Thursday, December 18, 2014

R éponses à des questions


— Le spectacle est différent de sa version présentée à la Condition des soies, au Festival d'Avignon, l'été dernier. Il est plus long, votre voix est enregistrée et des enceintes encerclent les spectateurs. Comment ces nouveaux choix se sont-ils opérés ?

— Eh bien, je progresse dans la connaissance de l'œuvre de Charles Baudelaire (et je n'ai pas fini : c'est infini !), alors, voilà, c'est 2 fois plus long. La voix enregistrée, c'est parce qu'il y a un mois, je suis tombé gravement malade et j'ai pensé — dans l'état d'épuisement et de douleur dans lequel je me suis trouvé — que je n'allais pas pouvoir être présent physiquement dans le spectacle, et, plutôt que de l’annuler, j'ai imaginé qqch qui pourrait se jouer quand même, si même moi, j'avais disparu... (mais ça va un peu mieux, vous avez vu...)

— J'imagine que le spectacle a totalement été repensé, restructuré... Comment avez-vous travaillé avec le concepteur son Benoit Pelé et le concepteur lumière Gildas Gouget ?

— J'ai travaillé couché dans le studio d'enregistrement à Bruxelles, puis couché dans mon lit, la nuit, à m'enregistrer à l'iPhone (dans des états de crevure dont le spectacle porte trace) et j'envoyais les enregistrements à Benoît. Gildas a été très actif. La présence, l'utilité d'un assistant ne s'est jamais fait autant sentir. C’est Philippe Gladieux qui a fait la lumière.

— Pouvez-vous nous parler de ce qui vous a motivé dans l'écriture et la mise en scène de Rester vivant ?

— Alors, ça, non, je serais bien incapable de vous en parler. C'est à vous de le faire. Moi, je cherche à ne pas savoir (et j'y arrive !) Mais je serais ravi d'apprendre ce que vous en pensez. C’est le public qui me motive.

— Dans le spectacle, vous évoquez un entretien avec le metteur en scène Romeo Castellucci au sujet de sa pièce Le Sacre du printemps, où il lui était posé « Le théâtre peut-il exister sans présence humaine ? », le Festival d'Automne a également présenté El Triunfo de La Libertad, de La Ribot, une pièce sans acteurs, que pensez-vous de ces nouvelles formes de théâtre ?

— J'aime infiniment La Ribot, mais je n'ai pas vu sa pièce. C'est dans l'air du temps, probablement. Mais, enfin, ce n'est pas nouveau-nouveau non plus… Moi, j'ai déjà présenté un spectacle sublimissime sans acteurs (avec déjà Benoît Pelé), c’était le deuxième volet de — je peux  / — oui au TCI, il y a, je ne sais plus, vérifiez la date, en décembre, il y a 2, 3 ans...

— Parler de mort dans le noir pendant plus de 2 heures, c'est une façon de mettre le spectateur face à ses propres peurs ?

— Peut-être. Je ne sais pas. Charles Baudelaire a à voir avec la lucidité, ça, c'est sûr... C'est lui qui en parle tout le temps : « Car je cherche le vide, et le noir, et le nu ! » (etc.) De quoi avons-nous peur ? de notre propre obscurité ou de la lumière ? Nelson Mandela est supposé avoir dit que c’est de la lumière.

— Dans 1er Avril, vous utilisiez déjà le noir profond du théâtre des Bouffes du Nord pour « habiller » les voix du contre-ténor Bertrand Dazin et de la soprano Jeanne Monteilhet...

— Le noir, c'est, par définition, le théâtre (« boîte noire »).

— On peut souvent vous apercevoir dans le hall du théâtre ; vous nous demandez si nous sommes bien allés aux toilettes, vous nous offrez également une coupe de champagne avant de rentrer en salle... Quelle(s) relation(s) entretenez-vous avec votre public ?
— Oh, je suis tellement ravi que les gens viennent ! (et tellement étonné…) J'aimerais entretenir une relation personnelle avec chacun des spectateurs. C'est un acte d'amitié.
— Au départ, Rester vivant devait se composer des poèmes de Michel Houellebecq. Charles Baudelaire, Michel Houellebecq, même combat ?

— J'ai l'impression, oui. En tout cas, Michel Houellebecq le dit : Baudelaire est son double, son maître, son frère, son référent...

— Je suis curieux de savoir si vous avez « vécu » la pièce This Variation, de Tino Sehgal à la Documenta 14, à Kassel. Il s'agissait d'un espace totalement noir habité par des chanteurs et des performeurs, dans lequel le visiteur pouvait rester toute la journée, 5 mn, 2 h...

