Wednesday, December 29, 2010

Forêt de Seillon


Document rare sur Robert Bresson (cliquer ici)

« Je crois beaucoup à la beauté, mais la beauté n’est beauté que si elle est neuve. »

« Au fond, mon film n’est fait que de hasard. De même, n’importe quel art est fait de hasard. Quand l’écrivain se met à sa table ou écrit sur ses genoux, il écrit un mot, il n’sait pas quelle sera la phrase qui viendra. Il peut pas l’savoir, il a une idée vague, il a eu – et souvent il n’a plus d’idée du tout et sa main l’aide à continuer, son état de grâce aussi l’aide à continuer. Mais il n’faut absolument pas savoir d’avance. »

Aimer les acteurs
Tous les films sont des documentaires sur les acteurs (sauf ceux de Robert Bresson, mais dès qu’il y a acteur, il y a documentaire sur l’acteur).

« Il {le cinéma} n’a pas encore trouvé ses artistes. »

Le théâtre, si ça veut intéresser le grand public, ça ne doit pas seulement montrer des gens qui font du théâtre, non, ça doit montrer plus large : ça doit montrer du vivant vivant (qui circule). Et que ces gens fassent du théâtre ne doit rien avoir d’extraordinaire en soi : le théâtre fait partie de la vie comme respirer, regarder, les fleuves, la nature, l’argent, etc. Ça doit alors montrer des gens (s’il s’agit de gens) vivant en pleine santé, bien sûr, des gens qui ne trichent pas (sinon pourquoi venir les voir spécialement au théâtre, ces arnaqueurs ?, autant rester à regarder la télé ou sa propre famille).

Labels:

La Maladie du sommeil

Je suis dans le café et je lis. Comme toutes les têtes, je lis. Je lis un texte qu’a envoyé Michel Houellebecq aux « Inrocks », mais peu importe. J’ai lu aussi Francis Ponge dans la librairie Montbarbon. Mon intérêt pour Francis Ponge s’est encore accru – dans sa précision, en tout cas – depuis que j’ai appris qu’il était priapique. Il écrit pendant la nuit, il prend sur le sommeil (parce qu’il travaille dur le jour pour gagner sa vie et celle de sa femme). Mais il prend aussi sur la baise car, toutes la nuit, sa femme est à disposition pour le calmer. Voilà ce qu’il aurait pu dire si, dans une autre époque et un autre pays, elle avait porté plainte : c’est une maladie ! (Monsieur le juge…)

Comme dit Marlène : « Enfin un homme de goût ! »

Le critique Jean-Marc Lalanne des « Inrockutibles » nous a classés en quatrième position de son top 5 des spectacles de l’année. (« Les Inrockutibles » n°786-787.)



« Rien n’est beau… d’Yves-Noël Genod

Jeanne Balibar, Kate Moran et Marlène Saldana dans une
scénographie minimale et déambulatoire, trouée de longues stases et d’une arrivée inopinée de dindons. »

Labels:

Wisdom

La tasse que je croyais pleine était vide. Elle n’avait jamais été remplie.
« Je m’aperçois d’une chose : au fond ce que j’aime, ce qui me touche, c’est la beauté non reconnue, c’est la faiblesse d’arguments, c’est la modestie. »

Labels:

Prendre l’air vivant

« Les plus beaux paradis sont ceux que l’on a perdus. » Ça, c’est une phrase typique des dépressifs. C’est Yves Saint Laurent qui la prononce et je la lis, dans une librairie, dans un livre de photos sur lui. Je pense immédiatement : « Non, moi, ça n'm'le fait pas… Est-ce un progrès ? Bien sûr. Ça m'l’a tellement fait, mais ça n'm'le fait plus. Moi, j'n’ai rien perdu d'grave (au contraire). » Voilà comment je me (re)formule les choses dans cette librairie de la ville de mon enfance.

Respirer, n’est-ce pas le paradis qui vient ? Suave…

Labels:

« Tout bonheur que la main n’atteint pas n’est qu’un rêve. »

Labels:

Tu hésites encore ? Est-ce que tu hésites encore ?



J’avais hésité. J’étais resté longtemps habillé, mais en chaussons, dans la neige et la glace devant la maison, tandis qu’Anaé me demandait : « Tu hésites encore ? Est-ce que tu hésites encore ? », elle, déjà grimpée sur la voiture, debout, portière ouverte – et, elle, elle m’avait finalement décidé, son jeune enthousiasme, sa vision de la journée m’avaient décidé à abandonner mon livre et à enfiler les chaussures. (Cf plus bas.)
« Il n’y a pas d’âge pour réapprendre à vivre. On dirait même que l’on ne fait que ça toute sa vie ; repartir, recommencer, respirer : comme si l’on apprenait rien sur l’existence, sauf parfois une caractéristique inconnue de nous et de nos amis. »



« Ecrire, ce n’est pas se révéler, c’est projeter de soi-même l’image qu’on voudrait voir retenue par les autres, une image essentielle à découvrir pour chacun. »



« C’est une des grandes récompenses, l’un des grands avantages de la célébrité : elle vous fatigue de vous. »

Labels:

Solal, tu m’agaces

(Raiponce et questions)



