Sunday, February 01, 2015

     
« Je noterai enfin, comme un principe très important, que toutes les formes de la pierre, qui représentent toutes quelque état de son évolution, existent simultanément au monde. Ici point de générations, point de races disparue. Les Temples, les Demi-Dieux, les Merveilles, les Mammouths, les Héros, les Aïeux voisinent chaque jour avec les petits-fils. Chaque homme peut toucher en chair et en os tous les possibles de ce monde dans son jardin. Point de conception : tout existe ; ou plutôt, comme au paradis, toute la conception existe. »

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P etit mot



Juste vous redire par un petit mot, chère Léa, cher Enzo, que c’était juste très chouette, ces dix jours de stage avec vos étudiants ! J’ai été agréablement surpris de plusieurs de leurs qualités, en particulier de leur gentillesse (le comble de l’érotisme pour moi, comme je me le suis formulé il y a quelques jours) et de leur intelligence. Actifs. Sorte de collectif éveillé. En groupe. Ce plaisir, pour moi qui est assez rare (et qui me rend d’autant plus inquiet pour le « Stage sur l’amour » qui commence demain), de pouvoir travailler avec un groupe immédiat, déjà dans la joie de travailler ensemble, dans l’échange. La phrase anti-sartrienne du premier jour : « Les autres n’existent pas, ce sont des alter ego », j’ai entendu, a immédiatement fait écho. Ça a été d’autant plus apprécié, pour moi, que je ne m’y attendais pas, ça a été la bonne surprise, ayant eu l’expérience d’un workshop à la Villa Arson ou personne ou presque ne voulait travailler avec personne, où les étudiants venaient sans vergogne me dire : « Moi, je veux bien travailler avec toi, mais pas avec lui… » (ça avait donc donné une suite de solos). Ce dont je suis le plus fier : avoir eu l’intuition de ces trois représentations, ce qui a permis une journée fructueuse, je trouve (je les ai vu accélérer les étapes au cours de ces trois représentations car — c’est évidemment le paradoxe des écoles — on n’apprend vraiment que sur le tas, au contact du public, je trouve). J’ai aimé aussi voir surgir, comme « in extremis » des personnalités enfouies dans le groupe, des « révélations ». Merci à vous deux, alors, d’avoir cru à ma présence parmi eux !
Vous faites du bon boulot à l’Académie.
(Merci aussi à Etelle et Alessia que j’ai trouvé impeccables !)
Yves-Noël

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« Il la supplia (...) de se réchauffer ;  mais elle n'avait pas froid.
— Pourtant, malgré la tiédeur de la chambre, vous étiez glacée, dans le lit.
— Du tout, je suis ainsi ; l'été et l'hiver j'ai les chairs fraîches.
Il pensa qu'au mois d'août, ce corps frigide serait sans doute agréable, mais maintenant !
HUYSMANS, Là-bas, t. 2, 1891, p. 49. »

