Monday, March 02, 2009

Sans noblesse pas d’amour il n’y a

L’image amour, l’image tremblote de toutes ses forces. J’ai écrit des poèmes que je peux retrouver.
Fatigue l’assoupissement, la démesure. Au Creusot Monceau les Mines (cette gare sans construction, en plein milieu de la campagne), une très belle femme nommée Variance.
Blond et blond en hiver, touffe sur la terre, synapses.

À partir des Lumières, débris… Cette lune de civilisation dans la nuit noire de la nuée. Cette guerre, en pleine campagne nette car le train… et l’autoroute est enfoncée. Le train n’a pas redémarré. On voit les mares, les clochers, les plastiques luisent, les arbres sont espacés et se laissent toucher car ce sont des bouleaux fins, des arbres d’hiver – se laissent passer… (et c’est le moment que tu me téléphones). Et il y a l’ancienne route, l’ancienne voie (le viaduc), l’ancienne ferme, celle du rêve (et c’est le moment que je sens ta vibration, sur ma cuisse) – le bâtiment – dans le sombre du rêve. Et le train reprit sa pleine vitesse, c’était fini, Versailles de nouveau, les allées… Les voix, les synapses (emploi d’un mot que je ne comprends pas, mais qui correspond). Le bâtiment clair, dans la route déjà sombre. Les grands étalements de la Saône, de patinoire, de patinage.
Le supracéleste, le sublunaire… (ce vieux partage médiéval).

On arrive à la ville trouvée, que l’on domine car c’est l’été. Le crayon pointe le ciel. Plein d’eaux (qui) se donnent rendez-vous – en étalement, en re-grouillement. SNCF, gares murées. Soleil, trouée dans un voilage sur la courbe (d’or) du métal sacré.

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Recopié pour Pierre

La vie se retire du poète et revient : continuellement, le mourrant passe d’un côté à l’autre du seuil, dans ce qui ressemble à des exercices de résurrection. Il comprend que sa vie et la poésie ne font qu’un. Mieux, sur le seuil il l’expérimente ; et que « tout, l’univers tout entier était poésie : le travail, le galop d’un cheval, une maison, un oiseau, un rocher, l’amour ». Soudain le poète s’aperçoit que des strophes lui viennent, avec des rythmes, des rimes. Il discerne deux êtres en lui : celui qui reçoit l’inspiration et celui qui trie, sélectionne, choisit. « Et lorsqu’il vit qu’il était deux hommes à la fois, dit Chalamov, le poète comprit qu’il composait alors de véritables poèmes. Et quelle importance qu’ils ne fussent pas notés. »

Prélude à la délivrance, page 101.

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Belle de jour

(Pour les acteurs.)

« Personne n’est l’auteur de sa singularité, il faut seulement la laisser être, ce qui exige beaucoup de finesse et d’obstination. »

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Un incroyable spectacle d’adieu

Il y a tellement d’espace dans le tableau de Pierre Bonnard, Nu à la baignoire ! Mais aussi dans celui de Bram Van Velde qui s'appelle : Glauque.
Près du Female nude standing in doorway, de Francis Bacon, il y avait une odeur de muguet, la seule que je ressente. Je rappelle que ce nu est pour moi un peu Anne de Sterk (mais un peu moins aujourd’hui*). Sa belle géométrie de son visage. Ses seins dispatchés. L’infini-flaque de son ombre. Ses jambes croisées sur le y. Et puis toujours ces vitres où l’on se voit d’dans (surtout la nuit).

*Isabel Rawsthorne, en fait.

