Monday, February 12, 2018


Alors, les amis, voici la situation à laquelle je vous ai invité à participer.
Je travaille depuis plus d’un mois déjà (c’est peu, en fait) avec Aidan et la matière de la pièce Hamlet, en anglais et en français. Il joue Hamlet et d’autres personnages. Evidemment il ne fera pas tout, mais, l’idée, c’est qu’il en fasse pas mal. De fait, ce nouveau spectacle intitulé Hamlet (j’en ai déjà fait trois) est celui, je pense, qui va s’approcher le plus de la matière originelle et (j’espère) du poème de cette matière. Je poste sur mon blog toute la pauvre-et-riche dramaturgie que fastidieusement je trouve. Si vous avez le courage ou l’amusement de lire (et de remonter le temps). Vous ne comprendrez sans doute pas tout. Il y a Hamlet et il y a aussi beaucoup d’un livre qu’un ami m’a fait connaître il y a quelques jours, La Victoire des Sans Roi, de Pacôme Thiellement (de Pacôme Tellement, il y a pas mal de vidéos et de radios de lui sur le Net). 

Vous pouvez venir dans ce projet comme des fleurs. Mais des fleurs peuvent rêver à cette matière.
Quand je pense à vous, je ne sais pas ce que vous allez faire — comme vous ne le savez pas. J’espère des choses physiques, bien sûr. 

Je pense à Goya aussi. Si vous pouvez voir des choses. Surtout les dessins et les gravures de monstres et de massacres, très noirs, très beaux…

Et puis il y a aussi les dessins de Delacroix que Baudelaire avait chez lui punaisés aux murs (et que j’ai photographiés et postés sur mon blog).

Il y a les duels, les bagarres. Cette sorte de bataille furieuse au fond d’une tombe

Evidemment ce serait bien d’avoir des épées. Mais je ne sais pas où les trouver.

Les costumes ? Evidemment ce serait bien d’avoir des costumes de théâtre pour Hamlet qui vous aillent, mais je ne sais pas où les trouver. 

Pour toi, Stefan, il y a aussi toujours l’inspiration George Moore by Manet.

Il se peut aussi qu’il n’y ait pas besoin de costumes. D’habitude (comme on peut le voir dans les vidéos), je travaille beaucoup les costumes. Mais, là, comme le spectacle risque d’être plus austère que d’habitude (pas de lumière ni de son), il faut peut-être accentuer cette austérité : pas de costumes non plus. Et le théâtre brut. Mais, bon, ça, c’est facile, vous venez comme vous êtes, on ne s’en occupe pas… Mais essayons de penser un peu à des costumes que vous pourriez apporter si vous aviez quelque chose…

Vous pouvez aussi penser à des costumes pour singe, pour chien, c’est-à-dire des costumes qui ne « vont » pas à l’animal homme (pas plus qu’ils n’iraient à des singes ou à des chiens).

Il y a pas mal de duo de garçons dans la pièce, Horatio et Hamlet, Hamlet et Laërte (combat, bagarre dans et autour de la tombe d’Ophélie), même Hamlet et Claudius forment une sorte de duo secret, Hamlet et le ghost, bien sûr, et Rozencrantz et Guildernstern dont Tom Stoppard à écrit la pièce (Rozencrantz et Guildernstern are dead) (qu’on trouve sur Internet, mais que je n’ai pas encore lue). Il a inversé, pris ces deux personnages secondaires pour en faire les principaux d’une pièce où les personnages principaux d’Hamlet deviennent secondaires. Il y a aussi, bien sûr, les fabuleux duos d’Hamlet et Ophélie et d’Hamlet et sa mère… (A l’époque, tous les rôles étaient joués par des hommes.)

Mais tout ce qui sera primitif, qui vous reliera aux Hamlets des cavernes, aux archaïsmes, aux choses oubliées, quand les hommes étaient presque comme des ours, comme dans la grotte Chauvet (ça n’empêche pas l’art, bien au contraire, la grotte Chauvet vaut Rembrandt), à l’âge d’or, au paradis perdu, etc. Le plus ancien (comme une mémoire).

Il y a une désinvolture, et, dans cette désinvolture, vous signez votre liberté et vous apportez tout ce que vous voulez — au niveau du poème. Rêverie de cette troupe de Shakespeare — en 1600 —, le cosmos, Giordano Bruno brûlé à Rome… Blaise Pascal écrirait bientôt sur sa terreur des infinis. Beaucoup d’espace et de « vrai ». Surtout du vrai. Ou plutôt la distinction entre le faux et le vrai. Très important. Très difficile. Lumière et ténèbres. Le monde extérieur étant le domaine des ténèbres (selon les gnostiques), du faux — et la sagesse, la lumière, la divinité, la bonté emprisonnées par ce monde extérieur de la souffrance. 

J’ai pensé principalement à vous, Stefan et Ricardo en écrivant ce mail — cet ensemble plein de promesses que vous formez — que je transmettrai aussi à Aurélien et à Francisco qui ne se connaissent pas — et même à Julien que j’ai seulement croisé, à Gianfranco qui vient de m’appeler, à Aurélien (un autre), Stan, à d’autres, etc.

Quant à vous, Stefan et Ricardo, si vous ne comprenez pas ce que je vous raconte, ce n’est pas grave, laissez tomber (ne vous prenez pas la tête). D’abord, je pourrais expliquer quand on se verra. Et, de toute façon, il s’agit de choses pas compréhensibles, dans Hamlet, c’est ce qui fait son intérêt, à cette pièce, c’est le lieu (précis) de notre ignorance. Votre instinct et votre jeu ensemble et avec les autres suffiront.



PS : Dans les duos, j'ai oublié de citer les fameux fossoyeurs de l'acte V, un duo de clowns, et puis le duo Hamlet et le premier fossoyeur (paraît-il que, traditionnellement, l'acteur qui joue le premier fossoyeur et l'acteur qui joue Hamlet sont toujours à couteau tiré)

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M es ongles


Titre d’un spectacle :
Mes ongles

Apparition
« la 
blonde profonde dans une robe en tricot bleu profond et
les cheveux en chignon »

Titre : Enoncé innocent
Titre : Les Rumeurs de la ville

« le bordel diffus »

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E tre fou avec les autres


« Par exemple, la folie d’Hamlet.
Il y a des héros tragiques, dans la tragédie antique, qui sont fous, mais à ma connaissance il n’y en a pas — je dis dans la tragédie, je ne parle pas des textes légendaires — qui fassent le fou comme tel.
Est-ce qu’on peut dire que tout dans la folie d’Hamlet se résume à faire le fou ?
C’est une question que nous allons maintenant nous poser. Mais il fait le fou parce qu’il sait qu’il est le plus faible. Et ceci n’a d’intérêt à être pointé — vous voyez que, tout superficiel que ce soit, je le pointe maintenant — non pas parce que cela va plus avant dans notre direction, mais seulement parce que c’est secondaire.
Ce n’est cependant pas secondaire en ceci... il faut réfléchir à ceci si nous voulons comprendre ce que Shakespeare a voulu dans Hamlet ...c’est que c’est le trait essentiel de la légende originale, ce qu’il y a dans Saxo Grammaticus et dans Belleforest. Shakespeare a choisi le sujet d’un héros contraint, pour poursuivre les cheminements qui l’amènent au terme de son geste, à faire le fou. Ceci est une dimension proprement moderne.
Celui qui sait est dans une position si dangereuse, comme tel tellement désigné pour l’échec et le sacrifice, que son cheminement doit être — comme dit quelque part Pascal — « d’être fou avec les autres ». »


Pascal : « Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n’être pas fou. »

