Saturday, April 30, 2011

M'introduire dans son histoire

Jeanne me fait l'insigne honneur de me laisser l'accompagner (à la lumière) dans cette aventure vraiment belle et légère, au plus proche de son âme, pierre et rose, structure et liberté, rigueur et douceur...

C'est, mon Dieu, très, très beau ! La lumière elle la crée, elle l'évoque, je ne sais pas comment elle fait, c'est d'un art extrême...

(L'ensemble des chansons, dont elle est l'auteur, appelées les « tronomettes », est disponible à l'écoute sur Dailymotion.)

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Véliebe

Johannes est le premier bisexuel que je rencontre de ma vie. Je me disais bien que ça existait – tout existe –, mais je n’en avais encore jamais croisé. A moins qu’il me raconte des cracks, Johannes vit avec une femme et voit aussi des garçons, sa copine est au courant. Il est arrivé hier, m’a rejoint à la gare Montparnasse, nous avons pris des Vélib’ et nous sommes allé dîner au Dauphin. C’était trop tard pour dîner d’autres choses que de charcuterie et de fromage, comme toujours (mais si j’arrivais plus tôt, je n’aurais pas de place) – ce que nous avons fait au champagne, leur excellent champagne (d’ailleurs tout est excellent, je ne développe pas, se reporter). J’ai demandé à Johannes s’il avait prévu qqch pour la nuit, non, c’était chez moi. J’adore qu’on dorme avec moi, c’est si rare. En plus, il dort bien. Comme Pierre qui ne m’a jamais entendu ronfler, lui non plus. (Hélèna ne me supportait pas.) Je ne sais pas ce qu’il s’est passé avec les sapeurs-pompiers cette journée du premier mai, mais ils étaient partout et semblaient faire des démonstrations de force et de puissance, on ne voyait qu’eux… Ça a commencé à l’aube, une voiture brûlait en bas d’chez moi et les pompiers s’acharnaient dessus sans fin, la voiture hurlait, hurlait. D’en haut d’chez moi, les trois pompiers semblaient des délinquants déguisés en pompier. Je ne comprenais pas pourquoi ils s’obstinaient à arracher les portes à coup de marteau puisque les vitres étaient pétées… Mais Johannes était gentil. Nous ne pouvions plus dormir, mais il était raisonnablement et merveilleusement gentil (bien que ce soit moi qui m’occupais de tout). Nous sommes allés au marché, nous sommes allés à Château Rouge, nous sommes montés à Montmartre par-derrière puis nous sommes redescendu par-devant pour trouver des Vélib’. Nous avons sillonné Paris dans tous les sens, dans toutes les avenues qui, lui, lui rappelaient l’occupation allemande (avec raison : rien n’a changé). Il me disait : « Quand nous étions là… » Nous nous arrêtions pour déjeuner, d’abord moi puis lui deux heures plus tard. Il aurait voulu éviter les touristes, mais ce jour-ci était touristes (ou fermé), je lui faisais remarquer, même les Parisiens, ceux qui étaient restés, prenaient l’aspect des touristes, c’est ainsi : un dimanche chaud de premier mai, que voulez-vous ? Il y avait des souvenirs aussi, des mélancolies. L’hôtel qui l’avait accueilli quand il avait seize ans affichait toujours des prix aussi bas (rue des Trois Frères). Nous avons parlé, parlé, bien sûr, mais nous avons surtout fait du Velib’, qu’il appelait « Véliebe », « vélo de l’amour ». Il trouvait merveilleux, pour un euro soixante-dix, que Paris soit à nous. Les sapeurs-pompiers faisaient des démonstrations sur la Seine. Je le faisais passer sur les traces d’Olivier Steiner (et tant d’autres traces), je nommais les choses, les monuments grossiers et multiples, si nombreux – quel déballage ! A un moment, nous étions chez mon psy, à un moment, nous étions dans le quartier des ministères, le quartier du jour le plus mort de l’année, bien entendu. Pour