Noël Herpe avait dit des choses capitales. Je n’aimais pas le cinéma, mais, là, je l’aimais et je m’apercevais que j’avais raison de ne pas l’aimer. Tout le monde dit tellement du bien du cinéma dans tous les sens, c’est étouffant, on croit qu’il faut aimer « le cinéma » comme on aimerait « la télévision »… tellement qu’au bout d’un (long) moment, je me suis dit : commençons par ne pas aimer le cinéma du tout et on verra ce qui échappera à la règle. Eh bien, beaucoup de choses. Des choses se mettent à apparaître (enfin) de par cette haine salutaire du cinéma. Et Noël Herpe le disait très bien. Il n’aimait pas, lui non plus, les cinéastes qui nous écrasent de leur génie, il aimait les cinéastes qui transmettent des leçons de liberté et de réel, c’est-à-dire exactement ce que j’aimais dans la poésie. A la réflexion, c’était bien la moindre des choses qu’un film soit de la poésie, pas une machinerie lourde et fade. Pas Kubrick, par exemple, pas Bergman, pas Godard (etc.) C’était la révolution. Dédaignez d’abord le cinéma, comme un a priori, et vous verrez sombrer un Titanic de réputations usurpées, de faux nababs, de nouveaux riches… et la vraie vie, le « cinéma du réel » selon l’expression du festival du même nom… miroitera.
Dans le film d’Eric Rohmer que Noël Herpe présentait, les personnages, au bout d’un moment, avaient semblé se détacher de la pellicule et venir vers moi — ou peut-être étais-je entrée dans le film. Grand plaisir. Ce que le cinéma seul pouvait montrer, disait Noël, c’était la liberté, celle du personnage, de son incarnation, oui, au sens chrétien. Rohmer pensait que le cinéma était une affirmation de qqch qui ne pouvait exister sans lui.
Dans le film d’Eric Rohmer que Noël Herpe présentait, les personnages, au bout d’un moment, avaient semblé se détacher de la pellicule et venir vers moi — ou peut-être étais-je entrée dans le film. Grand plaisir. Ce que le cinéma seul pouvait montrer, disait Noël, c’était la liberté, celle du personnage, de son incarnation, oui, au sens chrétien. Rohmer pensait que le cinéma était une affirmation de qqch qui ne pouvait exister sans lui.
« Je pars du théâtre et j’espère en sortir », avait-il dit. Tout à coup, le personnage s’avançaient vers la caméra dans une sorte de mouvement de liberté.
Noël parlait de tout ça, de cette manière qu'avait Rohmer de faire répéter le texte « à la virgule près », et, au moment du tournage, de ne désirer qu’une prise. Précision de la névrose (du fantasme) et spontanéité de la vie. Un cinéma maniéré et délivré. Les personnages de Rohmer fantasmaient leur vie plutôt que de la vivre. Et, pour Rohmer, la forme artistique était la seule réponse possible à la « subjectivité souffrante », au « chaos de l’identité »