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Pierre, nuage ou poisson

Des histoires me sont arrivées, des histoires de lecture. Thomas s’est acheté India Song, le dvd, il trouve que personne ne parle de Delphine Seyrig, je lui dis : « Mais si, on en parle, seulement, pour toi qui est fan, on n’en parle jamais assez. » Il me dit : « Tu devrais faire travailler Sami Frey qui était son ami. » Et : « Il travaille encore, ce n’est pas comme Michael Lonsdale. – Mais si, Michael Lonsdale travaille encore, bien sûr ! – Alors, fais les travailler ! – Mais je ne crois pas qu’ils aient besoin de moi, ni Sami Frey ni Michael Lonsdale, tu sais… » Non, il ne sait pas, Thomas, c’est mon psychiatre, c’est un fan de Delphine Seyrig (que j’adore aussi personnellement). Bon, j’ai oublié de lui dire, ce matin, que dans le premier article qu’on ait jamais écrit sur moi, celui de Florence Broizat pour « Télérama », elle ou moi je ne sais plus, quelqu’un parlait de Delphine Seyrig. Next time (ça lui fera plaisir). Ensuite, d’un coup de Vélib’, en longeant le Louvre, le château sur la plage (la Conciergerie), avec le soleil qui longe en venant de l’Est (je l’ai bien vu, le soleil, dans son action), je rejoins le cours de danse de Wayne Byars à la Bastille. Je suis un peu en avance, j’ai le temps de regarder les sublimes travailleurs manuels qui refont la rue de la Roquette. Je regarde un homme noir qui a du mal à faire démarrer la scie méchante, je pense au luxe de ma vie, à mon privilège (de toute évidence je ne sais pas comment je ferais avec cette scie qui était encore mignonne de ne pas démarrer, mais qui, dès qu’elle est démarrée fait un fracas du tonnerre.) Dans le cours, Wayne Byars est assez agressif, il veut à tout prix que nous soyons « souriant » et « plein d’énergie », « Si y a pas d’énergie, y a pas de danse, c’est tout ! » Il utilise les grands moyens, il ne va pas jusqu’à menacer de se suicider, mais on le sent presque à bout, il veut y arriver (c’est le début de la semaine). Il ne supporte pas (il me le dit à moi parce que je ne me regarde que du coin de l’œil dans le miroir (il est vrai que je ne me vois qu’à peine, je suis myope)) « ce côté sur soi ». Je suis bien d’accord ! (Je comprends la formule, je la note.) Mais je pars avant la fin pour rejoindre Gaspard Delanoë pour une performance : en ayant pris soin de s’habiller de manière colorée (je suis en rouge et en moutarde), il faut se coller le plus nombreux possible à la vitre d’une devanture au 88, rue Lafayette. J’arrive un petit peu en retard, l’effet est très joli de l’extérieur, Gaspard me reconnaît tout de suite et, oui, c’est ça, ces mouvements de bras un peu maladroits derrière la vitre sont les siens et s’adressent à moi : il m’invite à les rejoindre. Ça dure une demi-heure, on va ensuite prendre un verre à une terrasse ensoleillée, tout le monde prend du café, je prends du vin (je crois que le café s’appelle : Les Volcans). Là, je fais la connaissance de Tigrane à qui je demande : « Comme un tigre ? » et qui répond, du tac au tac : « Et comme un âne ! » C’est un jeune Arménien non circoncis (précise-t-il) qui me rappelle un peu physiquement Alain Farah, mais qui, semble-t-il, est quand même plus déluré puisque Gaspard me le présente comme : « Lui aussi aime les femmes et les hommes. » Je réponds : « Il y en a de plus en plus… », mais Gaspard me coupe : « Non, il y en avait un ; maintenant, il y en a deux ! » Tigrane commence le tournage de son film demain, le film doit s’appeler « Au fond de l’eau », mais il compte changer le titre parce que « c’est un peu... au fond ». Je propose : « Au fond du ciel » et Gaspard Delanoë (qui se présente aux élections européennes, je le redis à ceux qui n’auraient pas suivi, ces derniers temps), dit d’un air rapidement