Sunday, April 26, 2020

L 'Ami photographe


C’est très gentil, ce que vous me dites-là, Thomas ! Comme vous ne m’avez pas laissé votre adresse et que vous me dites que vous lisez ce blog, je vous réponds ici. On pourrait se voir, non ? On voit si peu de gens pendant ce confinement. Hier, on a reçu un ami photographe confiné un peu par hasard lui aussi à Nantes et c’était très agréable (une fois dépassé la parano des gestes barrières). Vous avez un vélo ? Je connais deux endroits magiques — pas interdits — sur la commune de Saint-Herblain. Ce sont des « bordières », deux parcs situés presque à la campagne… Il paraît qu’il y a aussi des endroits comme ça à Nantes, mais, pour nous, c’est un peu loin, de l’autre côté de la ville, nous ne nous y risquons pas. De quel côté habitez-vous avec votre conjoint ? En tout cas, j’aimerais bien en savoir plus sur vous. Vous ne me parlez que de moi — et si gentiment —, vous vous laissez dans l’ombre et le mystère (ce qui est joli). Première question : Faites-vous du théâtre en rêve ? Vous connaissez sans doute cette citation de Jorge Luis Borges (que je cite souvent en stage, par exemple) : « La nuit, lorsque nous rêvons, nous sommes l’acteur, l’auteur, le spectateur et le théâtre. Nous sommes tout ». Amitié, cher Thomas

Labels:

E mbryon de réponse


« Il répond que la liberté détruit les hommes, et que c'est là sa beauté. »

Labels:

A bâtons rompus



Ben, oui. Ça fait un moment que c'était en marche, mais, là, y a un sacré coup d'accélérateur. Les gens n'en ont plus rien à foutre de la liberté, ils veulent la sé-cu-ri-té. Moi qui ai toujours présenté mes spectacles (en tout cas, ceux que je vois devant moi) comme des « leçons de liberté » faites au spectateur... Ta formule est bonne, « pas soluble ». Il faut réaffirmer, mais comment faire ? Ce n'est même pas les gouvernements (qui naviguent à coup de sondages), c'est, en effet, la société elle-même presque comme un seul homme qui dirige. Et alors, là, c'est difficile à faire vibrer, la fibre de la liberté, si personne n'en veut... Ça n'existe même plus comme souvenir, on dirait... La science-fiction de nos enfances a beaucoup décrit de mondes paranoïaques dont on a presque les représentations en direct... Même plus besoin de police, les riverains font le boulot... Evidemment qu'on va vers plus et plus de contrôle, les données, les traçages, au nom de la santé, personne ne dira non (on est passé au « sanitairement correct », dit André Comte-Sponville)... C'est vrai, c'est mieux en Suisse ? Mais ils annulent quand même les rassemblements... Ou c'est plutôt que les rassemblements s'annulent d'eux-mêmes... Peut-être la jeunesse aura la solution. La coiffeuse me dit qu'ils sont moins cons qu'il y a vingt ans, les jeunes, ceux qui viennent se faire couper les cheveux chez elle, en tout cas... Peut-être qu'ils la prennent maintenant pour une grand-mère (elle a 60 ans), c'est mieux qu'une mère, une grand-mère... Enfin, toute cette situation de perte, de disparition est touchante, je dois dire, l'époque (si c'est la dernière) est touchante... Peter Beard (qui vient de mourir) disait que, quand il a découvert l'Afrique en 1955, c'était un paradis de vie sauvage, « Maintenant, c'est un parking » (ajoutait-il). On aimerait bien vivre le temps où les parkings redeviendraient sauvages, non ? Comme disait Claude Régy : « Qu'on nous laisse la place des larmes... »


Oui, c'est vrai, tu as raison, je me raccroche un peu trop souvent à ce romantisme (presque rassurant, tu as raison), sous l'influence de mon ami Laurent Chétouane (ou d'autres d'ailleurs)... Mais ce n'est pas vraiment la fin du monde (pour moi), c'est la fin des formes. Les formes peuvent disparaître. J'ai voulu faire disparaître des formes, je n'ai pas voulu en créer... C'est comme ça que je vois mon travail... Avec toujours ce risque de jeter le bébé avec l'eau du bain, d'ailleurs, quand on s'appelle Le Dispariteur... Il faudrait peut-être changer de nom... Résister, c'est toujours un problème. Qui résiste ? Bon, la résistance, en France, c'était très actif... Je vois ça plus de ton domaine, à cheval que tu es avec le politique... Mais, moi, je ne vois pas... Je fais déjà tellement d'efforts pour suivre le mouvement... Mais « L'art, c'est la résistance », c'est vrai, c'est presque une tautologie…


Oui, c'est ça, évidemment. C'est là où tu peux insister. Et, en effet, ça fait un moment qu'on ne demande plus à l'artiste d'être une résistance à l'alignement (il y a eu une époque où, au moins, la formule était dans l'air), on lui demande juste d'être un bon soldat de la société capitaliste ou, comme on dit, néo-libérale (faire des dossiers, se vendre...)  Dans ce dernier sens, je suis un grand résistant ! (conscient) dès mon premier spectacle en 2003 : faire moins. (« Le rien, mais avec splendeur. ») Là — et c'est parfaitement ce que tu fais —, il y a quelque chose à défendre : la singularité. Mais, alors, pour se faire comprendre, bon courage ! Je te trouve très clair avec ça et c'est pour ça que je t'apprécie (grandement) — mais tu es solitaire, toi aussi... Mais tu as la santé, c'est bien ! Patrick de Rham, au pouvoir ! Je voterai pour toi (tu m'as convaincu). Hâte de lire ton article. Il faut se dépêcher pour redresser la barre sinon on va se faire avoir. Reste le problème des masses. Là, je ne sais pas comment faire... Être des utopistes, mais ? La coiffeuse me dit que, dans sa jeunesse, il y avait dix groupes de musique qui étaient bons sur Nantes et que, maintenant, il y en a cent ou mille qui le sont — bons. Sur Nantes. Et c'est comme ça dans tous les domaines artistiques, n'est-ce pas ? Cette complexité Instagram (où tout le monde est un bon musicien, un bon photographe, un génie créatif), ça me dépasse, je dois dire... Que faire de ça ? ce phénomène... Bien sûr, on peut penser que l'excellence, le génie, n'a pas progressé — mais le niveau médian, si.


C'est vrai. C'est ton art de le desceller. Quand un artiste apparaît, c'est toujours une surprise, toujours inattendu. On ne comprend pas « comment c'est fait ». Après, l'art, c'est quand même la recherche du bonheur (Proust...) et, s'il y a plus de bonheur, peut-être qu'il pourrait y avoir moins d'art (ou dilué, comme on remarque). Parce qu'il est possible qu'il y ait plus de bonheur, paradoxalement, à notre époque, qui sait ? C'est une question. Y a-t-il plus de bonheur ? Mais ça nous amène ailleurs et la coiffeuse a envie de sardines crues, il paraît que c'est la saison, faut que je me sorte du lit... Mais c'est surtout très agréable de discuter avec toi... Des bisous à plus d'un mètre...

Labels:

L a coiffeuse est de gauche



Labels: