Sunday, March 16, 2008

Hamlet, Ménagerie, répétitions













Photos de Lauriane Escaffre.

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Matériaux pour une feuille de salle du spectacle Hamlet à la Ménagerie

Spectacle-spectre



L’idée est de reprendre ce qui s’est tenté avec Hamlet précisément à la Villette, en décembre dernier et de le projeter dans le vide. (« Le vide, c’est-à-dire la liberté. », Marguerite Duras). Le lieu est un garage d’une très grande force quand il est vide. Donc suppression du décor comme à l’Opéra de Paris un jour de grève. Ensuite, il s’agit de savoir ce qui est du costume et ce qui est du décor, où s’arrêtent l’un et l’autre. L’idée est de transformer Hamlet en ballet ou en musique. Sans rien changer d’ailleurs. Simplement, sans rien jouer d’autre que (grosso modo) la présence. Tout le monde est Hamlet (le centre, le monde et l’intérieur) et tout le monde est aussi le satellite de tous les autres qui sont aussi Hamlet (le centre, le monde et l’intérieur). Le lieu et le vide unissant plus profondément et quelques nouvelles astuces de mise en scène devraient nous aider à aller sans doute plus loin dans « l’effet d’ensemble ». Les deux spectacles que j’ai créés à la Ménagerie de Verre ont été les poèmes du lieu. Le Dispariteur et Elle court dans la poussière, la rose de Balzac. Ce spectacle est le troisième d’une série que j’imagine infinie. La mémoire sensorielle de la matière travaillée en décembre, la force du lieu et l’acoustique extrêmement particulière – mais virtuose, si on sait la prendre – devrait ici entraîner le théâtre vers la sensation, la musique, l’effacement des beaux-arts. Deux nouveaux acteurs nous rejoignent : Bénédicte Le Lamer et Jonathan Capdevielle. Signalons aussi, quant à la dramaturgie, l’accompagnement très riche de Jorge Luis Borges (en particulier : Le jardin aux sentiers qui bifurquent et L’Immortel).

« L’acteur doit exclure la décoration et conserver le monde intérieur... » (Anatoli Vassiliev.)









Yves-Noël Genod a été comédien chez Claude Régy, François Tanguy (Théâtre du Radeau) et, plus récemment, avec Julie Brochen pour Le cadavre vivant de Tolstoï où il avait comme partenaire Valérie Drévile. Il a été formé à l’École d’Antoine Vitez. Il a beaucoup travaillé comme interprète dans le champ chorégraphique, en particulier, pendant dix ans, avec Loïc Touzé. Depuis cinq ans, Yves-Noël Genod est aussi auteur-metteur en scène. Il a créé vingt-et-un spectacles tous représentés dans le réseau de l’avant-garde de la danse contemporaine et des formes nouvelles – mais ce sont, pour lui, des spectacles de théâtre au sens presque classique. Citons : En attendant Genod ; Le Groupe Saint Augustin ; Pour en finir avec Claude Régy ; Une saison en enfer ; Z’avatars ; Dior n'est pas Dieu ; Hommage à Catherine Diverrès ; Le Dispariteur ; Dictionnaire des Açores ; Barracuda ; Jésus revient en Bretagne ; Nouveau Monde ; Domaine de la Jalousie ; Elle court dans la poussière, la rose de Balzac ; La Descendance (Festival d’Avignon 2007) ; Monsieur Villovitch (Festival actOral, Marseille, octobre 2007) ; Blektre (de Charles Torris et Nathalie Quintane, Festival actOral, Marseille-Paris, octobre 2007) ; Hamlet (festival 100 Dessus Dessous, la Villette, décembre 2007).


Neuf acteurs lumineux :

Julien Gallée-Ferré est un danseur-acteur qui m’accompagne depuis quatre ans et dont le talent, l’inventivité et la présence frappent aussi les spectateurs de Mathilde Monnier (2008 Vallée, Tempo 76) et ceux d’Herman Diephuis (D’après J-C ou le récent Julie, entre autres).

