J’avais lu Les Cloches de Bâle depuis bien longtemps et sans doute ma vie était-elle trop courte pour que je le relise un jour. Mais j’étais allée à Bâle. J’avais marché le long du Rhin. J’avais rêvé finir mes jours dans l’une de ces maisons si raffinées qui donnaient sur le Rhin, j’avais jeté des croûtes de fromage aux mouettes. J’avais senti la nuit approcher, j’avais traversé la ville festive, capitaliste dans un état second, j’étais allée comme toujours je le faisais quand j’errais dans ces villes européennes jusqu’au zoo situé comme souvent près de la gare. Je n’avais pas trouvé de bains dans cette ville sinon je serais allée aux bains (l’été on se baignait dans le courant entraînant du fleuve légendaire). Mais le zoo fermait une heure après que j’y étais arrivée et c’était cher. Je traînais un peu devant, il y avait des groupes de gens, j’essayais de comprendre ce qu’ils faisaient là, personne ne semblait essayer de comprendre ce que je faisais là moi-même. J’étais invisible dans ces villes étrangères, c’était un plaisir et une souffrance, c’était une errance, je dérivais, peut-être tout le monde voyait immédiatement que je dérivais et cela suffisait pour me comprendre… Près de la gare j’abordais le « Bar Bistrot » de l’hôtel Victoria. Il y avait encore trois heures à tenir…
Je regarde maintenant par la fenêtre, la baie vitrée — ma vie, c’est le pays des baies vitrées — la nuit s’élargir sur un bout de ville près d’une gare. C’est une gare loin de Paris, en Suisse, dans un pays froid. Dans une ville passe le Rhin, beau fleuve presque sauvage ; des mouettes en sont les reines, des colonies de ce « matriarcat » (en français seulement) communiquent avec moi parce que je leur jette de temps à autres des bouts de croûte de fromage
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