Saturday, December 22, 2012

L'Entretien



Ah, merci, Alexandre ! C'est formidable, ce truc ! D'autant plus bluffant, pour moi, qu'au début j'ai cru que c'était vraiment Jean Eustache. Alors, quelle merveille,  liaisons,  temps, le côté mallarméen... Je me disais : il est entre moi et Nicolas Maury (un acteur que j'adore), avant (saisi d’un doute) de retourner voir ce que tu m'en disais ; c'est un travail remarquable...
J'ai vu hier Japón de Carlos Reygadas dans de mauvaises conditions — mais peut-être les bonnes : un vidéoproj qui efface et surexpose les couleurs et une extrême fatigue, mais ça m'a fait de l'effet ! Je crois que ce qui me fascine, c'est la corrélation entre ce pays et ce réalisateur que je ne connais pas plus, ni l'un et l'autre, mais comme parlant de la même chose, de la même réalité. Avec, qui plus est, cette langue que je ne connais pas. Bref, je ne connais rien, mais je reconnais tout. Ça me fait sans doute l'effet que j'adore de voir les films filmés à New York à New York. C'est intense, juste, ça aide à être là.
Mais je promets de m'intéresser vraiment au cinéma à partir de toujours ! Tu m'y aideras...

Des bises, 
YN

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Photos Marie Taillefer (2)











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Jardin secret (Jouer Dieu)



« Alors que la connaissance dé-limite ses contenus selon une démarche qui est essentiellement celle du « non », travail de la distinction (« ceci n’est pas cela »), le postulat mystique pose l’illimité d’un « oui ». Naturellement, il s’agit d’un postulat de principe, aussi délié des circonstances que l’intention visant « tout », « rien », ou Dieu. Il a son modèle dans un mot surprenant de saint Paul à propos du Christ : « Il n’y a en lui que oui (nai) » Ce paradoxe d’un « oui » sans limites dans la circonscription d’un singulier (Jésus) esquisse une théorie, contradictoire et atopique, du Sujet (christique) ; un oui in-fini troue le champ des séparations et distinctions pratiquées par toute l’épistémologie hébraïque. Ce « oui » se répète ensuite. Le même lapsus de l’histoire (le même oubli) se reproduit. Au XVIIe siècle, Angelius Silesius va encore plus loin. Il identifie le graphe du Séparé (Jah, ou Jahvé) à l’illimité du « oui » (Ja). Dans la place du seul Nom propre (un Nom qui éloigne de toute être), il installe la désappropriation (par un assentiment à tout) Le même phonème (Ja) fait coïncider la coupure et l’ouverture, le Non Nom de l’Autre et le Oui du Vouloir, la séparation absolue et l’acceptation infinie :
Gott spricht nur immer Ja
Dieu ne dit jamais que Oui (ou : Je suis). Identité entre le « oui » christique et le « Je suis (l’Autre) » du Buisson ardent. Le séparé se retourne en exclusion de l’exclusion. Tel est le chiffre du sujet mystique. Figure de l’« abandon» ou du « détachement », le « oui » nomme finalement l’« intérieur ». »

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Le seul visage



Revu Au hasard Balthazar que je connaissais presque par cœur, que j’avais tant vu à l’époque d’une rétrospective des films de Robert Bresson, mais je ne me souvenais pas qu’il était si noir — quelle dépression ! C’est épouvantable. L’horreur.

Je vais sortir en ville — en vie déméritée...

C’est curieux, pourquoi montrer le mal ? Comme si nous n’étions pas au courant...

Godard dit de lui que c’est un « grand inquisiteur », c’est assez juste. « Quelqu’un qui, quel que soit le risque ou même la violence des choses va jusqu’au fond des hommes. Et il se trouve que cet inquisiteur est, disons, moins dangereux qu’un des inquisiteurs dans d’autres formes, en politique ou en religion, parce que cet inquisiteur se sert d’un moyen qui est le cinéma et, le cinéma, par définition puisqu’il filme la vie et les hommes, est humaniste, par définition. Donc Bresson a à la fois cette chance et ce privilège extraordinaire d’être à la fois un inquisiteur et un humaniste. Je crois que ça se ressent très bien dans Au hasard Baltazar qui est vraiment un film à la fois terrible sur le monde et sur le mal dans le monde et, en même temps, on ressent tout ça avec une espèce de douceur évangélique, enfin, qui, pour moi, est extraordinaire » et que je n’ai pas ressentie ce soir, j’ai été épouvanté de ce que je voyais. Dans cette vidéo de l’INA, je remarque que Jean-Luc Godard dit qqch et que Marguerite Duras, plus durassienne que jamais, ne dit rien. Elle ne dit rien, mais musicalement absolument.

Je pense que le mal fait sa publicité à soi-même.

Aujourd’hui, encore hanté par ce film magnifique, j’ai écrit dans mon carnet (vers le zoo, je me souviens) : « Les personnages sont réduits au mal. » 

Il y a un plan, une exception qui m’a toujours frappé — car ce film est faux de bout en bout, ce n’est que du faux (bien sûr), mais il y a un plan où on voit un visage « vrai ». C’est une femme, à la fontaine, qui donne à boire à son âne à elle, quelques secondes, et ce visage m’a toujours paru sorti du film, comme volé à la vraie vie. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs : il n’est pas saisi par le film. Du coup, on sent le soleil, etc. C’est ce visage qui me rassure. C’est ce seul visage qui montre que la vie n’est pas sordide, mais ensoleillée.

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C'est tout


« Les riches, c'est facile à amuser, rien qu'avec des glaces par exemple, pour qu'ils s'y contemplent, puisqu'il n'y a rien de mieux au monde à regarder que les riches. Pour les ravigoter, on les remonte les riches, à chaque dix ans, d'un cran dans la Légion d'honneur, comme un vieux nichon, et les voilà occupés pendant dix ans encore. C'est tout. »

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Le Corps de Deneuve


« Qu’auriez-vous fait en 1789, mon corps en tremble encore ! »

Je ne sais pas pourquoi on ne veut pas lâcher Depardieu. Par exemple, Bardot, on l’aime, Dieu sait si on l’aime, mais on l’a lâchée depuis longtemps. Elle est plus âgée, c’est vrai. Le soutien aux vieux cons, en France (vu du Mexique), c’est qqch ! Que Luchini, droite dure, défende Depardieu, droite dure (« C’est un ami et je ne juge pas mes amis »), ça se tient et ça montre seulement qu’aucun de ces deux (et quelques autres) « monuments » d'acteurs, comme ils s’auto-proclament, n’arrive encore, par ex, au niveau de Louis-Ferdinand Céline qui, lui, en tant que monument, a finalement été vraiment isolé. Ils ont été à gauche (Bardot aussi) car un acteur commence toujours à gauche et ils finissent à droite car, comme le chante si bien Jacques Brel, « les bourgeois, c’est comme les cochons ». Ce serait bien de les voir tous débarquer à la frontière avec leur sacs et leurs valises Vuitton... 1789 — évoqué par Deneuve et  Parisot, — ils en rêvent et en tremblotent encore. Les Marie-Antoinette, les Louis XVI. Les Tuileries, la fuite à Varennes... Moi, je trouve le texte de Philippe Torreton de plus en plus modéré. Car « les aristocrates, on les pendra ! »