Thomas Scimeca est un acteur puissant et bouleversant que l’on admire beaucoup dans mes spectacles (notamment, l’automne dernier, dans Monsieur Villovitch et Blektre), et qui travaille aussi, en ce moment, avec Éric Vigner (La pluie d’été et le prochain Othello).

Jonathan Capdevielle, acteur-chanteur extrêmement doué a été apprécié dans beaucoup de mes travaux, depuis le tout premier En attendant Genod et, particulièrement, dans Le Dispariteur, le spectacle joué dans le noir, il y a deux ans, à la Ménagerie, mais aussi dans les spectacles de Gisèle Vienne comme le récent Jerk, présenté en ouverture de ce même festival.

Guillaume Allardi a été, chez moi, l’inoubliable interprète qui a permis l’écriture de Domaine de la Jalousie (présenté en 2006, à Marseille). On l’a remarqué chez Claude Régy (Variations sur la mort, de Jon Fosse) et, à la Ménagerie de Verre, dans Tombée du jour, de Pascal Kirsch. Également auteur-compositeur-interprète.

Lauriane Escaffre, actrice à la disponibilité et à la passion massives et enjouées, joue, depuis des mois, La biscotte 2, d’Antoine Beauville, une pièce de boulevard, au Théâtre du Temple, à Paris et en tournée, mais aussi dans les spectacles de Damien Chardonnet-Darmaillacq.

Frédéric Gustaedt, nouvellement arrivé dans la compagnie (depuis Blektre, cet automne), est un acteur d’une grande humanité, banale et étrange, qui joue, d’autre part, dans les spectacles de Nathalie Pivain.

Marlène Saldana est de toutes mes aventures depuis que nous nous sommes rencontrés, il y a un an et demi, dans le stage que j’ai donné aux Laboratoires d’Aubervilliers : elle y était simplement exceptionnelle. Elle achève, en ce moment, une carrière dans le théâtre pour enfants pour se consacrer au prochain opus de Sophie Perrez et Xavier Boussiron.

Bénédicte Le Lamer est, pour moi, l’une des personnalités les plus extraordinaires du théâtre français. Elle travaille souvent avec Claude Régy (ainsi dans le récent Homme sans but) et beaucoup avec Pascal Kirsch comme dans Tombée du jour, présenté, il y a deux ans, à Étrange Cargo.

Yvonnick Muller est un acteur magnifique et polyglotte, chanteur également, capable de tout faire avec enthousiasme et candeur. On a pu l’admirer, entre autres, dans le Percolateur blues, de Fabrice Melquiot monté, au Théâtre des Déchargeurs, par Damien Chardonnet-Darmaillacq.

Damien Chardonnet-Darmaillacq, également metteur en scène et universitaire, est mon assistant sur Hamlet.

Yves-Noël Genod

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Échange avec une journaliste à propos d'Hamlet

Bonjour, R.,

Delphine Roustaing, de la Ménagerie, me dit que vous voudriez faire un papier sur Hamlet. Ce serait super !!!

Alors, c'est effectivement la même chose, la même matière que nous allons proposer, mais on va voir à quel point la réception en sera différente. Depuis toujours, je professe (à la suite de mes maîtres) que le contenant, pour moi, importe plus que le contenu (le "Rien n'aura eu lieu que le lieu." mallarméen) et, d'autre part, que le spectacle ne se fait (n'a lieu en fait) que dans la perception du public, que les acteurs-danseurs ne sont là que pour susciter, déclencher le déploiement du monde intérieur du spectateur. Bon. Alors, Hamlet à la Ménagerie devrait être le manifeste, la démonstration de cette pensée. Une matière déjà traversée, un environnement supprimé - ou plutôt : rendu invisible et un lieu (le "garage" de la Ménagerie) que j'aime beaucoup devrait rendre un "effet d'ensemble" beaucoup plus fort qu'à la Villette (où les acteurs avaient parfois l'air, je le reconnais, de jouer sept spectacles différents, pour la simple raison que j'avais travaillé avec chacun en solo et qu'ils n'étaient réunis que par des liens aléatoires - perception certes amusante pour certains spectateurs, Dieu soit loué ! mais perturbante pour beaucoup d'autres).