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L ’Heure de l’autre


« Dans la névrose, l’objet se charge de cette signification qui est à chercher dans ce que j’appelle l’heure de vérité. L’objet y est toujours à l’heure d’avant, ou à l’heure d’après :
— si l’hystérie se caractérise par la fondation d’un désir en tant qu’insatisfait,
— l’obsession se caractérise par la fonction d’un désir impossible.
Mais ce qu’il y a au-delà de ces deux termes est quelque chose qui a un rapport double et inverse... dans un cas et dans l’autre ...avec ce phénomène qui affleure, qui pointe, qui se manifeste d’une façon permanente dans cette procrastination de l’obsessionnel par exemple, fondée sur le fait d’ailleurs qu’il anticipe toujours trop tard. De même que pour l’hystérique, il y a qu’il répète toujours ce qu’il y a d’initial dans son trauma, à savoir un certain « trop tôt », une immaturation fondamentale.
C’est ici… dans ce fait que le fondement d’un comportement névrotique, dans sa forme la plus générale, et que dans son objet, le sujet cherche toujours à lire son heure, même si l’on peut dire qu’il apprend à lire l’heure ...c’est en ce point que nous retrouvons notre Hamlet. 
Vous verrez pourquoi Hamlet peut être gratifié, qu’on peut lui prêter au gré de chacun, toutes les formes du comportement névrotique aussi loin que vous les poussiez, à savoir jusqu’à la névrose de caractère.
Mais aussi bien, tout aussi légitimement, il y a à cela une raison qui, elle, s’étale à travers toute l’intrigue et qui fait véritablement un des facteurs communs de la structure d’Hamlet :
– de même que le 1er terme, le 1er facteur était la dépendance par rapport au désir de l’Autre, au désir de la mère,
– voici le 2nd caractère commun que je vous prie maintenant de retrouver à la lecture ou à la relecture d’Hamlet, Hamlet est toujours suspendu à l’heure de l’autre, et ceci jusqu’à la fin.
Vous rappelez-vous un des premiers tournants où je vous ai arrêté en commençant de déchiffrer ce texte d’Hamlet, celui après la play scene, la scène des comédiens où le roi s’est troublé, a dénoncé visiblement aux yeux de tous, à propos de ce qui se produisait sur la scène, son propre crime, qu’il ne pouvait en supporter le spectacle.
Hamlet triomphe, exulte, bafoue celui qui ainsi s’est dénoncé, et sur le chemin qui le mène au rendez-vous déjà pris, avant la play scene, avec sa mère... et dont tout un chacun presse sa mère de hâter le terme ...sur le chemin de cette rencontre où va se dérouler la grande scène sur laquelle j’ai déjà tant de fois mis l’accent, il rencontre son beau-père, Claudius, en prière, Claudius ébranlé jusque dans ses fondements par ce qui vient de le toucher, en lui montrant le visage même, le scénario de son action. Hamlet est là devant son oncle dont tout semble indiquer, même dans la scène, que non seulement il est peu disposé à se défendre, mais même qu’il ne voit pas la menace qui pèse au-dessus de sa tête. Et il s’arrête parce que ce n’est pas l’heure.
Ce n’est pas l’heure de l’autre. Ce n’est pas l’heure où l’autre doit avoir à rendre ses comptes devant l’Éternel. Cela serait trop bien d’un côté, ou trop mal de l’autre. Cela ne vengerait pas assez son père, parce que, peut-être dans ce geste de repentir qu’est la prière, s’ouvrirait pour lui la voie du salut.
Quoiqu’il en soit, il y a une chose certaine, c’est qu’Hamlet qui vient de faire cette capture de la conscience du roi... « The play’s the thing / Where in I’ll catch the conscience of the king. » ...qu’il se proposait, Hamlet s’arrête. Il ne pense pas un seul instant que c’est maintenant son heure.
Quoi qu’il puisse par la suite advenir, ce n’est pas l’heure de l’autre, et il suspend son geste. De même ce ne sera jamais, et toujours dans tout ce que fait Hamlet, qu’à l’heure de l’autre qu’il le fera. »



« Et pourtant on vient de lui annoncer quelque chose qui ne ressemble en rien à une occasion de tuer Claudius. On vient de lui proposer un très joli tournoi dont tous les détails ont été minutieusement minutés, préparés, et dont les enjeux sont constitués par ce que nous appellerons au sens collectionniste du terme, une série d’objets qui sont tous à caractère d’objets précieux, d’objets de collection.
Il faudrait reprendre le texte, il y a même là des raffinements, nous entrons dans le domaine de la collection.
Il s’agit d’épées, de dragonnes, de choses qui n’ont de valeur que comme objets de luxe. Et ceci va fournir l’enjeu d’une sorte de joute dans laquelle Hamlet en fait est provoqué sur le thème d’une certaine infériorité dont on lui accorde le bénéfice du challenge.
C’est une cérémonie compliquée, un tournoi qui, bien entendu, pour nous, est le piège où il doit tomber, qui a été fomenté par son beau-père et son ami Laërte, mais qui pour lui, n’oublions pas, n’est rien d’autre que d’accepter encore de faire l’école buissonnière, à savoir : « on va beaucoup s’amuser ».
Quand même il ressent au niveau du cœur un petit avertissement. Il y a là quelque chose qui l’émeut.
La dialectique du pressentiment à ce moment — du héros — vient ici donner un instant son accent au drame.
Mais tout de même, essentiellement, c’est encore « à l’heure de l’autre » et, d’une façon encore bien plus énorme, pour soutenir la gageure de l’autre… car ce ne sont pas ses biens qui sont engagés, c’est au bénéfice de son beau-père, et lui-même comme tenant de son beau-père ...qu’il va se trouver entrer dans cette lutte, courtoise en principe, avec celui qui est présumé être plus fort que lui en escrime et, comme tel, va susciter en lui les sentiments de rivalité et d’honneur au piège desquels on a calculé qu’on le prendrait sûrement.
Il se précipite donc dans le piège. Je dirais que ce qu’il y a de nouveau à ce moment-là, c’est seulement l’énergie, le cœur avec lequel il s’y précipite. Jusqu’au dernier terme, jusqu’à l’heure dernière, jusqu’à l’heure qui est tellement déterminante qu’elle va être sa propre heure… à savoir qu’il sera atteint mortellement avant qu’il puisse atteindre son ennemi ...c’est « à l’heure de l’autre » que la tragédie poursuit tout le temps sa chaîne, et s’accomplit. Ceci est, pour concevoir ce dont il s’agit, un cadre absolument essentiel. »

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