manger, nous retombions dans les endroits des touristes (et qu’est-ce que ça casque !) C’est un metteur en scène. Je ne savais pas. Il avait d’abord prétendu faire des feux d’artifices, des effets spéciaux, ce qui m’avait enthousiasmé, mais il y avait en effet qqch qui clochait dans ce mensonge, il ne m’en disait pas assez (je ne demandais que ça, moi, rencontrer un artificier). Donc il est venu de Mayence où il répète sa future mise en scène, une pièce africaine, il est venu pour me voir, il est reparti tout à l’heure. Ça, non plus, je n’avais pas compris qu’il allait faire dix heures comme ça pour me voir, je pensais qu’il allait quelque part. Drôle de bonhomme. Je l’aime beaucoup. Il ressemble à un nazi. Peut-être plus du côté des SA que des SS, quand même, les SA, les perdants. Mais il confirme tout ça. Il a un cousin qui fonce dans les campagnes en voitures trop riches, trop puissantes qui hurlent des musiques nazies. Ses grands-parents sont paysans. Sa mère est née avant terme, à sept mois, ils ont pensé qu’elle serait trop faible pour tenir la ferme, ils l’ont envoyée faire des études dans une école française (ils sont près de la frontière), à Metz, et aussi pour « réparer » la douleur de la séparation due à la guerre, sans doute. Enorme culpabilité dont se charge désormais sa mère. Sa mère s’occupe de toute son administration, elle l’aime trop fort, elle l’aime comme une folle. On n’a pas parlé de son père. On a parlé de son amant libanais qui lui aussi conduit comme une brute en faisant hurler la voiture, en faisant des doigts d’honneur, en faisant exprès de freiner très fort pour que la voiture derrière l’emboutisse… En attendant, ce type-là va passer quelques jours en prison parce que, pour se défaire d’une affaire criminelle (un ami à lui a été tué à cause de son homosexualité), il a préféré avouer la sienne, d’homosexualité, plutôt que d’être soupçonné du meurtre. L’homosexualité est passible de prison au Liban. Haine du monde tel que l’inventent pour nous les dictateurs (Sarkozy, ne te sens pas viser), amour du monde tel qu’il est, optimistic de rien, « about nothing ». Qu’est-ce que je peux dire encore ? Nous avons fini par la rue d’Aboukir, celle qui débouche sur la porte Saint-Denis. Il m’a parlé d’un fantasme de Jeanne de Berg qui voulait attacher un esclave noir à un anneau des quais de Seine – ces anneaux merveilleux dont Olivier Steiner m’a donné l’autre fois l’utilité : c’était pour que les bateau-boutiques – il y en avait beaucoup, des maraîchers… – puissent s’accrocher pour vendre leurs produits – le fouetter, l’esclave noir, et le laisser s’éclairer – toute la scène – par le passage des bateaux-moustiques. Evidemment, le seul intérêt de cette histoire est qu’il ait dit « bateaux-moustiques ». Les sapeurs pompiers faisaient des démonstrations jusque sur la Seine. Ils plongeaient, etc. Quelle excitation ! Johannes m’avait demandé pourquoi « sapeurs » quand on était passé près des casernes grande ouvertes et bruyantes, comme en insurrection. Je n’avais pas su lui expliquer. Nous avons rêvé. Lui que ma famille était noire – au moins ma sœur. Moi, qu’une fan venait vers moi pour me dire qu’il y avait qqch entre Claude Régy et moi, physiquement, qu’il était plus qu'un père pour moi, qu’il était un frère, ce qui me faisait honte. Ah, une chose étrange : il a apporté sa lessive de Mayence. Non, deux choses étranges : il n’a pas pris de douche*.





Il a prononcé cette phrase : « Au Liban, j'ai été servi par des servants du Soudan. »

* « Les Allemands, nous ne prenons pas de douche tous les jours. »

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Spectateurs de Barbara

Photos François Stemmer.


