Saturday, April 05, 2025

« L’espèce humaine », je lis ces mots, oh, mon Dieu, comme elle m’angoisse en ce moment, je lis ces mots dans un roman :
« Ainsi revinrent-ils auprès de la créature la plus exaltée de l’espèce humaine,  le criminel devant ses juges, la victime exposée sur les hauteurs, le fugitif, le marin naufragé, le poète de l’ode immortelle, le Seigneur passé de vie à trépas, auprès de Septimus Warren Smith qui était assis dans le fauteuil, sous le vasistas, face au portrait de Lady Bradshaw en robe de bal, qui grommelait ses messages sur la beauté. »

« — Et qu'est-ce que vous allez faire ?
— Est-ce qu'il faut toujours faire quelque chose de soi ? Est-ce qu'il n'y a pas des cas où on peut l'éviter ?
— J'ai essayé de ne rien faire de moi. On ne peut pas. Il faut toujours finir par faire quelque chose de soi. »
 
« Quelquefois, on se saoulait. Il me disait : "Je t'emmènerai à Hong Kong, à Sydney. On s'en ira tous les deux sur un bateau." Et moi, quelquefois, je le croyais, je croyais que c'était possible, que peut-être il était possible que l'on ne se quitte plus. Je n'avais jamais pensé que j'aurais pu avoir un jour ce qu'il est convenu d'appeler une existence et ça m'effrayait un peu, mais je le laissais dire. Je le laissais croire sur lui-même des choses que je savais fausses, je l'aimais jusque dans ses erreurs, ses illusions, sa bêtise. »
 
J’écoutais à la radio une écrivaine (c’est drôle, d’écrire ce mot, j’ai l’impression que je la rabaisse) qui disait qu’elle vivait « avec Rêve et avec Livre » et, oui, moi aussi, j’étais encore capable de lire (oh, quelques pages…) le matin au sortir du rêve. Et puis peu à peu la folie remontait, il fallait occuper la journée dans la folie, dans l’inadéquation, dans cette maison enchantée qui était — je me l’étais dit hier — l’endroit du monde où je me sentais le plus mal à l’aise. Partout plutôt qu’ici. Heureusement, j’avais vendu la maison à mon frère, je n’avais plus à m’en occuper 
 
Mais que j’étais malheureuse dans cette maison ! et pourtant heureuse dans ce si beau paysage, ce paysage de n’importe où, une rade, un printemps… Quand je sortais de la maison, j’étais dans un palais, quand j’y entrais, un taudis…
 
Je voulais dire, comme Septimus, je voulais dire la vérité. Je voulais dire que tout était faux dans la manière de voir des réseaux sociaux, des médias en général, des télés, tout était télé et ça faisait beaucoup, beaucoup de mal et les nazis et les staliniens étaient toujours là pour toujours, ils avaient contaminé même la mort
 
Je disais qu’il fallait aimer la disgrâce, que c’était la seule manière d’aimer car l’humanité toute entière n’était plus que disgrâce, qu’il fallait écouter les écrivains, qu’il fallait écouter avec l’obligation d’écouter à l’intérieur de soi (« l’exil intérieur », qui a dit ça ?) pour écouter les écrivains, qu’il y avait, oui, un caractère sacré, peut-être pas à cause de l’écriture en soi, mais à cause de la déchéance de l’humanité, qu’il n’y avait plus que l’écriture pour y comprendre qqch
 
Patiemment lire le dernier livre et aimer la fin
 
Patiemment lire le premier livre et aimer le commencement 
 
Jour / nuit ; rêve / livre
 
Je disais que lire était le seul moyen de ne pas être une grande gueule. Il n’y avait que ça, extérieurement, les grandes gueules, dans les médias, pour diriger le monde, pour commander, ça, on n’en manquait pas, tout le monde se précipitait pour être dans le coup de la saloperie, ça se bousculait, tout le monde voulait les faveurs du Führer 
 
Voilà ce que disait Septimus par ma voix
 
Ou moi par la sienne

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