Monday, October 22, 2012

Speaking about...



Hier, dans le spectacle de Grand Magasin, Bilan de compétences, j’ai découvert une interprète : Ondine Cloez. Ce qu’elle fait est vraiment très beau, très fin. J’ai pensé à elle toute la journée. 




Alexandre Perigot me donne l’auteur de ces citations que j’utilise si souvent : « Less is more » and « God is in the details » : Ludwig Mies van der Rohe. L’architecte. C’est extrait d’un texte que je n’arrive pas à trouver sur Internet : Speaking about restraint in design
.



Il me propose aussi un titre (Alexandre) : Les Actions du théâtre de la Ville ne valent plus rien
.



Devant les Editeurs, je vois passer Aurélien Bellanger, mais je n’ai pas la force de le héler à cause de cette maladie, l’hépatite A qui ne m’empêche pas de travailler – et c’est dommage que je n’aie plus de travail car j’ai pu faire la lecture à Rennes, Love à Pantin et, ce matin, le tournage pour Alexandre, – mais qui m’abrutit totalement pour tout ce qu’il y a de social. C’est comme si, là, j’avais changé de personnalité : je ne suis plus du tout excité (et je vois que tout le monde l’est, extrêmement ou par bouffées – moi : rien). Plus tard, Olivier me prête La Théorie de l’information
, au Sélect (je le lui avais demandé). On me demande ce que je veux boire, je dis, non, que je ne fais que passer. Du coup, je n’ose pas aller aux toilettes. C’était une très belle journée, ce 22 octobre à Paris.



Et puis Olivier me dit que, pour Freud – il lit Notre relation à la mort, – il y a chez l’homme un ressentiment, un fond de ressentiment qui vient du fait qu’il n’accepte pas de ne s’être pas créer tout seul… Je répète ce mot, « ressentiment », « ressentiment »... debout devant la terrasse du Sélect, la vessie pleine, avant de partir chercher un Vélib’ pour remonter vers le Nord, la ville déjà noire… 

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Photo François Stemmer.

Speed Dating



S’il me fallait maintenant chercher du travail, répondre à Falk Richter, à Arnaud Bourgoin, demander du travail à Pascal Rambert, répondre à cette si gentille lettre sur papier de Jean-Marie Patte… plutôt que d’écouter France Musique (Anton Dvorjak) en lisant des nouvelles de Rudyard Kipling archi démodées, archi passionnantes, s’il me fallait revenir dans la vraie vie… Commencer à… Rien ne va plus entre Falk et Arnaud, à propos. Falk m’écrit même : « Love or whatever that is wakens all the demons – and the sweetest people become the ugliest devil from hell. » Et Arnaud est en trithérapie parce qu’il s’est planté une seringue dans le poignet, un truc invraisemblable, en tombant d’un mur dans un quartier probablement mal famé de Berlin (qu’est-ce qu’il y faisait ?) Enfin, mon actualité à moi : beau temps sur le Tarn, j’ai bien dormi. Il faut que je pense à faire des courses – ou alors je vais déjeuner au village, ce qui serait pas mal, en lisant les journaux… Et demain, je pourrais aller à Toulouse, peut-être, c’était une ville si belle… En attendant, Falk m’envoie (daté du 23 septembre et traduit par Anne Montfort) l’un de ses derniers textes. Laquelle d’entre vous – ou lequel, comme il est dit, – chers amis stagiaires, s’en emparerait ?






SPEED DATING

L’interprète est une jeune femme entre 20 et 30 ans. Elle est très belle, directe, sensible, vulnérable, parfois aussi étonnamment dure, provoquante, épuisante... ah, elle est probablement tout ce qu’imagine un auteur allemand d’une jeune française. Tout cela pourrait aussi s’appliquer à un jeune homme. Ils sont pareils ! Dans le fond, nous autres Européens du Nord nous sommes toujours livrés sans défense aux Français. Par principe, on devrait rester loin d’eux si on veut vivre et travailler tranquillement. Mais peu importe. Trop intime. On continue. Donc, ce pourrait aussi être un jeune homme ou justement une jeune femme. Et dans chaque cas, il faudrait alors décider, avant de rencontrer un partenaire potentiel, un spectateur donc, si c’est un homme qui parle à une femme, un homme à un homme, une femme à un homme ou une femme à une femme. Mais ici, il s’agit probablement d’une jeune femme qui parle à un homme. Oui, je crois quand même que oui, c’est une femme et elle parle à un homme.






je suis tellement contente que tu sois venu

dans ce maudit endroit

c’était dur

de coucher avec d’autres hommes

je continue à te voir

je continue à t’entendre

ta respiration

tout au-dessus de moi

quand tu me faisais l’amour

ta façon de me tenir la tête

parfois si fort que ça faisait mal

mais c’était bon (elle rit brièvement)

parfois tu avais l’air de vouloir me tuer

tant de colère

presque de la haine

tu me haïssais ?

