la décrire. Moi, je ne peux pas décrire ce qui me bouleverse tant à chaque fois dans tes spectacles, il faudrait en écrire un autre, un poème, mais te dire seulement que c'est la poésie, au sens véritable du mot POEME qui est là sur scène sous nos yeux. Tes spectacles sont somme un air que l'on respire en haut d'un sommet qu'on aurait mis longtemps à gravir, ou comme une aube qui surgit après une nuit d'amour et qui nous fait voir qu'on a perdu la notion du temps. Merci, merci de ce cadeau à chaque fois renouvelé, un infiniment grand fait de tant d'infiniment petits. Bien à toi, Daniela

Merci 1000 fois (1000 et une fois), Daniela, d'avoir pris la peine de me le dire de mots précieux (je les ressens, en tout cas). Merci !



Caroline Deryckere
Bonjour ! Merci d'avoir accepté mon invitation... J'ai assisté à votre représentation du 10 avril, celle où Bertrand a chanté pour moi le dernier mouvement du Stabat Mater, de Pascal Siankowski. Nous nous sommes aperçus au bar des artistes après. J'étais très impressionnée. J'ai adoré votre spectacle. Vous avez su quoi leur dire à la radio ?

You're welcome ! Merci infiniment ! La radio, je ne sais pas, on verra... Cher Yves Noël, 



Floriane Comméléran
J'espère que tu vas bien. Voici une invitation pour Agatha. Je serai très heureuse que tu puisses venir. Soleïma m'a dit que tu étais à Avignon mais sait-on jamais... 
Un autre mot, pour te dire que les jours ont passé depuis le stage à Vitry, mais je me rappelle toujours et presque intact, le bonheur que c'était. J'ai vu 1er Avril et c'est aussi ce que j'ai ressenti, le bonheur... Ça n'arrête pas, c'est très fort, envahissant, dans tes pièces. Une sorte de plénitude, de totalité, celle d'être et de regarder. Foucault dit à propos de l'écriture : « ce n'est pas l'écriture qui est heureuse, c'est le bonheur d'exister qui est suspendu à l'écriture » et bien c'est exactement ce qui se produit en travaillant avec toi ou en regardant les acteurs se mouvoir dans tes pièces, dans leurs plus beaux rôles, ceux qu'ils sont vraiment multiples et uniques. 
Je t'embrasse et à bientôt,
Floriane

Merci Floriane ! 
De tout cœur avec toi pour Agatha, quelle belle pièce ! quel beau sujet surtout ! J'aurais adoré t'y voir. Oui, j'essaie de décrocher un peu. Mais aujourd'hui, tu vois, je suis encore resté chez mes parents, pas à me reposer, mais sur Internet et au téléphone. Mais, demain, je me le promets ! je pars...
Des bises, 
Yvno 



Nathalie Feyt
Il me semblait que la diaphane jeune et si jolie femme blonde en noir dans un ensemble pantalon avec un haut de tous les décolletés : Dominique Uber était venue les chercher ces crânes sous nos sièges mais, en fait, ce n'est que projection rêve car nous étions plus bas au 1er rang là ou l'ecclésiastique ou SDF ou marginal ou ombre ou lépreux était venu nous chatouiller les pieds. Je me demande si c'était réalité ou confusion avec mes rêves. La jeune femme avait un pistolet qui semblait comme prêt à tirer, sur un farfadet un beau jeune homme nu 3/4 de dos libre et heureux de s'entraîner à sauter à la corde imaginaire, celle par laquelle il aurait pu se pendre, être condamné comme l'autre homme avec son bout de sexe rose qui dépassait de sa braguette. Des touristes qui deviennent une parabole de notre époque. O comme vous, ma sœur, j'ai eu envie d'embrasser le sol, la pierre froide du monastère pour qu'enfin ma vie ralentisse un peu !?!