très profond : « Ah, c’est beau ! » Il y a aussi Charlotte, une aveugle, qui m’appelle Pierre. Je lui fais remarquer qu’elle ne tombe pas si loin parce que Pierre est le prénom de mon amoureux (et donc, là, j’avoue tout) puis Gaspard dit : « Elle a un rapport mystique au monde. » À partir de là, tout le monde m’appellera plus ou moins Pierre-Yves-Noël. Je distribue des cartes à tout le monde. Tigrane dit encore : « Je suis un fouineur articulé. », mais, là, personne ne comprend, il fait un flop. Puis on parle d’un « faux nain », « Qui est un petit faune. », dit Gaspard Delanoë. Et quelqu’un est présenté par lui comme très fatigué (je ne sais plus son prénom) parce qu’il vient de bosser non stop pour le salon de l’agriculture. J’interviens alors pour dire que j’ai essayé d’y aller, mais que j’y ai renoncé parce qu’il y avait la queue. « Et quelle queue ! Dix pourcent de plus que l’année dernière ! » dit Charlotte (l’aveugle), reprise immédiatement par Gaspard : « Mais, Charlotte, on s’en fout ! » (de la taille de la queue ? je ne comprends pas complètement). Avec mes nouveaux amis, on remonte la rue du Faubourg Poissonnière, on passe devant le lycée Lamartine à la belle jeunesse étalée dans ses rêves et au soleil, sa séduction, les filles et les garçons, et Tigrane me dit : « Toi aussi, tu fais ton casting ? » et « Il y a encore mieux plus haut. » Je dis que les adolescents savent mieux jouer au cinéma qu’au théâtre, « Au théâtre, ils ne savent pas faire.» Tigrane est d’accord. Et, enfin, ce Tigrane, en voilà au moins un à qui je peux mordiller l’oreille en pleine rue en lui susurrant « mon amour » sans que personne ne le remarque (c’est une question de vitesse, saisir deux feuilles du temps et s’y glisser comme dans des draps). On passe sur la place Turgot, très jolie « en effet », me dis-je, où Tigrane commence son tournage demain entre neuf heures et midi. Il me parle des « ventouseurs », l’équipe qui dort sur place pour réserver les places de parking. Dans la rue Condorcet, il y a des affichettes sur toutes les portes cochères pour expliquer la situation aux riverains. Tigrane a l’air incroyablement détendu, joueur, flottant, prêt à partir avec moi à l’autre bout du monde (pour une situation qui a pourtant l’air, elle, bien réelle). Ensuite nous sommes dans un café dont je n’ai pas retenu le nom, j’avais compris : Le Congo – mais ce n’est pas ça. Ça a l’air d’être le QG. Une affiche de la campagne de Gaspard sur la vitre. Tout le monde se connaît en hurlant. Plat du jour délicieux, à sept euros, tout le monde se connaît, disé-je, un petit air rétro cultivé (une affiche de Jeanne Moreau, le serveur qui vient pour remplacer trois sœurs jumelles qui, juste après nous avoir servis, ont fini leur service (ou qui retournent au lycée) ressemble à Mathieu Amalric, etc.), mais vivant. Là, au bout d’une heure ou deux donc, on trouve mieux pour le titre de Tigrane : « Au fond de l’autre ». Là, tout le monde est d’accord – cris d’extase – pour trouver que ça emporte le morceau ! Charlotte, l’aveugle (qui est aussi une mulâtresse très jolie) confond les blonds et les bruns (erreur que l'on peut comprendre) : « Dimitri, c’est le grand blond, heu, le grand brun... » Puis tout le monde doit s’en aller précipitamment ! J’embrasse passionnément Tigrane comme j’aime faire, lui fait promettre de me contacter (il ne promet rien du tout, je crois) et Charlotte, laissée pour compte, se plaint d’une manière déchirante : c’était donc bien elle qui était au centre de l’histoire ! L’aveugle mulâtresse. Mais je reviens sur mes pas et bien m’en porte car elle est délicieuse à embrasser, à serrer dans mes bras, l’aveugle que j’avais oubliée (dans le mime de mes habitudes) et j’en profite !

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