Thursday, January 25, 2018

S oirée à Pontoise


Pour une fois que j'ai du travail, quatre jours, pas me plaindre, ça n'aurait pas de sens. Cergy, trois heures de train, une heure et demie tôt, une heure et demie tard et, le tard, qu'est-ce qu'on fait ? faut manger, se détendre, répondre au courrier, regarder la télé, ce qu'il y a de plus bête, « Quotidien » avec Yann Barthès, par exemple, peux pas mieux — et encore, en ce moment, j'arrive plus à comprendre les sketchs de Vincent Dedienne —, un peu de musique sur France Mu, éviter France Cu, éviter France Gall aussi, merde déjà minuit, ouvrir un livre ? Hamlet, tiens ! trop tard, plus la force, Verlaine alors ? oui, mais court, Les sanglots longs / Des violons... et rêver, rêver le bonheur, rêver la seule vie réelle au final, hein ? au bout du compte, tous ces spectres que nous formons, nous tous, tous les on, ces ensembles, en grappes lentes, en traînées noires dans les transports tôt le matin, tard le soir, les mêmes visages délavés, car nous nous supportons, on se supporte, on se supporte et puis, à Cergy, ici, pendant ces quatre jours, enfin, à Pontoise, pas loin, deux fois deux euros quand même le supplément bus, Verlaine, Poèmes saturniens : deux euros cinquante, Blessent mon cœur / D'une langueur... alunissent sur leur pelouse mes amis Les Chiens de Navarre, la troupe de cirque, j'avais pas vu le dernier spectacle des Bouffes présenté ici, et c'est peut-être, me dis-je, que l'état de disponibilité ou d'indisponibilité dans lequel je suis est le meilleur, mais je comprends, ce soir, ce que veux dire le mot : « divertissement » et que c'est une chose merveilleuse que le divertissement, pardon Pascal, oui, c’est exactement ce qu'il faut pour les foules qui me ressemblent, vous et moi, ce soir-là exactement en tout cas, « soirée » : mot magique, et même que ce divertissement, ce mot, ce drôle de mot, je l'associe maintenant à un autre mot étrange : « thérapeutique », oui, c'est ça : « divertissement thérapeutique », c'est fou, non ? et peut-être que l'état de disponibilité ou d'indisponibilité dans lequel je suis est alors le meilleur, mais, à eux, leur art à eux, leur génie, c'est de comprendre cet état de disponibilité ou d'indisponibilité qui n'est pas le mien, qui est celui de tous, celui du MONDEDUTRAVAIL, les artistes, chapeau bas ! vous avez réussi à me faire croire que le spectacle ne pouvait pas être meilleur un autre soir ailleurs...