Monday, July 23, 2018

L ’Actrice a entendu


— Elle est gratinée, celle-là !
— C’est Nathalie Dessay
— Oh, merde !

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P our la réintroduction de l’oiseau en Bourgogne


J’étais dans l’un des plus beaux endroits du monde, Pisy, délicieux village situé au bord de la dernière colline du plateau du Tonnerrois, dans une maison avec la plus belle vue du monde, pratiquement pas de lumière nocturne de ville (Avalon est très sur le côté) ; de jour, c’est tout ce qu’on peut rêver de plus beau quand on lève la tête du livre : le paysage, le pays nu, vivant, épanoui, épargné (car l’armée y faisant de temps en temps passer ses mirages à basse altitude empêche l’édification d’éoliennes). Seulement voilà. Il y a un hic. C’est une fausse nature. Aussi belle soit-elle encore, aussi absolue. Il n’y a plus d’oiseaux. Ce n’est pas qu’il y en a peu, c’est qu’il n’y en a plus. La raison : derrière Pisy, cinquante kilomètres de culture intensive et, devant, au Sud, sur la Terre-Plaine où la vue porte si loin, si belle (jusqu’au bleu de mer — ou de ciel — des basses montagnes du Morvan), pareil, l’agriculture du rendement, sans âme, suicidaire, sans amour, sans partage. Le chat de la maison avait fui durant les trois jours de cette fête, selon son habitude, mais l’oiseau a été découvert mort le dernier matin, le dernier oiseau. Il y a quelques années j’ai perdu l’odorat (définitivement, je le crains). L’anosmie. Le silence à l’aube (j’ai dormi à la belle étoile), le silence la dernière soirée calme dans la splendeur où ne restaient que quelques-uns sont comparables à cette perte. Je m’essaye à une pensée plus complexe : je me dis que l’agriculture intensive a peut-être protégé le paysage, empêché le mitage de la campagne par les résidences secondaires, les enseignes publicitaires. Tant que les terres rapportent, on les garde. Un peu comme on dit que les attentats ont protégé l’Île de Beauté de la spéculation immobilière qui l’aurait défigurée

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C hamp d'Oiseau


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L a Cache de douceur


« Il y a une cache de douceur au fond du langage — c’est notre seule raison de parler. »

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« The poet W. H. Auden said : I look at what I write than I can see what I think »

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M ilo Rau


Merci beaucoup, Eric, pour m’avoir permis de voir ce spectacle très, très fort, en effet, et très fin, très subtil. J’admire beaucoup le casting, c’est un vrai casting ? probablement.  Pourquoi disais-tu que c’était de la manipulation (pour la bonne cause, tu ajoutais) ? ça m’intéresse... A cause de la levée de l’émotion ou bien ?
Yves-No

Très cher Yves-Noël,
Merci de ton message et excuse le délai de réponse. J’espère que ce message te trouvera dans une belle forme toute estivale.
Pour te répondre. Oui il y a bien eu casting pour trois des rôles, exactement comme décrit dans le spectacle. Trois des comédiens travaillent régulièrement avec M Rau, un autre a été rencontré lors d’un casting professionnel et les deux autres à Liège lors de l’enquête de l’équipe sur ce crime.
Le mot de manipulation serait trop fort ou pas tout à fait exact ? C’est possible, peut-être. Je voulais dire que tout est préparé avec tant d’attention, dans la première partie du spectacle, pour que la scène de violence soit à la fois insupportable – démonstration est faite que la scène, comme le crime, est gratuite, n’a aucune justification ni aucun projet, ce qui annule les mises à distance sociologisantes par exemple. Et en même temps, par le discours méta-théâtral qui file tout au long du spectacle, la même scène est « dénoncée » comme artificielle, qui paradoxalement annule toute distance du type « ce n’est que du théâtre ». Il me semble qu’il y a là une double entreprise qui parvient à rendre l’émotion d’autant plus vive, à fleur, finalement tragique, tant tous les arguments pour s’en protéger et la mettre à distance sont déjoués : en cela, il y a manipulation car nous ressentons exactement ce que les artistes ont souhaité que nous ressentions — à l’inverse de la polysémie libre de la poésie, par exemple, ou que l’énigme de Castellucci ou Régy. Je ne le vis pas comme une limite, plutôt comme une science très maîtrisée, d’autant qu’elle ne cesse de s’énoncer explicitement durant le spectacle. Est-ce que tu comprends mieux ce que je voulais dire?
Je t’embrasse bel ami, au plaisir de te revoir bientôt,
Eric