J’ai accompagné les enfants au cinéma pour voir Raiponce, mais je n’y suis pas rentré. Cette fois-ci, j’ai moins hésité que pour la promenade dans la montagne. J’ai dit aux enfants qu’ils me raconteraient le film et que « ce serait pareil ». Je suis allé en ville, je suis allé à la librairie Montbarbon (feuilleté Francis Ponge dans la pléiade, un livre illustré très beau sur Françoise Sagan, un autre sur Yves Saint Laurent, un sur Barbara, recopié des citations) puis à la Maison de la Presse où j’ai acheté « Les Inrockutibles » parce que j’étais classé dans le top 5 de l’année par le critique Jean-Marc Lalanne (avec le spectacle sur le butoh, Rien n’est beau...) et aussi un hors-série de « Libération » sur les excentriques. Puis je suis allé boire un thé et lire tout ça dans un très agréable café, déjà agréable du temps où j’étais au lycée et qui l’est resté. J’ai reconnu la patronne, mais, elle, non. Il est vrai que, dans cette petite ville, je ne cherche pas à être connu, je suis incognito. C’est aussi la ville de Pascale Murtin. Il y avait de la beauté, de la douceur (non agressivité). Un garçon près de moi avait une barbe très, très belle qui me rappelait des tableaux anciens, une noblesse ancienne. Ce n’était pas lui qu’il m’aurait intéressé de connaître (pourquoi le déranger ?), mais je me demandais quoi faire de la barbe, je voulais au moins en faire une photo, je voulais devenir photographe pour pouvoir aborder les gens : « Je suis photographe, voyez, je voudrais photographier votre barbe. Signez là et on le fait. » J’avais hésité à m’acheter la très belle édition de Francis Ponge et je suis retourné à la librairie pour la feuilleter encore. Si émouvant, cette solitude, cette exactitude de l’écriture de Francis Ponge, cet orgueil. Mais mon frère m’a appelé pour me dire qu’ils étaient sortis du cinéma. Je les ai rejoints et Anaé a commencé, comme prévu, à me raconter le film. « Allons déjà dans la voiture, tu me le raconteras dans la voiture… » « Anaé ne sait pas résumer », dit son père et, en effet, elle raconte le film quasiment en temps réel, comme une carte 1/1. Le récit a continué bien après notre arrivée à la maison, dans le salon, et ça a empiété sur l’horaire du goûter et c’était vraiment long et maintenant je connais tous les détails de Raiponce, vous pouvez me demander. Jusque là, la raiponce, c’était pour moi – avec le jeu de mot qui n’existe qu’en français, je crois – le nom de cette plante que l’on trouve dans un très beau texte de Paul Celan, l’Entretien dans la montagne (Gespräch im Gebirg). « Pauvre martagon, pauvre campanule raiponce ! Le vert-et-blanc là-bas, qui avec le martagon, qui avec la campanule raiponce… » Je n’en trouve que des extraits sur Internet, mais c’est sublime. Bastien Mignot m’avait fait le bonheur de le travailler pendant le stage de juin, Jouer Dieu. C’est un texte (en prose) écrit avec très peu de mots – des mots si courant, de rien, sauf – le nom des fleurs, soudain, qui apparaît, comme l’orange dans un texte de Beckett, presque comme baroque, surréaliste. J’écris ce texte, mais Solal n’arrête pas de me déranger. Je suis obligé de dire que « je travaille », mais la formule ne l’impressionne qu’un temps. Solal a l’esprit révolutionnaire. Il met en doute tout. Les valeurs n’existent pas, en tout cas, tout peut se discuter. Même la gentillesse – comme dans L’Enfant et les sortilèges – il n’est pas du tout prouvé que ce soit intéressant. « Etre méchant » brille d’autant de feux, plus même, vous ne trouvez pas ? C’est plus fun, c’est plus renversant. Vos vieilles valeurs… Mentir, se moquer, ruser, s’en foutre, n’en faire qu’à sa tête, voilà quelles sont, en tout cas, des valeurs de garçon ! Puisque sa sœur est plus raisonnable, il faut bien un créneau. Avec lui, il faut tout négocier. Il est très malin (et si craquant). Il ressemble au prince-voleur de Raiponce, celui qui a la voix de Romain Duris, l’arnacœur… J’entends son père lui dire : « Solal, tu m’agaces ! » Eines Abends, die Sonne, und nicht nur sie, war untergegangen, da ging, trat aus seinem Haüsel und ging der Jud, der Jud und Sohn eines Juden, und mit ihm ging sein Name, der unaussprechliche, ging und kam, kam dahergezockelt, ließ sich hören, kam am Stock, kam über den Stein, hörst du mich, du hörst mich, ich bins, ich, ich und der, den du hörst, zu hören vermeinst, ich und der andre, — er ging also, das war zu hören, ging eines Abends, da einiges untergegangen war, ... Un soir, le soleil, et pas seulement lui, avait disparu, et alors s’en alla, sortit de sa maisonnette et s’en alla, le Juif et fils d’un Juif, et avec lui s’en alla son nom, l’imprononçable, s’en alla et s’en venait, s’en venait comme ça, clopin clopant, on se faisait entendre, s’en venait avec son bâton, s’en venait passant sur la pierre, m’entends-tu, tu m’entends, c’est moi, moi, moi et lui, celui que tu entends, que tu t’imagines entendre, moi et l’autre — donc il s’en alla, ça s’entendait, s’en alla un soir, alors qu’un certain nombre de choses avaient disparu, ...

Paysage : l'endroit où le ciel et la terre se touchent