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A u repos, cette machine


« Qu'est-ce que le théâtre ? Une espèce de machine cybernétique. Au repos, cette machine est cachée derrière un rideau. Mais dès qu'on la découvre, elle se met à envoyer à votre adresse un certain nombre de messages. Ces messages ont ceci de particulier, qu'ils sont simultanés et cependant de rythme différent ; en tel point du spectacle, vous recevez en même temps six ou sept informations (venues du décor, du costume, de l'éclairage, de la place des acteurs, de leurs gestes, de leur mimique, de leur parole), mais certaines de ces informations tiennent (c'est le cas du décor) pendant que d'autres tournent (la parole, les gestes) ; on a donc affaire à une véritable polyphonie informationnelle, et c'est cela la théâtralité : une épaisseur de signes. »

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A vignon, ma maison


L’ennui de quitter mon élément, de quitter ma maison, Avignon, ma maison, le théâtre, ma maison, dans ce train qui se traîne, avec ce journal qui se traîne, cette fatigue qui apparaît, cet été qui se traîne, lourd, cet été qui apparaît… Je lis le journal de la société, les articles du papier journal me tombent des mains, le pape, le malheur, l’enfer, le train s’arrête en pleine voie, je suis le prisonnier de la société. La société est mon ennemie. Est-ce de la parano ? Michel Houellebecq dit que l’arme principale (la plus efficace) de la société contre le poète est l’indifférence, mais que le poète ne peut pas user de la même arme, il doit attaquer. Faire du théâtre, cette tolérance (de la société) puisque ça rapporte — clairement, à Avignon — et que, la société, l’argent, elle en veut toujours plus (l’argent pour rien, juste pour l’argent) —, comment en faire en attaquant ? De toute façon, pour perdre, pour perdre, pour perdre — comme le poète qui ne peut que perdre (et gagner après sa mort). Mais je ne veux pas perdre. Si, je veux perdre. Mais je veux survivre. Pour gagner encore, — gagner ma mort —.

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D es papes



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M ais qui pourrait être du Tchekhov


« Pourquoi il est provisoirement nécessaire aujourd'hui de parler grossièrement et d'agir grossièrement. Le fin et le discret n'est plus compris, même par ceux qui nous sont proches. Ce dont on ne parle pas à grands cris, cela n'existe pas : douleur, renoncement, devoir, la longue tâche et le grand dépassement. La gaieté passe pour le signe d'un manque de profondeur : qu'elle puisse être le bonheur après une tension par trop rigoureuse, qui le sait ? — On vit avec des comédiens et l'on se donne bien du mal pour trouver malgré tout quelqu'un à vénérer. Mais personne ne comprend combien il m'est dur et pénible de vivre avec des comédiens. »

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T chekhov n'est pas dans les livres



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L e Millimètre de mon courage


Ana, après la dernière (elle m’a ébloui tous les soirs), je lui dis : « Ana, j’aimerais avoir le millième de ton talent ! — Oh, arrête… et, moi, le millimètre de ton courage ! »

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M erveilles du TGV



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N ous sommes tous les mêmes


Bonjour Philippe,
Je viens de faire un spectacle avec, pour une fois, un très bel outil, le théâtre des Bouffes du Nord, sans doute le plus bel outil que je puisse encore imaginer. Je te remercie pour le prêt des costumes, les armes, les crânes, en particulier une robe violette (ou prune, plutôt) qui est allée extrêmement bien à Perle Palombe ! Le voyage à Nanterre l’aller et le retour a aussi été très agréable parce que j’imaginais que je pourrais un jour envisager de faire qqch avec ton outil à toi, pendant le temps où tu y es, avec l’une ou l’autre de ces grandes belles salles (ou même, peut-être, avec le Planétarium). J’aimerais beaucoup ! Dieu fasse que tu en aies assez envie pour me le proposer ! Le projet de Théo, c’est le projet de Théo, j’y interviendrai, si ça se fait, avec le plaisir d’un acteur. Mais, ce dont je rêve absolument, ce sont les inventions de spectacles — c’est ça, ma liberté — d’après les lieux (ou d’après une scénographie de toi, par exemple), l’invention des grottes, des théâtres comme des grottes où voir les ombres de la réalité fuyante… entraîner le public dans mon savoir et ma folie — et je sais bien que cette idée de grotte ne t’est bien sûr pas étrangère... Nous sommes tous les mêmes. Dieu fasse que…
Je t’embrasse,
Yvno

