Leben und weben
En rêve, Bébé était dans ma
mise en scène. Je restais plus longtemps les yeux fermés tout en sachant que je
ne le retrouverais pas à mon réveil. Mais, après tout, je n’avais pas de
travail cette année et je ne retrouverais personne cette année. Et, après tout,
n’était-ce pas ça ? TANT D'ABSENCES DANS LE PAYSAGE TOUJOURS PLEIN. Où étaient-ils les saints ? Benoît avait pris la voiture et était retourné
au Puy s’allonger sur la pierre noire des fièvres qui lui avait donné –
croyait-il – tant d’énergie. Ou de survie. Benoît était un croyant. Benoît de
Miami. Ou du moins m’avait-il dit hier – puisque nous étions maintenant – qu’il
le ferait. Lui aussi, il faudrait vérifier son absence dans le paysage.
Christine lisait la Bible. Ce qui lui donnait des crampes pendant son sommeil.
Elle appelait son copain Elie pour qu’il la soigne, pour qu’il la console. Et
quand je lui demandais de me parler de son copain Elie (plus tard), elle me
répondait, perverse – mais du tac au tac – : « Mais qui te dit
que j’ai un copain ? Et qui te dit qu’il s’appelle Elie ? Et qui te
dit que je ne l’ai pas inventé ? » Christine était complètement
folle, mais ça n’entravait pas sa carrière, disons, bien au contraire. Elle
avait sa virtuosité, disons. Elle excellait – EXCELLAIT – dans les déprimées,
les mortes... avec sa peau diaphane... les malades et les folles de la messe. Elle
au turban, elle et la petite bête sur le mollet, c’était un sketch ! Elle connaissait
le nom des araignées rapides qui nous avaient encerclés dans la prairie où – du
coup – nous ne retournions plus. J’aimerais l’écrire, ce nom, je laisse un
blanc , quelque chose avec « diamant ». Il y avait deux choses en
progrès, j’avais pensé hier avant de m’endormir sous les étoiles : il n’y avait pas de méduses cette
année en Corse (au mois d’août) et il n’y avait pas de tiques (très peu) cette
année à Pontempeyrat. Pour les tiques, j’avais l’explication. Quelqu’un du
village avait expliqué que l’hiver avait été si rude (« C’était tombé à –
38 », avait dit Alexandre) qu’il les avait presque toutes tuées. Tous ou
toutes, je ne sais plus comment on dit. (Vous corrigerez. Le lecteur
corrigera.) Christine me faisait péter de rire – là encore que dire ?
« pisser de rire » ou « péter de rire » ? – parce
qu’elle nous lisait la Bible – cette Bible trouvée dans une poubelle avant de
venir – en faisant des mines inénarrables devant les incohérences d’histoires
pourtant ultra connues. Par exemple, quand Adam et Eve ont mangé de l’arbre de
la Connaissance, leurs yeux s’ouvrent et ils s’aperçoivent qu’ils sont nus.
Alors, ils se font des pagnes en se cousant des feuilles de bananier.
« Mais comment ont-ils fait ? », disait Christine les yeux
écarquillés. « Avec du fil et une aiguille. » « Mais où ils les
ont trouvés ? », de sa voix traînante et de cette dépression si
sensuelle – blanchâtre – qui recouvre son intelligence sans faille –
« sans faille » n’est pas le mot – il FAUT qu’il y ait une faille –
son intelligence… gambadante… Allez, ça ira bien ! La dernière
phrase : « Elle inventait aussi très bien des poèmes de Houellebecq
apocryphes. »
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