Saturday, September 03, 2022

T oumaï


« l’équipe conclut que Toumaï préférait vraisemblablement se déplacer sur deux jambes quand il était au sol. Grimpeur puissant, il pouvait marcher à quatre pattes sur les branches ou sur deux en se tenant aux branches supérieures. « Il ne se déplaçait ni comme des singes à queue qui courent sur les branches, ni comme des gibbons qui s’y suspendent, précise Guillaume Daver, mais sans doute plutôt comme un animal d’un certain poids qui progresse avec précaution, surveillant ses appuis ». »


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R apidement brossé pour demain

(C'est le lot des metteurs en scène de faire des discours un peu faux pour galvaniser les troupes)




J’ai été mis en contact, particulièrement pour ce travail avec une infinité d’événements personnels, je sentais même, la plupart du temps, chez l'infinité de gens que je contactais, une jouissance à raconter la bonne raison, l'évènement personnel qui empêchait de façon absolue ou encore à négocier de participer au projet. Nous sommes une trentaine, c’est beaucoup, mais c’est pas 3 000 non plus, eh bien, avant-hier, il y a eu deux décès et une hospitalisation, quand même. Sans compter les « grosses galères » qui sont vraies aussi et sans compter les innombrables raisons plus légères, mais non moins impérieuses (l’anniversaire de ma nièce, etc.) Ce que je propose, c’est le contraire (ce que propose le spectacle en général), ce qui est proposé ce sont des « vacances dans la réalité » (selon l’expression du poète Wallace Stevens). Des vacances dans une réalité plus sensible que celle des événements personnels. Désolé, ça existe. Les bouddhistes s’en fichent, des évènements personnels. Et, là, vous n’avez pas besoin de vous faire bouddhiste, il suffit de faire artiste. Poète. Profitez-en ! La magie du spectacle, c’est qu’on change de masque, change de personnalité en restant authentique. Quelle liberté, de changer de personnalité ! J’ai pensé ça quand je me suis aperçu que c’était ma femme et mon meilleur ami qui étaient avant-hier, sur scène, de loin les plus mauvais. Peut-être parce que nous étions pris tous les trois dans une névrose amoureuse ou amicale, je ne sais pas. Mais, ici et maintenant, on peut atteindre une réalité plus profonde que même l’amour et l’amitié. Une authenticité personnelle, une liberté. Il suffit de s’affranchir des personnalités que l’on a, qui nous collent aux basques ou de s’en amuser, de se masquer, en un mot, on n’a pas trouvé meilleur mot : de JOUER. « Au cinéma, on est un peu soi-même, ou beaucoup soi-même, tout en étant une autre. C’est ça aussi le privilège et la beauté d’être actrice : au fond, on n’est pas moins authentique selon que l’on est masqué ou pas… ». C’est même exactement l’intérêt : on est libéré de sa vie. Jack Spicer dont je viens d’acheter les œuvres complètes a dit : « Je crois que les poèmes sont diffusés vraiment comme des messages qui passent à la radio et que le poète est une radio. Je ne crois pas du tout que les poèmes viennent de l’intérieur. En tout cas pas les bons. » Il pensait que les poèmes, quand ils étaient bons, venaient de l’Extérieur (avec une majuscule à « extérieur »). Et Marguerite Duras disait que, quand elle était dans un état de création, ce n’était pas du tout une concentration, que c’était même le contraire, elle était tournée vers l’extérieur, très à l’écoute, très à l’affut comme dans une chasse archaïque, j’imagine, instinctive, animale, et que c’était de là que lui venait l’écriture, comme du dehors, dans un état, mais le mot n’existe pas, de dé-concentration. Mariella, notre fée (attention, les voiles, un peu, mais pas trop, ça t’enferme un poil si c'est trop longtemps, ça s'use) que je félicitais avant-hier soir en lui disant : « On ressent ton plaisir de danser », m’a répondu : « Moi, je suis bien quand je danse ; quand je danse pas, je ne suis pas bien ». Evidemment ce serait mieux d’être bien aussi dans la vie courante, la vie de tout le monde, mais on est quand même quelques-uns à faire ce métier parce que c’est plus facile de vivre (bien) quand on joue que quand on ne joue pas. C’est largement mon cas. Pour beaucoup d’interprètes, c’est plus facile de vivre sur une scène. Vous êtes ici, comme dans la vie, en chemin vers la liberté. [En imitant Jankélévitch.] : « L’homme n’est pas libre en ce sens qu’entre autres caractères il aurait celui d’être libre. Comme il est intelligent ou pas intelligent, etc., ou qu’il a 1m70 de haut, non. L’homme, c’est la liberté. […] La liberté incarnée, la liberté en chair et en os. Et plus l’homme est un homme, plus il est cette liberté elle-même. » Ça, c’est la liberté. Maintenant l’amour [Même jeu.] : «  L’amour, au fond, n’est pas une vertu ou bien c’est une vertu qui rend inutile toutes les autres : celui qui a l’amour a tout. » Ou plus loin : « C’est pas un apprentissage, c’est une rencontre. Alors n’importe qui apprend l’amour en un quart de seconde, c’est ce que Stendhal appelait le coup