Friday, June 13, 2014

D'après Martin Dammann, exposé à la galerie In Situ, 19, rue Michel Le Comte, jusqu'au 26 juillet.

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R éponses à des questions d'une étudiante


1.
C’est un lieu commun. Tout le monde le dit. Disparaître derrière le personnage, bien sûr.
2.
Absolument, mon théâtre peut exister sans les acteurs, je l’ai déjà fait (en 2011 au Théâtre de la Cité Internationale, la deuxième partie de — je peux / — oui : que du son et de la lumière. 1er Avril que vous avez vu aussi était intitulé « son-et-lumière » et, aux acteurs, je ne cessais de répéter : « L’idéal serait des costumes avec personne dedans. Des costumes avec personne dedans ! » C’était sur les fantômes et le moins possible de la « réalité », mais le plus possible laissé à l’imagination (du spectateur)… Disparition de l’interprète…
3.
Rien à l’avance et ceci va apparemment contredire ce que je viens de dire (à la question précédente) : « Je fais mes robes sur les mannequins », comme disait Coco Chanel, je ne sais rien avant, je fais mes spectacles à partir des lieux, oui, et aussi des personnes avec qui j’ai choisi de travailler. Parce que, s’il n’y a plus que du son et de la lumière, il faut bien comprendre qu’il y a, bien sûr, l’interprète du son et celui de la lumière. (Pour 1er Avril : Benoit Pelé et Phlippe Gladieux.)
4.
Ces 2 référents, Jacques Derrida et Walter Benjamin, cela me flatte beaucoup. Tout le monde parle de la même chose, surtout les génies. Alors, bien sûr qu’on peut dire ça, si beau !
5.
« Nous sommes faits de l’étoffe des songes », a dit William Shakespeare et, ça aussi, c’est évidemment un lieu commun. En fait, il n’y a que du lieu commun et des variations. Jorge Luis Borges disait que plus ça allait, plus il écrivait en clichés parce qu’au fond, il n’y a rien de plus profond. Mais bien sûr que la beauté, chez moi, ne tient qu’à un fil, oui, c’est à la fois puissant et fragile, ne serait-ce que de l’acceptation du jeu par le spectateur (qui a le pouvoir de créer ou de rompre ce fil).
6.
Aucune idée.
7.
Aucune idée.
8.
L’acoustique, la résonance.
9.
Non, le moment présent m’importe. Il me semble que mes spectacles jouent beaucoup moins de la rémanence que d’autres — ceux de Claude Régy ou aussi ceux de Joël Pommerat, par ex, qui jouent, eux, sur les climats. Je ne joue pas sur les climats. Cela ne me dérangerait pas, par ex, que le spectacle soit intégralement oublié dès le sortir de la salle.
10.
Oui, mes spectacles sont contemplatifs, c’est évident. C’est un théâtre vidé d’actions, vidé de drame. On a parlé de « théâtre chorégraphié ». Poèmes, absolument. Pas prose. Danse. Vie.
11.

« […] nuances tendres ou véhémentes de la Naïveté, — Sottise du sublime, irréflexion de l’infini », dit Emil Cioran.

2 émissions (d'une série de 5) sur France Cul


Là, je parle de La Cerisaie, d'Anton Tchekhov, et je passe une chanson de Philippe Katerine. J'aime bien cette émission, c'est la dernière de la série.



, je parle de Saint-Simon, une langue admirable (mais pas assez travaillée dans la lecture, mais, bon) et je dis aussi une phrase intéressante : « Pourquoi est-ce qu'on est dirigé par des imbéciles ? Mais parce que le fait même de vouloir le pouvoir est une imbécilité. »

L es Intermittences du cœur


FOMENTATEUR, TRICE, subst.
Personne qui fomente, qui trame quelque chose.

Le vrai problème, c’est ceci : il faut supprimer l’intermittence de la vie d’artiste. La supprimer. Purement et simplement. Moi, je ne travaille que qq jours par an ; le reste du temps, je m’ennuie à mourir. Charles Baudelaire (ce n’est pas que je me compare…) n’a fait que quelques poèmes, bon, et quelques traductions (Edgar Poe) et le reste du temps — de ce temps infini qui heureusement va finir ! — il s’est emmerdé. J’aurais aimé être écrivain pour écrire, être peintre pour peindre, mais je ne sais rien faire que le metteur en scène. Je ne sais faire que ça : des mises en scènes contemplatives d’une sorte de théâtre-nouvelle/ancienne-religion de la beauté, un théâtre chorégraphié, peint, effacé, chanté, évanescent, mystique. Je ne sais pas vivre, je ne sais pas avoir des enfants, des amours, je ne sais pas. Un chat noir vient me voir, quand même, depuis qq temps, par les toits de zinc. Je l’aime, c’est un copain. (Pas repéré son sex.) Je voudrais qu’on me supprime ma vie et qu’on me laisse travailler. Je dors d’ennui, j’hiberne même en été quand je ne travaille pas, je suis comme une actrice qui pleure. Il y en a tant des comme moi, intermittentes de la vie d'artiste. Il disait : « Nous n'avons que du livre à mettre dans un livre… » Le théâtre, ce n’est pas une reproduction de la réalité, c’est un oubli de la réalité. J’aimerais faire du cinéma, aussi, comme Godard. Mais si on enregistre cet oubli, on peut alors se souvenir et peut-être parvenir au réel. C'est Blanchot qui a dit : « Ce beau souvenir qu'est l'oubli ».