Monday, May 10, 2010

Voici comment il faut écrire



(Belle de nuit) (précédée d'une note)




Voici comment il faut écrire. Ici, quelque chose est dit d'essentiel et que la censure - d'extrême-droite - telle une truie mécanique, robot malade, aimanté par le mal, l'obésité - ne peut pas comprendre, ne peut pas saisir. La subtilité passe au travers du tamis. C'est ainsi qu'il faut tendre avec l'écriture (c'est très difficile avec les mots utilisés par tous) : vers l'incompréhension de l'extrême-droite (à qui le législateur donne sans fin des armes pour s'exprimer). Faire un pas (un bond) hors du rang des assassins, disait Kafka. Par exemple aussi dans le vers de George Byron (dont parle Jorge Luis Borges) : ce qui est dit en secret est irrepérable (Borges se demande même si Byron lui-même en a eu conscience - peut-être à la fin de sa vie, se dit-il, sans doute pas en l'écrivant). Ce vers dit simplement ce qui n'est que ça :



She walks in beauty, like the night.



(Bien sûr une femme est comparée à la nuit, mais pour que le vers ait un sens, il faut aussi que la nuit soit comparée à une femme. Deux métaphores. Ce qui fait la beauté inouïe du vers, ce va-et-vient en miroir.)



"Les marchands de roses tendent leurs mains muettes après avoir trempé les bouquets rouge et blanc dans l'eau de la fontaine: c'est la coutume locale — ici l'on parle toutes les langues sans pudeur, les terrasses des cafés sont toujours les mêmes et toujours différentes comme le vent rapide effiloche les nuages, des êtres oisifs vous parlent de poésie dès que l'alcool a coulé dans leurs veines, des hommes regardent des hommes et passent leur chemin, des barbares chantent des hymnes inouïs, la rue en devenir, l'égarement et les sourires, et tout porte vers le centre commun, la brûlure originelle, l'inconscience fabuleuse."

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Une vidéo retrouvée

(Cliquer sur le titre.) Avec Julien Gallée-Ferré, Jonathan Capdevielle et (caché) Thomas Scimeca.

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Pour aider un ami qui doit écrire un papier

Quelques thèmes qui peuvent t'aider :
- Les "moi", cette idée d'explorer toutes les formes, de changer de public à chaque coup (de dé). Dès le premier (En attendant Genod), j'imaginais changer de nom pour chaque spectacle (ce que je n'ai malheureusement pas tenté - c'est complexe, et peut-être trop arty) Imaginais-je qu'il y en aurait trente-cinq ?
- Peut-être la même idée : le fait que je suis un acteur qui fabrique des spectacles. Goût fasciné pour les acteurs : je suis littéralement ébloui par les métamorphoses. Hiérarchie : l'acteur au centre (seul maître à bord). L'impression d'être "l'œil extérieur" de l'acteur. En ce sens, mon œuvre à moi m'est inconsciente (ce qui m'arrange et ce que je cherche par tous les moyens : l'inconscience du sens, le hasard de l'apparition et la virtuosité (l'artisanat) des formes, au sens de "genres"). Limite à ça (évidente) : comme je passe toujours dans les mêmes festivals ("formes nouvelles"), ce système de la disparité des apparitions (et des changements de public) est bien loin de tourner à plein régime... Or, la sensibilité, nous n'en avons qu'un bout. Tous les bouts m'intéressent. On verra au moment de la mort, l'unité. Il sera bien temps. En même temps, la sensation toujours que le spectacle (théâtre-cinéma) est une forme en soi qui ne dit toujours qu'une seule chose. Les hommes ont conscience de cette chose, "le secret le mieux partagé du monde parce qu'il l'est par tous" (disait François Tanguy). "Le centre commun, la brûlure originelle, l'inconscience fabuleuse" (dit mon ami Pierre Courcelle). Mais les "moi" sont multiples et ne s'accordent que par la joie, la grâce, le hasard et l'envie de vivre et d'aimer.
Il est nécessaire qu'un spectacle soit assez ouvert jusqu'à produire son contresens. Un innocent est jugé coupable, un coupable innocent. Ça n'aurait pas de sens si le spectacle existait indépendamment du spectateur qui est, en fait, l'artisan le plus actif de sa fabrication.
- La transparence, la disparition....
- Le bonheur qu'il y a pour moi à ramasser ce qu'il se passe sur un plateau : pleine nature, pleine santé. C'est très rare que j'éprouve une difficulté dans un travail. Ça m'est arrivé une fois. Il s'est avéré aux représentations - c'est mon amie de l'époque qui s'en est aperçue - que le spectacle (ce que je disais dans le spectacle) parlait de la disparition de ma sœur, c'était en effet très évident (une fois démontré) et cela aurait expliqué la douleur. Mais c'est la seule fois que c'est arrivé, je crois.
Ce qui est atypique (peu français) : le fait, donc de fabriquer des spectacles dans le bonheur. (Peut-être pas forcément sur le bonheur, c'est le paradoxe David Lynch - parce qu'on raconte des histoires...) et le fait d'en avoir fait tant en sept ans (je ne compte pas, dans ces trente-cinq, les dizaines de performances non répertoriées en plus).
Y avait un autre thème, que j'ai oublié, si ça me revient, je te l'dirai. Mais enfin tu peux tirer des fils aisément et peut-être ne pas complètement les nouer - je pourrais sans aucun doute - en te relisant - amener de l'eau à ton moulin (les références manquantes). Avance à l'intuition.

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