— Oh, malheureusement, non. J'adore Tino Sehgal. 

— Avec quel(s) livre(s) vous endormez-vous le soir ?

— La Folie Baudelaire, de Roberto Calasso, excellemment traduit de l'italien par Jean-Paul Manganaro (Gallimard).

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R ester vivant, livre d'or, 5


Elie Mirdain
J'ai été stupéfait par ta force et l'incarnation « Baudelaire » dans ta voix ! MERCI YVNO !!!... Ah… les nuages, les merveilleux nuages… Vivement quelques nuages ! Au plaisir vrai de te revoir !

Anna Perrin
J'ai passé un bon moment avec moi-même, moi qui arrive si peu à me concentrer. Comme une grosse séance de travail, un brainstorming, après, je suis rentrée écrire, j'ai eu plein d'idées, plein d'envies pendant.
Plein d'images projetées sur ce fond noir.
Des fois complément dedans, des fois totalement au dehors.
Au-dedans une voix, la tienne mais ça devient la mienne ou celle de Baudelaire, je sais plus trop, on y est en tous cas, baigné dans la matière, palpable presque de sa poésie.
Parfois au-dehors, absente, en conversation avec moi-même, plongée dans  du velours sonore parfait pour méditer et créer, on y reste accroché (à ses poèmes ) par des fils sensibles, et des mots, des phrases nous parviennent encore par-ci par-là, une réponse, une piste, que sais-je.
BON MOMENT QUOI
MERCI Cooki.
On se voit bientôt,
Pis c'est quand qu'on retravaille ensemble Yvno ?
Love
Anna W. Perrin
Xxx

Thomas Louis
Je suis ravi de venir vous écouter, vraiment, vous le magicien des plateaux... j'ai tellement aimé nombre de vos spectacles !!!! Vous rendez visible l'invisible, et dissimulez le trop visible, pour le rendre intelligible. C'est une expérience rare, je vous souhaite le meilleur, et vous dis, à samedi dans le noir...

 C'est joli, « dissimuler le visible pour le rendre intelligible »...

Dominique Jeanne Dolores Moni Grego
Vous qui faites ce que vous faites, vous savez ce que vous faites, vous savez -à peu près- où vous êtes dans ce grand chemin du théâtre qui se perd dans l'huile bouillante des guerres (qui inventa tout de même les frites ! ). Molière le disait déjà : Si vous entrez en grâce, prenez immédiatement tout ce que vous pouvez prendre. Ne perdez pas de temps. Battez le fer tant qu’il est chaud. Inventez, créez, dépêchez-vous ! Et… juste avant que le vent tourne, car il tournera, éclipsez-vous sans attendre ou vous serez jetés dehors comme des malpropres. Vous êtes dans un théâtre et vous faites du théâtre profitez-en dans la joie de cela et pleurez oui. C'est beau un homme qui pleure. « Cette même envie de pleurer à chaque fois, devant cette chose qui chemine et qui change, qu’on reconnaît tout de suite et qui n’a jamais exactement la même forme, longue phrase tenue, à travers les temps, à travers les corps différents, ô cette même chose ! Longue, si longue phrase, impossible à achever… oui… »

Julia Palombe
Belle (beau) ou pas, dans le noir je n'ai rien vu. Mais qu'est-ce-que j'ai ressenti! Des flots d'images et de frissons, bien plus que si tout avait été éclairé. Yves-Noël Genod, tu fais briller Baudelaire dans le noir, et ça me plaît.

Alain Herzog
Bonjour Yves-Noël
Juste un mot pour vous dire que j’étais désolé de ne pouvoir attendre plus longtemps hier soir pour que l’on se croise après le spectacle.
Il fallait que je parte et j’étais très frustré de ne pouvoir parler de suite.
Heureusement, dans le métro, j’ai rencontré Pierre Notte à qui j’ai pu dire de suite quel plaisir j’ai trouvé à l’écoute originale de Baudelaire que vous proposez.
Pour être franc, au début on est désespéré à l’idée de passer 2h30 dans le noir et, en fait, tout au long du spectacle on comprend que, pour rester vivant, il faut vous accompagner jusqu’au bout, ce que j’ai fait en passant par toutes les humeurs les plus diversifiées que vous proposez.
Hier soir, j’ai découvert Yves-Noël Genod et redécouvert Baudelaire.
Alors merci et j’espère à bientôt,  
Alain H

Aurélia Arto
Bonsoir, j'étais là à la générale, j'ai effectivement été très émue par la proposition, le texte, par votre présence. J'ai du mal à comprendre qu'un « bide » ait pu avoir lieu. Mais, moi, je vous remercie sincèrement de votre témérité et de votre liberté, elle est contagieuse, je crois, en plus, ce qui est de bonne augure vu la sécheresse. Merci.

