N os apparitions
Oui, la littérature était ancienne, était rêvée, n’était pas de ce monde. Ce que je lisais n’était pas de ce monde. Je lisais les morts, les voix des morts.
Quand on retrouve un ami avec qui on a partagé la même durée de vie, mais en s’étant perdus de vue, on se donne des nouvelles, on se regarde d’abord, on se parle de manière assez libre, on se trouve des points communs (par ex, ce livre merveilleux de Jacques Rancière : Au loin, la liberté). La vie est comme allégée, c’est un printemps, il y a le soulèvement de quelque chose, comme une couverture transparente, on la soulève, tout est finalement vivant…
J’avais demandé à cet ami s’il avait des enfants, du moins à sa connaissance. Il me dit que sa dernière compagne en avait voulu un, mais que lui se trouvait trop vieux, mais qu’il avait pourtant accepté pour elle, mais que ça n’avait rien donné. C’était donc une bonne question. Je lui avais dit que ma première compagne en avait eu quatre avec son nouveau compagnon après m’avoir quittée. C’était drôle de pouvoir se donner des nouvelles de choses très anciennes, mais très précises. Nous avions un territoire commun dans lequel nous pouvions organiser un jardin
Maintenant, j’avais accepté de rejoindre le calme. C’était mon pays, le calme jour de la lecture,
le « vers le soir »
A ce nouveau compagnon — qui, bien sûr, lui aussi, devenait imaginaire — j’avais envie de dire que je lisais toujours le même livre. Pire que ça, que j’avais vraiment envie de lire toujours le même livre pour pouvoir l’instruire de ce livre, lui apporter ce livre, lui faire connaître ce livre très exactement, le plus exactement possible
Cette théorie, m'autoriserait à croire — ou à dire que je croyais, j'étais si sceptique — que nos apparitions, ce qui de nous apparaît, sont si passagères comparées au reste, à notre part d’invisible, très étendue, elle, que cette part d’invisible survivrait peut-être, se retrouverait d’une façon ou d’une autre au contact de telle ou telle personne ou viendrait hanter certains lieux après notre mort… (peut-être… peut-être…) Ça, je pouvais le recopier ici, mais j’aurais peut-être pu le lui dire en direct. C’est ce que je souhaitais, en tout cas. J’avais une sorte de sens absolu de l’amitié. Ce qui revenait souvent (je le lui faisais remarquer), c’était qu’il s’était disputé avec des gens, ça revenait, dans des circonstances et d’autres
Je lui disais que son caractère doux me rendait difficile de l’imaginer
Il y avait des peupliers de marbre noir
Et l’« il y a » des dahlias
Un fouillis d’avril, de juin, de mars
Un certain désordre de printemps
(Et les fleurs et les amusements)
Je me laissais naviguer parmi les pages. J’avais mon vaisseau — qui appartenait aussi à d’autres que moi
de même que j’empruntais aussi (mais pas assez souvent, je trouvais) les vaisseaux des autres
De mystérieuses histoires d’amour
Planètes spacieuses, sauvages…
Quand on retrouve un ami avec qui on a partagé la même durée de vie, mais en s’étant perdus de vue, on se donne des nouvelles, on se regarde d’abord, on se parle de manière assez libre, on se trouve des points communs (par ex, ce livre merveilleux de Jacques Rancière : Au loin, la liberté). La vie est comme allégée, c’est un printemps, il y a le soulèvement de quelque chose, comme une couverture transparente, on la soulève, tout est finalement vivant…
J’avais demandé à cet ami s’il avait des enfants, du moins à sa connaissance. Il me dit que sa dernière compagne en avait voulu un, mais que lui se trouvait trop vieux, mais qu’il avait pourtant accepté pour elle, mais que ça n’avait rien donné. C’était donc une bonne question. Je lui avais dit que ma première compagne en avait eu quatre avec son nouveau compagnon après m’avoir quittée. C’était drôle de pouvoir se donner des nouvelles de choses très anciennes, mais très précises. Nous avions un territoire commun dans lequel nous pouvions organiser un jardin
Maintenant, j’avais accepté de rejoindre le calme. C’était mon pays, le calme jour de la lecture,
le « vers le soir »
A ce nouveau compagnon — qui, bien sûr, lui aussi, devenait imaginaire — j’avais envie de dire que je lisais toujours le même livre. Pire que ça, que j’avais vraiment envie de lire toujours le même livre pour pouvoir l’instruire de ce livre, lui apporter ce livre, lui faire connaître ce livre très exactement, le plus exactement possible
Cette théorie, m'autoriserait à croire — ou à dire que je croyais, j'étais si sceptique — que nos apparitions, ce qui de nous apparaît, sont si passagères comparées au reste, à notre part d’invisible, très étendue, elle, que cette part d’invisible survivrait peut-être, se retrouverait d’une façon ou d’une autre au contact de telle ou telle personne ou viendrait hanter certains lieux après notre mort… (peut-être… peut-être…) Ça, je pouvais le recopier ici, mais j’aurais peut-être pu le lui dire en direct. C’est ce que je souhaitais, en tout cas. J’avais une sorte de sens absolu de l’amitié. Ce qui revenait souvent (je le lui faisais remarquer), c’était qu’il s’était disputé avec des gens, ça revenait, dans des circonstances et d’autres
Je lui disais que son caractère doux me rendait difficile de l’imaginer
Il y avait des peupliers de marbre noir
Et l’« il y a » des dahlias
Un fouillis d’avril, de juin, de mars
Un certain désordre de printemps
(Et les fleurs et les amusements)
Je me laissais naviguer parmi les pages. J’avais mon vaisseau — qui appartenait aussi à d’autres que moi
de même que j’empruntais aussi (mais pas assez souvent, je trouvais) les vaisseaux des autres
De mystérieuses histoires d’amour
Planètes spacieuses, sauvages…
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