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L a Montre


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T erre couverte d’oiseaux


Ds la vie, il suffit de faire un pas de côté, j’avais subi quelques jours un peu tendus, le souci, la société, le souci de moi-même, que faire avec cela : moi-même et que faire avec la société (existe-t-elle ?), mais, ds la vie, il suffit de faire un pas de côté, j’étais arrivé ds ma famille, il y avait les enfants, ils étaient venus me chercher à la gare, avec mon père, j’étais allé me baigner, un plan d’eau à la lisière de la ville, les enfants que j’avais emmenées étaient au tourniquet, l’eau, les ciels, ciels trop grands, trop vastes, l’été trop rapide, trop plein, trop vert, je n’avais pas vu arriver le printemps, je n’avais  pas vu arriver l’été : brutalité des saisons, le lilas, les iris (partout), les marronniers (en fleurs, comme dans les livres d’enfants) — et puis m’était revenue la phrase (la phrase qui sauve) : « Désire ce que tu as ». Si la phrase revient, c’est sauvé. Et puis je m’étais endormi tôt (ds la chambre d’enfant, mais qui n’était rien de la chambre d’enfant, j’étais juste crevé). Et je n’avais pas mis de bouchons auriculaires — à quoi bon, c’était le silence et j’étais juste crevé. Et j’avais été réveillé à l’aurore par un étourdissant concert, malgré le double vitrage : les oiseaux, les oiseaux. J’avais eu du mal à me lever, mais finalement j’avais ouvert la fenêtre : ça arrive si peu, réveille-toi, tu te réendormiras après. Milliers d’oiseaux en concert, le lotissement où les arbres avaient poussé, les cerisiers, et le lotissement donnait ensuite sur la forêt. Milliers d’oiseaux heureux, maîtres du monde. Olivier Messiaen. Cette joie fabuleuse — compréhensible — des oiseaux qui saluent — comme pour la première fois ? — l’arrivée de la lumière solaire, le retour du monde. J’avais enregistré à l’iPhone, animé d’une immense nostalgie de maintenant. Ce monde qui allait si mal, c’était un peu faux, alors ? Et penser constamment à ce monde qui allait si mal ne nous empêchait-t-il pas de penser à ce monde qui allait si bien ? Se vautrer dans le malheur, cette facilité. Immense nostalgie de ma capacité à aimer. Immense nostalgie aussi de ne plus travailler tous les jours dans le luxe de la fréquentation de Benoît Pelé — qui rend les spectacles possibles à notre époque où ils sont impossibles — car le son enregistré, Dieu soit loué, est réaliste —, ds le luxe de la fréquentation des musiciens, Bertrand Dazin, Jeanne Monteilhet, Mario Forte et Louis Laurain — pourquoi faudrait-il fréquenter des comédiens ? Les comédiens si peureux, si peureux, il faut tant d’énergie, déplacer des montagnes pour leur apprendre (à moi y compris) ce qui ne s'apprend pas, juste l’insouciance nécessaire pour jouer Tchekhov, par ex. Mais les musiciens sont sur la bonne pente (dirais-je, oui). La pente de la montagne des oiseaux et de la plaine (du 27 avril). Tout le monde partait ds la maison, tout le monde se préparait, mon frère et les enfants allaient en Ardèche, mes parents en Bretagne — petit couple à la gare —, moi, j’allais prendre leur voiture disponible et, solitaire, me balader au hasard car...
« La Poésie de la terre ne meurt jamais ».


« The Poetry of earth is never dead:   
When all the birds are faint with the hot sun,   
And hide in cooling trees, a voice will run   
From hedge to hedge about the new-mown mead;   
That is the Grasshopper’s—he takes the lead     
In summer luxury,—he has never done   
With his delights; for when tired out with fun   
He rests at ease beneath some pleasant weed.   
The poetry of earth is ceasing never:   
On a lone winter evening, when the frost    
Has wrought a silence, from the stove there shrills   
The Cricket’s song, in warmth increasing ever,   
And seems to one in drowsiness half lost,   
The Grasshopper’s among some grassy hills. »

« Disparaître loin, m’évanouir, me dissoudre et oublier
Ce que toi, ami des feuilles, tu n’as jamais connu,
Le souci, la fièvre, le tourment d’être
Parmi les humains qui s’écoutent gémir »

« Fade far away, dissolve, and quite forget      
What thou among the leaves hast never known,      
The weariness, the fever, and the fret      
Here, where men sit and hear each other groan »

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L a Poésie de la terre ne meurt jamais


Photos Philippe Gladieux. Dernière (12 avril) de 1er Avril

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D evant un animal


« On peut manquer d’un toit, d’amour, d’espoir, de tout, mais ne pas disposer des mots qui désignent la souffrance est à mes yeux le malheur extrême. Je n’éprouve jamais autant de commisération que devant un enfant malheureux qui n’a pas encore acquis complètement le langage, ou un esprit simple, prisonnier d’un registre étroit de mots dépourvus de nuance et de second degré, ou encore devant un animal dont l’attente éperdue est tout entière dans le regard. Les mots marquent la distance minimum qu’il est permis de mettre entre soi et la douleur. »

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