Saturday, October 14, 2023

L e Chevalier de la Triste Figure


Je hais le cinéma, celui qui plaît à tout le monde, je veux dire les gens cultivés, je le trouve épouvantablement laid. Parfois je regrette parce que j’aime bien les acteurs, alors je voudrais les voir. Mais ils jouent dans de telles horreurs. Et puis un film lave tout. Ce soir, c’est les Nuits de la pleine lune, sur Arte… avec Pascale Ogier et Fabrice Luchini. Pascale est un fantôme extraordinaire, ses grands yeux, de biche ou de fée, elle est comme le cinéma le plus ancien, le moins compromis ou, comme le temps a passé, celui des anciens fantômes… Et c’est curieux, mais, les fantômes, c’est vrai


Aujourd'hui je lis le magnifique discours écolo-féministe de Marcela dans Don Quichotte (p 109) et j'entends encore un personnage féminin de Eric Rohmer parler... Je ne viens, ô Ambrosio, pour rien de ce que tu as dit... 




Evidemment, dans la vie, il y a du manque. Du manque et du manque apparaît, nous sommes vides, mais, dans la vie, il y a tout pourtant on le sait. Ainsi ce pessimisme n'a pas lieu d'être, mais pourtant cet optimisme n'a pas lieu d'être. J'ai un ami (au moins des réseaux sociaux), culture militante (Act Up...), qui piétine dans un sentiment croissant d'impuissance politique... Oui, je comprends (sa mélancolie... )  


Mais c'est encore l'air léger, un chien qui aboie, la ligne du texte. C'est évidemment dimanche, c'est évidemment dimanche... Je me coule dans Don Quichotte avec la terreur d'en disparaître...


Toute la construction vacille, des bonheurs et des vices... Vous m'avez connu


En fait, plus tu parles de souvenirs, etc., plus tu donnes des nouvelles, plus ta mère souffre que tu la quittes parce qu’elle sent bien que tu la rattaches à sa vie, à sa jeunesse. J’ai trouvé un « Cahier de préparation de classe » que je lui ai apporté. Elle est à Joué-du-Bois, dans l’Orne, en Normandie. Je crois que sa sœur est dans une commune voisine. Le soir, elles se retrouvent et elles pleurent. Elles sont très jeunes. J’imagine 18 ans, mais ce n’est peut-être pas possible ; elles sont mineures, elles ne sont jamais sorties de leur Bretagne et, là, on les envoie en Normandie. Les enfants sont des terreurs campagnardes, on peut imaginer, elles sont si jeunes. Ma mère est très belle. C’est avant son mariage. Sur le cahier elle a son nom de jeune fille, elle a écrit : Melle J. Moalic. Il n’y a pas la date de l’année. Elle écrit à la plume. Elle écrit par ex : « Entrée en silence. Appel. Calme parfait. Prise en main des élèves. J’ai qqs difficultés au pt de vue discipline. Hier les enfants se sont montrés bavards, remuants, excités, non attentifs.

Retour sur la leçon de morale d’hier. On décide de faire de réels efforts pour que la classe soit plus calme et pour que l’on puisse mieux y travailler. » Ce texte est finalement très triste parce qu’il ressemble vraiment à ma mère. Elle est fixe. Pas évolué. Maintenant, c’est moi qui lui raconte l’histoire, qui lui lis les passages de ce cahier et, je ne crois pas qu’elle se souvienne vraiment, mais il y a pourtant une familiarité, un plaisir, elle approuve ce que je raconte. Elle ne saurait pas raconter, elle, mais elle valide. Denise est merveilleuse. Tout le monde l’aime. On était à sa table pour le goûter. Elle se comporte comme si elle faisait une croisière, le plaisir de vivre toujours dans une espèce de luxe joué, mais non factice. Elle s’adresse beaucoup à Bernard, un aide-soignant jeune, fort, beau et noir (d’une profonde couleur d’ébène). En partant avec lui, passant près de moi elle me glisse : « C’est copains, c’est tout. Je vous le dis parce que des fois on s’imagine : c’est copains c’est tout ». J’imagine très bien. Elle me fait la bise, à ma mère puis à moi. J’hésite, je suis un peu inquiet à cause de ce que vous savez, mais j’accepte. C’est difficile, au seuil de la mort, de refuser la vie. A table, il y avait aussi Louise, « Mon papa s’appelait Louis, alors on m’a appelé Louise ». On s’émerveille des prénoms, on dit qu’ils reviennent à la mode, certains, que des petites filles s’appelle Louise. Il y a aussi Henriette. C’est très beau, Henriette, peut-être pas encore trop à la mode. Je dis à Henriette que son prénom est dans un des plus beaux poèmes de Rimbaud ; elle est contente. « _ La Juliette, ça rappelle l’Henriette, / Charmante station du chemin de fer » Denise disait à table en parlant de ma mère et de moi : « Elle est gentille, hein, elle est avec son papa, elle est heureuse » Et puis un peu plus tard, elle a encore un demi gâteau qu'elle veut faire passer à ma mère : « Donnez à votre fille, Monsieur… — Elle en a déjà eu 2… — Eh bien, ça fera 2 1/2 ! 

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