Je viens de lire un livre
inouï, un livre sublime, Essai sur le Lieu Tranquille, de Peter Handke. Ou alors c’est de l’avoir lu en
promenade — une promenade sublime, inouïe — qui l’a rendu tel. Je suis allé au
Mont Aigoual — le « mont qui pleure » parce qu’il est si haut qu’il
reçoit, m’a dit Marc, et les nuages des Pyrénées et ceux de l’Atlantique et
qu’il reverse sur ses pentes aussi bien vers l’Atlantique que vers la
Méditerranée (l’Hérault, où je me suis baigné l’autre jour, y prend sa source). Parti le matin à 7h, dix heures de marche, je suis revenu le soir (à 21h), et
j’avais lu le livre certes écrit gros, certes court, mais quel livre !
Juste avant, pendant ce voyage, j’avais lu Don Juan (raconté par lui-même), du même auteur, et c’est sublime aussi, mais je
n’avais pas compris autant qu’avec celui-ci ce que voulait l’auteur — même pas « voulait dire », voulait —, ce qui
m’a vraiment ému de le découvrir avec ce livre (encore une fois, peut-être ds les conditions
idéales). Ds le snack au sommet du Mont Aigoual, 2 personnes m’ont interrompu,
une vieille dame à cheveux blanc et, ensuite, l’un des 2 randonneurs mâles qui
s’étaient mis à ma table : « C’est quoi, le Lieu Tranquille ? » ou « C’est pas si tranquille, ici… » Bon, à
part ces 2 grotesques, ces 2 dérangeants, j’étais, j’ai été, moi aussi, dans le Lieu Tranquille (allez leur dire qu’il s’agit de l’écriture…) J’ouvre
ce matin cet autre livre de Peter Handke que j’ai emporté avec
moi (le troisième), Hier en chemin, et je lis en
effet : « Aller signifie (doit, peut signifier) : Je m’en vais
savoir ». Et aussi :
« L’œuvre d’art, la gifle de vie douce (« claque » vers la vie)
(il ne faut pas toujours que ce soit « la hache qui brise la mer gelée en
nous »). » C’est très clair, ce que veut Peter Handke, il en parle
tellement, tout le temps, il l’exprime. Pourquoi ne puis-je pas plus souvent
(partir dans la nature à pied) suivre son enseignement que je comprends ? On voudrait plusieurs vies et aussi la sienne,
la sienne qu’on croit ne pas
connaître. Mais, c’est idiot, elle est là, sa vie propre, elle est la même pour
tous, simplement, l’œuvre, ce serait de la découvrir, l’« œuvre
d’art », et nous ne pouvons alors être séparé. Mais, cette vie, il ne faut
pas seulement la lire, il faut la vivre. D’où la marche. Il faudrait qu’enfin
je comprenne que je n’ai que ça à faire. Il me faut le temps, il me faut le
temps pour partir (les mois prochains vont être bien pleins…) Marcher, pas
d’errance ou, si l’errance arrive encore — forcément —, pouvoir, comme hier, retrouver le Lieu
Tranquille, celui qui fait voir la pierre ou le cheval ou la mousse ou le hêtre
comme prochains.
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