ta façon de me regarder dans les yeux

toujours dangereuse

tu étais SI VIVANT dans ces moments-là

on était si proche

(lui prend la main)

ça me manque

(bref silence, elle le regarde, le regarde par en-dessous, elle parle plutôt bas)

ma peau se détache

mon cœur ...se consume, lentement

j’ai toutes ces crevasses taches blessures

blessures d’absence

de ton absence

(elle prend la main du spectateur et avec, elle touche sa propre tête, se caresse, tout cela est très intime, comme s’ils formaient tous deux un couple depuis longtemps, elle pose la main du spectateur sur le haut de sa cuisse, caresse son visage avec la main du spectateur)

ta peau me manque

ta façon de me toucher me manque

je rêve que je t’embrasse

toutes les nuits

si difficile de coucher avec d’autres hommes

j’ai tellement envie de toi

j’ai tellement besoin de toi

je ne peux pas faire autrement

(elle le regarde un moment dans les yeux, lui tient la main)

tu as l’air triste

et seul

comme

si quelque chose te manquait dans ta vie

comme s’il y avait un manque

quelque chose de vide

tu as l’air de ne pas dormir de la nuit

d’attendre que quelqu’un revienne

un bruit à la porte

mais il n’y a que ce mmm au loin

de toutes les machines en stand-bye

ton téléphone portable

ton ordinateur

ta stéréo

tous tes chargeurs différents

qui continuent à charger et charger

toutes les machines qui t’entourent

qui te connectent au monde

pour que tu puisses continuer à travailler et travailler jour après jour infiniment

ma peau se détache

mon cœur se consume, lentement

j’ai toutes ces crevasses taches blessures

blessures d’absence

de ton absence

pourquoi tu ne m’aimes pas

pourquoi tu ne m’appelles pas

pourquoi je ne te manque pas

(bref silence, elle lui prend la main)

ta respiration

ton sourire

toi à l’intérieur de moi

5 heures du matin

tout éveillé

la musique de ton i phone

à côté du lit

la ville s’arrête

juste toi et moi

juste toi et moi

notre chanson

(elle chante tout doucement, presque un souffle, une chanson qu’ils écoutaient tout le temps tous les deux quand ils étaient ensemble, cela dure quelques secondes, puis elle rit brièvement)

ça me manque beaucoup

je savais que je te trouverais ici

dans cet horrible endroit

où tous sont en quête

font leur propre publicité, se commercialisent, se vendent, en proie à la panique, comme des maniaques, montrent tout l’ extérieur, cachent tout l’essentiel

IL FAUT QU’ON OUVRE NOS CERVEAUX ET QU’ON ARRACHE LES PENSEES AUX FIBRES DE NOTRE CERVEAU POUR COMPRENDRE CE QUE NOUS VOULONS ET RESSENTONS ET PENSONS NOUS NE LE SAVONS PAS NOUS NE LE SAVONS TOUT SIMPLEMENT PAS ON NE SE COMPREND PAS

TU AS TOUJOURS ETE UN ETRANGER POUR MOI QUAND ON COUCHAIT ENSEMBLE

il y avait des moments où tu n’étais pas là du tout

SI AB SENT

et c’était

une telle douleur

si IN SU PPORTABLE

être proche et pourtant ne rien ressentir ne rien savoir ne rien sentir

ET POURTANT TU ETAIS TOUT CE QUE JE VEUX

tellement que j’en perds l’esprit

ensemble

tout oublier

je ne peux plus

continuer

toutes les nuits ce silence

MA TÊTE

ahhhh ces douleurs

je ne peux plus dormir

les murs m’attaquent

je ne le supporte pas

à quoi ça sert que j’ai tout ça: mon appartement, mon travail, ce corps,

toutes ces ressources inutilisées

que je mets à la disposition de mon employeur

et que je traîne le soir à la maison et là il ne se passe rien

rien que cette légère respiration du système d’alarme

qu’est-ce que cette alarme protège en fait ?

un moi instable qui doit se lier à quelque chose pour se stabiliser  dans cette pièce follement vide (rire bref)

mais tu ne veux pas

tu ne veux pas de moi

tu préfères chercher

garder toutes les options possibles

tout est censé flotter

rien ne doit s’attacher

si on y allait

si on partait loin d’ici loin

trop de solitudes dans cet endroit

trop d’indécision

ici personne ne dit OUI

ici tous ne disent que

ON VERRA SAIS PAS ENCORE JE NE PEUX PAS ME DECIDER PEUT-ETRE QUE QUELQUE CHOSE DE MIEUX, DE PLUS INTERESSSANT, DE PLUS INTENSE VA PASSER

ici personne ne dit

TU ES TOUT CE QUE JE VEUX

ici tous ne disent que

ah tu sais je cherche c’est vrai mais rien de solide et en ce moment je ne peux pas me fixer il faut d’abord que je regarde que je me concentre sur moi que je travaille un peu sur moi avant d’admettre les autres je suis très préoccupé de moi en ce moment et