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Rester vivant : beau et vaste programme qui donne son titre au spectacle d’Yves-Noël Genod, programmé par le Festival d’Automne à Paris au Théâtre du Rond-Point (du 16 au 31 décembre). Programme centré autour de Tableaux parisiens, signale encore le titre, tableaux étant moins à prendre au sens pictural, le spectacle se déroulant entièrement dans le noir, qu’aux images créées par la poésie de Charles Baudelaire dont Yves-Noël Genod se fait le passeur, voire le commentateur…
(« Les Inrockuptibles », chronique des spectacles à ne pas manquer.)

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« L ’effacement soit ma façon de resplendir »


Alors, voilà comment ça se passe. Avant-hier, (vous êtes au courant ?) la première a été sinistre — enfin, décrétée sinistre, Amélie Blaustein Niddam (« Toute La Culture ») n’est pas de cet avis, par exemple. Mais enfin, officielement décrétée sinistre, « un bide », « nulle », « épouvantable », que sais-je ? Personne au buffet de première (une vision de l’enfer : comme un soir d’élection perdue). Et, vous savez, tout le monde se téléphone, ça se sait tout de suite. Alors, hier, alleluia ! on a joué devant 25 personnes. Moitié de salle. Tous les pros s’étaient désistés. Eh, bien, vous savez ? ça a été tant mieux ! car ça a été une vraie belle représentation — pour la simple raison qu’ils n’étaient pas là. Bien sûr, pour la carrière, c’est pas génial — je suis sorti de la première représentation et j’ai dit à mon équipe : « Je vous annonce que je n’ai plus de travail » —, mais... depuis quand tu te préoccupes de ta carrière, toi ? me suis-je dit aussi assez rapidement (ça a duré 5 mn). Et, franchement, je suis ravi d’avoir rendu une soirée aux professionnels qui en ont si peu, des soirées, de leur avoir rendu un peu d’air, un soir dans leur existence affreuse de ces métiers terribles d’avoir à organiser, ordonner la culture et le spectacle. Hier donc, tandis que j’avais ces vers de Baudelaire en tête : « Ô cité ! / Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles, / Eprise du plaisir jusqu'à l'atrocité » — car il faut y arriver jusqu’au Rond-Point des Champs-Elysées en cette période de plongée dans le marché de Noël comme dans un bain d’huile bouillante ! il faut en traverser des remparts et des herses... — , je me suis dit qu’on allait peut-être pas jouer la deuxième partie (si les gens partaient à l’entracte), mais très peu sont sortis. J’aime les gens, mais plus les gens sont petits, plus je les aimes, pas les arrogants gavés aux combats des pillules publicitaires. Les femmes qui ont perdu leur beauté, par exemple, je les aime. Et les hommes qui ont perdu leur puissance sur le marché du travail, je les aime infiniment : ils sont prêts pour les cadeaux, ils n’ont plus « besoin » de rien. Les grands aussi me touchent, les winners, dans le sens que, eux aussi, ils sont aussi petits. C’est exactement pour la même raison. La perdition. Tout ça pour dire que, pour ceux qui veulent venir, ne vous gênez pas ! On joue calmement, mais on joue. On fait le vide, mais on joue. On joue à rien — et, Baudelaire, il la prend, la place, il la comble avec sa poésie « incorrecte ». C’est une spectatrice qui a dit ça, hier, je trouve que c’est le plus beau de ce que j’ai entendu : « Baudelaire, c’est une poésie incorrecte ». Amen !

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U n dessin de Jhon Fou



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L a Providence


« A partir du moment où l'on s'est engagé définitivement, la providence entre alors en scène.
Toutes sortes de choses se produisent qui, autrement, ne se seraient jamais produites.
De la décision jaillit un flot d'événements qui déterminent en votre faveur quantité d'incidents, de rencontres et d'appuis matériels imprévus qu'aucun homme n'aurait pu imaginer.
Ce que vous pouvez faire ou rêver de faire, commencez à le faire.
L'audace est porteuse de génie, de puissance ou de magie.
Commencez dès maintenant. »

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