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Voyage à Berlin

Oh, ces gosses, oh, ces gosses… Ils se précipitent sur mon blog pour voir si je parle d’eux. Mais je ne peux pas m’en occuper toute la journée et, en plus, parler d’eux ! Nathan et Duncqueue sont dans l’train. Nathan n’avait pas compris que je déplaçais à mesure l’affiche de Jeanne Balibar et donc il cliquait, croyait que rien n’avait bougé, repartait déçu. Quand il réalise son erreur, il hurle vers Duncqueue : « Y a qqch sur moi ? Y a qqch sur moi ? » Me fatigue… Puis, souvenir ému, m’a rappelé quand j’étais à l’école, moi aussi. A l’école d’Antoine Vitez. On avait Antoine Vitez qu’une journée par semaine, les autres jours avec d’autres. Mais, tous les jours, on pouvait faire la même blague aux mêmes personnes, ça marchait sans trêve. « Salut, oh, à propos, hier j’ai vu Antoine, il m’a parlé d’toi… – Ah, bon, qu’est-ce qu’il t’a dit ?! – Non (tu n’comprends pas – en faisant le geste), de toit, de toiture… »

Je voulais parler à Marina, mais Marina dort. Quand je repasse, elle ne dort plus, elle semble lire un livre, mais elle semble aussi dormir. On dirait qu’elle joue dans La Chevauchée… Quel dommage que la pièce n’existe pas filmée en entier ! Il y a deux extraits sur l’Ina, des extraits merveilleux. On voit les vedettes jouer comme des dieux et dire que, non, elles ne prennent pas de risque. Jeanne Moreau est extraordinaire, intelligente, puissante et vivante. Lonsdale a son exactitude de toujours, Depardieu, ah, Depardieu, qu’est-ce que la vie l’a amoché c’’ui-là, il était la grâce, aucune intelligence, pur instinct et tombant juste tout le temps. Delphine Seyrig est la princesse, la reine, la reine de Saba. Son amant, c’est Sami Frey, mystérieux et beau, lui aussi, comme une image (les autres sont réellement vivants).

Marina Keltchewsky est en forme ces temps-ci. J’ai vu, à la gare, une photo d’Angelina Jolie – à moins que ce soit de Penelope Cruz – et j’ai cru que c’était Marina (le sourire). Marina nous a sorti deux nouvelles matières, Virginie Despentes, King Kong Théorie, et c’était parfait, j’entendais la voix de Virginie Despentes, parfait, parfait, très intelligent, ça m’a donné la nostalgie d’Hélèna (Hélèna Villovitch) qui admirait Virginie Despentes et qui m’en donnait des nouvelles de temps en temps – j’ai compris seulement aujourd’hui, avec ce qu’en a fait Marina Keltchewsky, l’intelligence parfaite de Virginie Despentes. Puis Marina a fait Grisélidis Réal, là, je savais que ça allait être bien, mais, là aussi, elle m’a révélé encore une intelligence profonde de Grisélidis Réal que je ne connaissais pas (pourtant Grisélidis est mon idole). Quelle est intelligente, cette fille ! C’est elle qui comprend le mieux les principes de l’exercice que nous faisons en ce moment. Pouvoir jouer en même temps – dans l’entier espace-temps quantique – des matières dont la précision et la puissance ne doivent pas se perdre ni se diluer ni s’amender par rapport aux autres elles-aussi possiblement dans le même espace. Quand c’est réussi, c’est surnaturellement beau. On entend des choses inouïes, des rencontres de textes ou d’images qu’on ne pouvait pas avoir imaginé. C’est de la création de particules en laboratoire. C’est aussi la tour de Babel, je veux dire (Nathan m’a réexpliqué) quand toute l’humanité parlait la même langue… Ou bien la Pentecôte (là, c’est Karine qui m’a remis au jus), quand les langues de feu descendent sur les disciples et que tout le monde se met à se comprendre, à comprendre toutes les langues. Tiens, je vais recopier un truc de Borges sur la beauté. « Oh ! Seigneur, épargne-nous de tant de beauté… » Ce n’est pas Borges directement qui dit ça, mais celui qu’il considère comme son maître, Rafael Cansinos-Assens, « le grand poète judéo-espagnol ». Et Borges ajoute : « Qu’il y ait tant de beauté éparse dans diverses langues, cela n’a rien de surprenant. (…) La beauté est toujours prête à nous surprendre. Si nous avions assez de sensibilité, nous pourrions la sentir dans la poésie de toutes les langues. » C’est ce que je fais, rien moins que ça avec la belle équipe qu’on a mis à ma disposition (Stanislas Nordey) et que j’emmène, en plus, à Berlin, c’est pour ça qu’il y en a une partie avec moi dans le train… Ils partent mercredi, je les rejoins jeudi après le concert de Jeanne. Berlin, Berlin, Berlin ! Quelle excitation !








