Thursday, August 19, 2010

Belle de jour

Art poétique

"Depuis longtemps je n'ai pas amendé mon art poétique. Il a trouvé sa place dans la page "à propos" de mon blog à plusieurs reprises, sous des formes diverses, très longues, très courtes, sèches, délayées. Récemment, j'y ai mis un poème assez mal intitulé "Autobiographèmes", écrit le 10 octobre 2009. Il y est question de la contemplation d'une feuille morte, et de vers de terre tranchés d'un coup de bêche. Cela se résout en un quatrain:

Je le coupais en deux du tranchant de la bêche,
me penchais sur son sort scientifiquement:
les cylindres muets pendant quelques minutes
s'agiteraient encor sous le chant des oiseaux.


Je me sens pareil à ces morceaux de vers assez bien calibrés, chantant encore quoiqu'ayant perdu la rime. De saison en saison je m'applique ces coups de bêche salutaires, c'est mon hygiène poétique, je suis ces quelques morceaux disjoints qui n'ont pas cessé de réagir comme un seul être, malgré torsions et vrillements pathétiques.

On comprendra que je fréquente beaucoup de décapités qui me croient des leurs. A certains je suis indifférent. D'autres me tiennent pour adolescent. D'autres encore veulent me soumettre, ou que je les soumette. Je m'y laisse aller assez facilement. En toutes circonstances, je parle peu — ce que j'écris ici n'est pas ma vie : je m'y exprime comme je suis incapable de parler ou d'écrire ailleurs — la vie des vers de terre est profondément ennuyeuse, quel que soit notre intérêt naïf ou notre condescendance — tout au moins serait-elle profondément ennuyeuse à lire."

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Music

Ce soir, c’est la première. Je me suis fait un peu avoir, je pensais que c’était hier. Bien sûr, je l’ai su avant d’entrer en scène, mais la concentration était lancée, j’ai tout donné sans rien recevoir (il n’y avait pas de public) et je me suis cassé la voix. C’est malin. Vincent m’a dit qu’il pensait que je l’avais fait exprès. Alors je reste à dormir à l’hôtel, fenêtres ouvertes sur le parc. Le temps s’améliore. Ce week-end devrait être très beau. On ira en vélo.
J’ai envie de coucher avec tout le monde. Je me jette sur tout le monde et je me prends des pains. Ce qui est aussi un plaisir. Si on pouvait au moins me casser la gueule, ça me suffirait peut-être.

Ce soir, je serai une vedette en Autriche. Je ne sais pas comment je dois le prendre. La ville paraît sinistre (malgré son classement par l’Unesco). Je ne vois que les crimes nazis partout où je regarde. Le nazisme ou les Verts. C’est un peu ce qui est en train de se passer en France. On n'aura plus le choix qu’entre l’extrême droite et Europe Ecologie. Je voudrais écouter Mozart. Mais le câble pour relier à l'Internet ne marche pas dans ma chambre. Alors il y a la radio. Madonna à l’anglais so dérisoire, so idéal, so commun, so mondial et so rien. Music. American Pie. "I could make those people dance..."

Hier, j'ai eu du plaisir à écouter les voix des coulisses, la noirceur légère, surtout les voix anglaises. Je trouve que Hedydd pleurniche quand même beaucoup. Quelqu'un m'a dit que c'était un peu obligé (Vincent, sans doute). Mais je ne pense pas. C'est une excellente comédienne, mais je pense qu'elle tourne en rond avec ces pleurnicheries. Le problème, c'est que tout le monde tourne en rond. Le spectacle, comme on dit, "ne passe pas la rampe". Claude a fait quelques coupures pour ici, mais ça ne va pas changer grand chose. Alors chaque comédien s'enferme un peu en lui-même pour travailler quand même - l'art pour l'art. C'est très mauvais, ça ne va rien arranger. Baroque bazar (j'avais une allitération qui m'avait donné envie d'écrire un peu que je ne retrouve pas et que je remplace par celle-ci). Mais les voix mêlées à la musique étaient très belles, détendues. Je me disais que ce spectacle raté aurait fait une émission radiophonique sublime. Si seulement quelqu'un avait eu l'idée de l'enregistrer (des coulisses). Mais c'est impossible que quelqu'un ait justement la bonne idée au bon moment. C'est pourtant tout le travail. Il est probable d'ailleurs que les images sans le son ferait aussi un très étrange spectacle. Le problème, c'est qu'il y a trop de choses écrasées les unes dans les autres. On cherchait le mot sans le trouver : quand il y a trop de noir à l'impression, que ça macule... Stéphane disait qu'il aurait dû le connaître, ce mot (il voyait très bien), car il sortait un numéro du "Monde d'Hermès" entièrement noir (c'était en Corse). Pour dire les choses autrement : il suffirait d'enlever un élément ou deux pour que la beauté recircule, que le spectateur puisse entrer dans le spectacle. Le travail a pris le contrepied de la célèbre citation de Picasso (c'est curieux parce que Claude n'est pas un idiot non plus) : "Achever un tableau, c'est l'achever".

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