de foudre, c’est assez célèbre, dans son livre De l’amour. Ce n’est donc pas un apprentissage graduel, on n’est pas obligé de potasser un manuel, par exemple. Pour apprendre à jouer au bridge, n’est-ce pas, il faut potasser des manuels ; l’algèbre, ça s’apprend ; l’amour tout le monde l’apprend en un instant. » Et pour finir sur ce sujet : « Si claires que soient les raisons d’aimer, on n’aime jamais que dans la nuit du discours ». Autrement dit : En amour on donne ce qu’on a et aussi ce qu’on a pas (à quelqu’un qui n’en veut pas, ajoutait Lacan). C’est-à-dire que ça ne passe pas par le langage. D’où la danse. D’où l’instinct. D’où le cœur. D’où le courage. Courage, ça vient du mot cœur. A une époque, je crois au XVIIIème, il y a eu la mode des mots en « age », on disait « herbage » plutôt que « herbe », « ombrage » plutôt que « ombre » et « cœurage » plutôt que « cœur ». Rodrigue, as-tu du cœur ? Je vous en souhaite. J’ai lu aussi : « Le poncif "être bien avec soi-même pour être bien avec les autres" doit être inversé » Je suis d’accord ! Etre bien avec les autres, avec l’espace (commun) pour être bien avec soi-même. Les solistes, n’ayez pas peur de faire une hiérarchie, que l’on vous voit, vous êtes assez mêlés au groupe, il faut aussi qu’on vous voit en virtuoses. (Anecdote sur Germain Louvet.) Soyez amoureux du genre humain. Soyez, chacun, ami de vous-même. Peu d’interventions courtes et réparties à l’intérieur de la forme pendant les trois quart d’heures de la pièce pour garder les forces que nous avons en magasin. En revanche, pendant le quart d’heure de repos, une ou deux personnes peuvent investir le lieu. Décidez de quel soliste, parmi Christopher, Baptiste, Fabrice et Nefeli… Aussi faites en sorte que ce soit le plus beau rapport possible entre la sculpture, ce vaisseau extra-terrestre, la forme intelligente venue de l’espace, l’être et le lieu. Le lieu, il est comme il est et, la forme, elle est comme elle est et ils ne vont pas forcément bien ensemble — la preuve, c’est que la sculpture est beaucoup plus belle à l’intérieur parce qu’elle est plus pure — eh bien, pour que le spectacle soit réussi, il faut faire en sorte que les gens pensent que ce lieu et cette grande baleine échouée sont fait l’un pour l’autre, sont absolument adéquats, ne peuvent pas exister l’un sans l’autre, ni non plus sans chacun d’entre vous. Quand j’étais petit, j’ai travaillé avec un grand metteur en scène de théâtre aujourd’hui décédé et, je ne sais pas, je devais être plein de doutes, certainement — et il m’avait dit : « Tu sais, tu ne peux pas jouer un rôle si tu ne penses pas que tu es le meilleur pour le faire ». C’est comme ça, faut y croire ! Et il faut croire en  votre capacité de transformer la perception du public, de l’ouvrir sur la beauté. Souvenez-vous des moments les plus heureux de votre existence, des plages ensoleillées, des fins de journées, de l’amour, de l’amitié, de la splendeur, de la montagne, etc. Il y a quelques années j’avais entendu le témoignage d’une femme qui avait été dans les camps de la mort, je ne sais plus quel est ce document. Elle disait : « Moi, j’avais connu le bonheur, je pouvais m’appuyer dessus, je savais que ça existait, mais il y avait des femmes qui n’avaient jamais connu le bonheur et, pour elles, c’était foutu, elles n’avaient rien. » Appuyez-vous sur votre connaissance du bonheur, elle est vraie ! La ligne, il ne faut pas la gondoler. Un essaim, oui, mais pas la déformer sous l'action du public, vous devez vraiment l'imposer comme espace, c'est exprès, vous devez dégager la foule avec autorité. Et puis laissez vous vivre au milieu du monde dans ce réceptacle magnifique du Carreau du Temple, remplissez-le de votre présence dans tous les sens...


+ Balibar la désobéissance (Amalric chez Ruquier au moment de la sortie du film d'après Barbara à qui l'on demande la plus belle qualité de Balibar : la désobéissance)


+ La ligne, la placer avec autorité, on doit comprendre que vous êtes sûrs de vous, dirigés par un instinct, un inconscient commun ou un dieu, une nécessité.  On doit se dire : quelle merveilleuse troupe de jeunes gens, comme ça doit être agréable d'en faire partie *. Jeunes gens va aussi pour Mariella, bien sûr... Vous êtes un exemple d'une humanité réussie. On doit se doire: Wouah, que ça doit être bien d'être des humains... de devenir plus humain, de devenir plus libre. Donnez le goût du paradis ! 


Vous êtes un morceau d'univers. Pensez-vous comme squelette, vous verrez, ça rend humbles. Vous êtes à la fois très grands et très petits dans l'univers — et cette sensation d'être très petit, cette sensation d'humilité est très agréable parce qu'elle est juste




* C'est exactement ce qu'il s'est passé ! Plusieurs personne m'ont demandé surtout à la quatrième représentation où l'assimilaiton, la fatigue, le naturel, la confiance ont été proprement merveilleux où on pouvait revoir cette TROUPE, quelle était son nom...


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