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L a Tache



S hortbus


J’avais compris une chose à la merveilleuse fête du départ de José, à Vanves, où j’étais arrivé assez tard par le taxi de Dominique Issermann (où justement avait passé, après qu'elle en soit sortie, la chanson Hallelujah, de l’homme avait qui elle avait vécu si intensément, ici chantée par Jeff Buckley). Tout le monde était déjà ivre et heureux, l’ambiance était à son comble dans le théâtre débordant comme le vaisseau d’une manifestation « Je suis Charlie », par exemple. Et j’avais beaucoup embrassé de corps en sueur qui ne me repoussaient pas. Tout le monde trouvait que j’allais bien et le fait est, que depuis que j’appliquais la méthode « Sophie », la méthode d’autopersuasion que m’avait suggérée une stagiaire inespérée, Sophie : au lieu de dire honnêtement la vérité, qu’on est une crevure, qu’on a d’affreuses douleurs, d’affreux problèmes, etc., dire qu’on va très bien, eh bien, depuis quatre jours, donc, je pétais la forme : le fait est que ça marchait, ma libido était en folie, j’avalais la vie (l’air de Bruxelles est beaucoup moins pollué, faut dire), je bouffais à tous les râteliers comme la phrase de Patrice Chéreau l'énonce si bien : « Je suis un voleur à l’étalage, un pilleur malin qui prend son bien là où il le trouve et qui mange à chaque repas toutes les personnes et les œuvres qu’il admire » — et même mon eczéma aux ailettes du nez, au matin de ce samedi, avait disparu ; Dominique me disait qu’elle me trouvait rayonnant, des pommettes, une très belle peau. Je dois reconnaître que cette méthode — simple, écologique, abordable par tous — est spectaculaire, je ne saurais trop en faire la publicité : je vais bien et je vous emmerde ! Eh bien, donc, à cette fête, j’avais compris quelque chose. J’avais parlé avec Thomas Gonzalez — enfin, parlé… touché, échangé, c’est tout un ensemble de tous les sens : Thomas représente pour moi la définition-même de la sensualité, homosexuelle, certes, mais la sensualité — et j’avais rencontré à Bruxelles un garçon extrêmement beau, magnifique, qui m’avait avoué qu’il ne connaissait pas encore ses zones érogènes (il ne se souvenait même pas du mot),  « Comment ça ? même la bite ? », oui, même la bite, ça ne lui faisait pas grand chose. J’avais pensé alors qu’il était frigide ou peut-être même atteint de cette maladie que décrit Michel Houllebecq dans son dernier roman : qu’un homme peut bander sans en éprouver de plaisir. Mais Thomas m’avait tout de suite dit : « Ah, ça ! je comprends, pour moi non plus, la bite, c’est pas grand chose… » Je tombais des nues. Lui qui en a une si belle comme on peut le voir dans la vidéo du spectacle La Mort d’Ivan Ilitch, une vidéo qui, selon César Vayssié qui l’a postée et regarde parfois les statistiques, fait le tour du monde, ce qui ne m’étonne pas, l’internationale homosexuelle n’est pas un mythe (ira-t-elle jusque dans les pays arabes, Manureva ?) « Mais alors, je lui avais demandé, très étonné : quelles sont tes zones érogènes ? » « Eh bien, le périnée, par exemple, il m’avait dit, et, bien sûr, le trou du cul. » Plus tard, alors, dans le taxi (un autre) qui m’avait ramené à Paris après que j’eusse abandonné la fête pour cause de trop de fumée (mon autopersuasion n’allait pas — pas encore — jusqu’à abolir mes allergies), je pensais que je ne connaissais vraiment encore rien de la vie, de la manière dont les gens s’inventaient des sexualités à partir de données qui paraissaient a priori très communes et je repensais à cette phrase de Marguerite Duras sortie de ma jeunesse — c’était Claude Régy qui, à l'époque, me l’avait rapportée et cela le faisait beaucoup rire, il m'avait dit : « Tu connais la dernière de Marguerite... » —, elle avait dit qu’elle ne comprenait pas comment baisaient les homos parce qu’ils n’avaient « pas les organes ». Moi, cette phrase, à la différence de Claude Régy, ne me faisait pas rire du tout, parce que je la trouvais très juste (j’étais complètement margueritedurassisé, faut dire, adolescent) et, cela, jusqu’à maintenant dans ce taxi lent (70 sur le périf), soit des années-lumière après. Tout d’un coup je comprenais que la phrase sortie du vide était fausse (donc drôle) et que Dieu, dans son immense mansuétude, avait placé des zones érogènes aux endroits stratégiques : la bite pour certains hommes et le trou du cul pour d’autres, ce qui fait qu’au final les homos se retrouvaient parfaitement équipés pour baiser ! CQFD. Ça matchait. J’aurais voulu que Marguerite Duras soit encore de ce monde pour lui téléphoner la nouvelle.

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S tage sur l’amour, du 2 au 14, présentation publique pour la Saint-Valentin


« Du milieu de la tempête qui me déracine, me dépossède de mon identité, je veux parfois revenir à l’origine ? à mon origine. Une pente invincible me fait glisser, descendre (je coule) vers mon enfance. Mais la force qui produit ce souvenir est ambiguë : d’une part, je cherche à m’apaiser par la représentation d’un temps adamique, antérieur à tout souci d’amour, à toute inquiétude génitale, et cependant empli de sensualité ; par le souvenir, je joue ce temps contre le temps du Souci amoureux ; mais aussi, je sais bien que l’enfance et l’amour sont de même étoffe : l’amour comblé n’est jamais que le paradis dont l’enfance m’a donné l’idée fixe. »

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