Oui, je comprends parfaitement parce que tu expliques très bien. En sortant du spectacle, figure-toi, j’ai eu peur des gens que je croisais dans la rue (à Lausanne !). Oui, c’est très maîtrisé et remarquable. A Paris, j’ai vu un spectacle du même genre, aux Bouffes du Nord, sur le scandale du Médiator, un spectacle qui m’avait fait horreur, mais qui me plaçait exactement à l’endroit de l’horreur. Pendant les premières secondes, je voyais une actrice entrer en scène, mais au bout de moins d’une minute, très  vite, je perdais la conscience du théâtre, je n’apercevais plus du tout (ce que l’on considère d’ailleurs comme un défaut) les acteurs derrière les personnages, je croyais aux personnages et aux actions comme à la vérité, absolument comme dans un cauchemar. Je n’ai pu conseiller ce spectacle à personne tellement j’avais vécu une épouvantable soirée et, en même temps, je n’aurais pas pu dire non plus que le spectacle était nul vu l’effet dont il était capable sur moi (extrême et puissant). (Il me semble qu’on aurait le même effet tous les jours si on lisait vraiment les journaux, mais on ne les lit pas vraiment ou plutôt, en lisant les faits, on lit aussi leur mise à distance.) Le spectacle de Milo Rau est du même ordre, tu as raison, il empêche la mise en distance, mais il me touche plus que celui sur le Médiator, car il débouche (plus) sur la gratuité du mal, donc sur un mystère, l’inexplicable, etc., l’absurdité, l’irréalité de la tragédie-piège (tandis que le Médiator, il y a quand même des coupables). Je vais peut-être encore fréquenter la tragédie — après Hamlet (en mars dernier, à Vanves) : Phèdre. Si tu connais des livres indispensables qui m’éclaireraient la nuit d’un tel sujet…
T’embrasse, 
Yvno

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« Comprends que les figures se chevauchent. »

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Je veux un théâtre du non sens comme une fête
Ça va bien. 
Sauf que tu m’as mis le virus de Phèdre dans le corps (en tout cas dans l’idée). Aidan s’étant défilé pour la reprise (et l’augmentation) d’Hamlet Unlimited à Lausanne, j’ai dû imaginer très vite (pour la com) un spectacle de remplacement et alors, après quelques jours-heures passées à la bibliothèque de Beaubourg, j’ai proposé Phèdre. Puisque je suis sous influence. Tu sais laquelle. Ce sera bien la chose la plus difficile que j’aurai tenté jusqu’à maintenant et je vais probablement me planter, mais ça me permet une certaine perspective de travail pour cet été caniculaire. J’ai visionné toutes les images que j’ai pu trouver sur Internet  : toutes les actrices sont nulles dans le rôle, même les plus célèbres. En un sens, ça m’a rassuré : je pourrai difficilement faire pire, mais bien sûr inquiété : je ne pourrai certainement pas mieux. C’est impossible, en fait. Tout le travail consistera à s’approcher de cet impossible (en le laissant intact, réel). Si tu connais des textes qui pourraient m’éclairer (ou m’assombrir), en particulier sur les mythes les plus anciens (le jour/la nuit) et aussi de dix-septièmistes…. En septembre, je jouerai déjà quelques vers (20 mn) dans une grotte dans un festival à Versailles, le 23. Je serai à Paris les deux week-ends précédents.
T’embrasse, 
Yves-Noël

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