Plus précisément, techniquement, je reprends la première partie du spectacle de la Villette, je laisse de côté la partie nocturne qui me paraissait, moi, aboutie, pour me consacrer à cette première partie plus difficile formellement car sans hiérarchie, que j'espace et je temporise différemment. En fait, c'est simplement la poursuite du travail qui sera donc, cette fois-ci, plus abouti.

En fait, je peux vous dire mon sentiment (nous sommes en train de répéter) : c'est très, très beau.

Deux acteurs en plus qu'à la Villette : Bénédicte Le Lamer (qui vient de jouer avec Régy) et Jonathan Capdevielle.

C'est à la fois très strictement la même chose et très strictement différent.

Si ça vous dit de voir un filage de répétition (ou une partie d'un filage) pour vous faire une idée par vous-même de cette différence, venez vendredi ou samedi après-midi, je vous donnerai l'horaire un peu plus tard si vous le voulez bien.

Bien à vous


Yves-Noël






Chère R.,

Si vous voulez passer, demain samedi 15 mars, nous faisons deux filages : un à midi et un à 16h, à la Ménagerie.

Mais vous pouvez très bien faire un article à partir de ce que vous avez vu à la Villette : il s'agira, de toute façon, précisément de l'évocation de ce qui a été vu à la Villette - ce spectacle, Hamlet, créé à la Villette ne sera pas "vu" à la Ménagerie, mais évoqué : suppression du décor et des accessoires, de l'image (contre-jour qui met les présences en silhouettes) et parfois même du son, les lèvres des acteurs bougeant comme dans le vide intersidéral ! Par ailleurs, projection du film de Sophie Laly tourné à la Villette et exposition des photos de Marc Domage. Il s'agit de montrer qu'un spectacle évoqué, non représenté, peut-être aussi fort (ou, peut-être, plus fort) qu'un spectacle proposé. Nous sommes aidés par la figure légendaire d'Hamlet (qui, déjà, "fait spectacle", ce qui jouait aussi à la Villette) et par le chant de Jonathan Capdevielle qui envahira toute la Ménagerie (une partie des spectateurs évoluera dans toute la Ménagerie avec lui, tandis qu'une autre partie sera dans l'espace du bas, face au lieu vide de la représentation).
Ce travail, très expérimental, est le prolongement de mon premier travail à la Ménagerie sur la disparition, le bien nommé Le Dispariteur, dont vous aviez rendu compte si aimablement.
Donc, faites au mieux, amusez-vous, ce sera parfait !

Yves-Noël



« Vérité », « partage », le métier d’acteur est une expérience de l’invisible.

« En un temps infini, toute chose arrive à tout homme. » (Jorge Luis Borges, L’Immortel.)

« L’acteur doit exclure la décoration et conserver le monde intérieur... » (Anatoli Vassiliev.)

« Les acteurs jouent de telle sorte que c’est équivalent à une mise en scène. » (Anatoli Vassiliev.)

« La mort (ou son allusion) rend les hommes précieux et pathétiques. Ils émeuvent par leur condition de fantômes ; chaque acte qu’ils accomplissent peut être le dernier ; aucun visage qui ne soit à l’instant de se dissiper comme un visage de songe. Tout, chez les mortels, a la valeur de l’irrécupérable et de l’aléatoire. » Jorge Luis Borges, L’Immortel.






merci pour ce message mais difficile hier
à suivre
si jamais autre possibilité...
à suivre donc
et à bientôt
bonne journée
r.
dommage que Le Dispariteur ne tourne pas
merci pour ce long message qui nourrit les idées qui me reste de la pièce de la Villette
et re bon dimanche






Merci.
J'espérais faire une forme plus consensuelle, mais - après fin des répétitions - mon assistant me dit (et je m'en aperçois aussi) que c'est encore plus radical qu'à la Villette (encore plus "spectacle-spectre"). Tout ce que vous écrirez, si vous écrivez, sera bien. À bientôt

Yves-Noël

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