PUTAIN

un couple est une action performative que deux êtres réalisent ensemble

et l’action ne commence que quand tous deux disent OUI

elle ne commence pas quand les deux êtres ne cessent d’ attendre l’option suivante, qui pourrait être la meilleure, et refusent de se jeter dans le moindre risque de toutes leurs forces

PLUS DE COURAGE PUTAIN DE MERDE

IL FAUT QU’ON SE METTE EN DANGER

QU’ON RISQUE TOUT

QU’ON ARRETE DE TOUT LE TEMPS SE PRESERVER ATTENDRE ET NE DIRE QUE « PEUT-ÊTRE » ET « OUI, MAIS »

pourquoi tu t’es barré à ce moment-là

c’était pourtant bien entre nous

on avait parlé tu étais venu vers moi

tu m’as embrassée

tout était très bien

une autre vie

tout était immobile et se déployait et devenait éternel et en nous il y avait tout vraiment tout et

tout d’un coup tu étais parti et

je ne t’ai jamais revu

ET TU NE M’AS JUSTE PLUS RAPPELEE

mais je savais que je te trouverais ici

PARCE QUE JE SAIS QUE TU ES SEUL

QUE TU NE SUPPORTES PAS LA SOLITUDE

ET QUE TU ES ENFERME DANS TON DESIR D’AMOUR ET DANS TA PEUR  DE DIRE UN JOUR A UN ETRE QUELCONQUE « OUI JE VEUX »

si on y allait

CA, LA, C’EST L’ENFER

ils sont tous si proches

mais personne ne se touche

personne ne tient l’autre fort

ils sont tous en quête

tellement de possibilités

tellement de choix

et jamais personne ne dit oui

parce qu’ils ont tous trop peur de louper un truc

que l’option meilleure plus intéressante plus adaptée

le couple absolument parfait

les attend quelque part au tour suivant

si on y allait

chez moi

continuer là où on s’est arrêté la dernière fois

je rêve que je t’embrasse

toutes les nuits

si difficile de coucher avec d’autres hommes

je te veux tellement

j’ai tellement besoin de toi

je ne peux pas faire autrement

on y va

dis oui

dis enfin oui

(maintenant elle le regarde, s’approche de lui comme si elle voulait l’embrasser, comme si elle voulait l’embrasser longtemps, tendrement et intensément, juste avant que leurs lèvres ne se touchent, elle s’interrompt – peut-être le signal pour changer de partenaire retentit – et elle dit)

Merde

déjà fini

il faut que je continue

prochain tour

on verra bien qui sont les suivants

mais c’était bien avec toi

appelle-moi

on se verra peut-être après

quand tout ça sera fini

j’ai encore quelques rendez-vous maintenant mais

rappelle un jour 

et alors on verra

faut que j’y aille

(elle lui fait un baiser d’adieu très furtif et disparaît rapidement, sans se retourner.)

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Photos Sara Rastegar.

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Château hanté



Il y a un moment où lire est aidé par la maladie. On lit mieux en étant malade. Et puis il y a un moment où il faut voir ses amis pour qu’ils s’inquiètent, pour qu’ils se plaignent de votre état de santé et que vous pourriez disparaître… Nuit, maladie, chagrin… Comment se fait-il que soit reliée à ces mots la pleine santé de la lecture ? Une chambre, une lampe, un amour meurtri, passé, oublié et les vannes s’ouvrent sur la nostalgie et l’avenir du noir et du monde imaginaire… Il fait si chaud, je ne peux pas porter les pulls à la couleur rouge que je trimballe… Il fait si chaud, le bleu, seul (ou le vert d’eau) conviendrait. Un pastel, un safran.

Oui, le vent qui recule, qui murmure, maintenant, me rejoint. Toujours ce mot. « Rejoindre ».



Il y a un bruit – ce qui – ce bruit – comme d’une route… Mais c’est le barrage, probablement. Que je ne reconnais pas soudain cette nuit où je m’éveille… Le monde est réputé à l’envers, s’émanciper à l’envers. I Have Been Here Before.






« Reliques noyées du jour – comme des forêts ou des fleuves merveilleux… »
« Et les feuilles de l’arbre semblent murmurer son nom. »
Reposez-moi dans l’amertume.






Tout donné sans pudeur, sans retenue, par tes propres parents. Tu es dans la chambre et tu es nu – car tu es pur.






Je dis ici tout ce que je peux dire, mais ce que je ne peux dire est évidemment ma vraie vie.






Un titre pour des notes autobiographiques (publiées par Rudyard Kipling) : Un peu de moi-même pour les amis connus et inconnus. C’est exactement ça. C’est étonnant comme un tas de gens voit le monde comme un réseau d’inimitié… La protection du mot « ami » m’est indispensable… – dussé-je être le dernier…

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Baptiste Kubich. Photo Sara Rastegar.

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