Merci, Amélie !
« Toute la culture »
Amélie Blaustein Niddam
[AVIGNON OFF] LE NOIR VOUS
VA SI BIEN YVES-NOËL GENOD
Il commence par « Sous une
lumière blafarde », celle de La fin de la journée qui est pourtant si claire à Avignon. Puis c’est le
trou noir, total, dans la rondeur de la salle en pierre de la Condition des
soies, il nous plonge dans les ténèbres, nous rend aveugles, disposés à une
écoute suprême. Champagne ! Yves-Noël Genod récite les Fleurs du Mal à Avignon : c’est une fête, et cela s’appelle Rester
vivant.
Note de la rédaction : ★★★★★
Yves-Noël Genod est la voix
du poète. En 2013, dans un hôtel particulier qui fut beau, il avait lu des
extraits de La Confession d’un enfant du siècle. Au Théâtre de la Bastille, en 2012, c’était Rimbaud
qu’il invitait. Dans ce festival troublé, il nous pousse encore plus au fond,
dans les méandres de l’angoisse et de la nuit. Il devient la voix de notre
conscience, car tous ont en tête une poésie ou ne serait-ce qu’un vers de
Baudelaire, venu à l’heure des ravages adolescents pour offrir un mot pour dire
ce que l’on ressent.
Yves-Noël Genod est metteur
en scène. Il sait diriger les acteurs, créer une atmosphère. Le noir est, avec
l’or, sa couleur préférée, on le devine. Il avait fait danser la brume ;
ici, il rend la nuit limpide.
Alors, on se glisse dans le
son comme on entre en méditation, les poèmes nous transpercent et, écoutés de
la sorte, comme jamais vous ne les avez écoutés (c’est-à-dire dans une posture
quasi religieuse, en communauté, et dans le silence) ils sont lavés de leur
célébrité. L’on touche au romantisme, celui qui ne s’accomplit jamais.
Le bonheur est loin, la
mort est celle avec qui l’on danse. L’une des forces du magicien qu’est
Yves-Noël Genod est de nous entraîner dans une danse qui n’a rien de macabre,
où le noir est notre ami et où la lumière nous semblera bientôt hostile.
« Nous aurons des lits
pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme
des tombeaux,
Et d’étranges fleurs sur
des étagères,
Ecloses pour nous sous des
cieux plus beaux.
Usant à l’envi leurs
chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux
vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs
doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces
miroirs jumeaux.
Un soir fait de rose et de
bleu mystique,
Nous échangerons un éclair
unique,
Comme un long sanglot, tout
chargé d’adieux;
Et plus tard un Ange,
entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et
joyeux,
Les miroirs ternis et les
flammes mortes. »