Les liens pour les vidéos de l'Ina sur La Chevauchée sur le lac de Constance dans la mise en scène de Claude Régy :

http://www.ina.fr/art-et-culture/arts-du-spectacle/video/CAF90026811/piece-de-theatre-la-chevauchee-sur-le-lac-de-constance.fr.html


http://www.ina.fr/video/CAF90026810/theatre-avec-la-piece-la-chevauchee-sur-le-lac-de-constance.fr.html

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Tercian

Hey mon loup,

Je divague un peu ce soir, j'ai forcé sur le Tercian, tu m'excuseras, hein ?

Tu sais, j'aimerais beaucoup faire un truc avec toi, un truc sur scène je veux dire. C'est pas pour faire ma promotion. C'est parce que je pense qu'il faut fabriquer des choses avec les gens qu'on aime. En dehors de ça c'est du temps perdu, même l'amour, même le sexe, s'il n'y a pas fabrication, c'est du temps perdu.

Alors voilà, je divague et j'ai une idée.
Une idée que je visionne dans ma tête.
J'ai envie de te la raconter.

Nous sommes tous les deux sur scène, ça va durer une petite heure. J'imagine un théâtre genre la Ménagerie de verre (tant qu'à faire).
C'est une impro préparée. Au fond du plateau il y a un grand drap blanc sur lequel est projeté un film ou une série, sans le son. Je sais pas bien quoi. Un film avec Chaplin ou un épisode de Dexter ou Twin Peaks. Nous avons deux micro et nous commentons au fur et à mesure ce que nous voyons. Nos commentaires font un dialogue.

Il peut y avoir des moments de silence. Des moments de monologue. On peut s'échapper du film et y revenir. L'idée est de créer un dispositif capable de capter le plus de liberté possible.

C'est ça qui me plaît chez toi : la voix nue, la prise de risque presque maximale, la chute libre sans filet.

Titre possible : POUR LE PIRE ET LE MEILLEUR

Je t'embrasse,

O






Ben, oui, super ! Tu m'expliqueras « la prise de risque presque maximale, la chute libre sans filet »… Nous, les acteurs, on comprend pas ces mots, on ne voit pas ce que ça dit. C'est du cirque ? Ah, non, j'ai compris : tu m'prends pour Chéreau ! Pour l'heure, je voudrais aussi te demander (on ne prête qu'au riche) avec quelle délicatesse calmer un ami jeune qui vit un amour extraordinaire, mais dont l'envie de crier son bonheur, d'ameuter le monde entier autour de sa bonne nouvelle (Christ est vivant) me fait un petit peu peur (comme je n'suis pas Chéreau et que c'est un acteur que j'emploie…) Que dire pour lui dire : « It's love, you know, it's only love, ce n'est pas forcément que Dieu existe... » sans avoir l'air non plus d'écraser la poésie ?






Oh, s'il en est là, je crains qu'il ne soit sourd à toute tentative de modération, aveugle à toute raison. Il doit faire son expérience. C'est con à dire, mais je ne vois rien d'autre. Il ne faut surtout pas le contredire. Il connaît le paradis. Tant mieux pour lui. Bientôt ce sera l'enfer. Et un nouveau paradis, après...






Quant à mon mail de la nuit, non je ne te confonds pas avec Chéreau, je ne sais pas si je vais pouvoir t'expliquer, j'étais sous Tercian à haute dose, je tutoyais les anges...
Bises !

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