Thursday, July 16, 2020

C’est le silence qui répond

« Alors, j’ai trouvé un résumé du spectacle dans ce prospectus, ben, effectivement, dis-donc, ça va pas être facile de faire rigoler dans cette arène, hein ? Je vous lis, je vous lis, je vous lis : « Le spectacle interroge les liens entre l’homme et la nature et rend hommage au savoir-faire immémorial des vignerons-tâcherons. Il aborde des thèmes éternels tel que les saisons, l’eau, le soleil, la lune, le cosmos. » On comprend qu’ils aient besoin d’humour, hein ? » 

C’est un spectacle dont je n’ai pas la solution. C’est toujours le cas, j’essaye de ne pas savoir de quoi il est question, d’être dépassé par le cosmos de ce que je crée (comme un rêveur en pleine nuit). Bien sûr, quand il y a un texte classique, Proust, La Recherche, Baudelaire, Rester vivant, ou Phèdre, on peut aisément s’y appuyer. Mais, là, je voudrais entraîner avec moi le public dans ce « pas savoir ». Après tout, c’est l’époque, on ne sait même pas s’y on jouera, si les théâtres rouvriront. Alors, imaginons un spectacle fantôme, un spectacle d’étoiles. J’ai demandé à Philippe Gladieux avec qui je travaille depuis huit ans d’être le véritable investigateur de ce spectacle — je veux dire, c’est la lumière qui invente les choses… Pour le reste, si vous êtes spectateur, vous faites partie de la troupe. Ce n’est pas un cauchemar, mais peut-être. Ce n’est pas la folie, mais peut-être. Ce n’est pas la nuit, mais peut-être. Pour rajouter une difficulté, on s’est dit que le spectacle pouvait aussi être comique ! Le casting est ouvert, on prend tous les clowns ! Il n’y en a-t-il plus ? Il y en a plein ! Patrimoine culturel immatériel.

Yves-Noël Genod




Yves-Noël Genod propose à tous ceux qui le désirent d’assister à la fabrication de ce spectacle et d’y participer. Effacer la frontière entre le public et les interprètes est le fait même de tout théâtre. Mais, ici, le public a envahi la scène. N’y aura-t-il donc plus rien à voir ? Ou au contraire, est-ce que la perception ne peut pas s’ouvrir au réel ?

Une ou plusieurs rencontres en amont, à la demande, sur mesure, individuellement ou en groupe, sont proposées sur ce thème : que faire ou ne pas faire si on est soi-même acteur, auteur et spectateur ? 


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Origine du titre :

J’ai écouté il y a quelques jours une très bonne émission sur Albert Camus qui me l’a fait (re)découvrir, « Répliques » sur France Culture. Et voici ce que j’y ai entendu (c’est Raphaël Einthoven qui parle) : « Ce qu’il [Camus] défend quand il défend la nature, c’est deux choses. C’est d’abord tout ce qui n’est pas historique, c’est-à-dire tout ce qui empêche l’homme de se prendre pour la solution, pour une solution — donc c’est de la pulsion, la tendance délétère à croire qu’on a la solution de l’histoire, donc la nature est un antidote à ça. Et il défend aussi ce qu’il appelle le silence — qui est le silence de la mer, qui est le silence des choses… mais qui est aussi le fait que le silence, c’est pas l’absence de bruit, c’est l’absence de langage. C’est-à-dire il défend l’inhumanité du monde, la non humanité du monde. C’est un humanisme, Camus, qui se situe à hauteur d’homme, mais qui assume en même temps le fait que le monde ne soit pas là pour nous faire plaisir. Et donc par nature, il entend aussi ce décalage qu’on trouve dans l’expérience de l’absurde d’un type qui pose une question, la question du sens et à qui c’est le silence qui répond. »

Pour Ana-Belen, autres citations dramaturgiques :

« Jean-Baptiste Lamarck est l’un des premiers à avoir pensé la vie des espèces comme une vie qui passe de forme à forme, toute espèce est capable de se métamorphoser. Ce qui est beau chez Lamarck et le différencie de Darwin c’est qu’il y a une lecture morale de la transformation des espèces et des êtres… Toute forme animale est le résultat d’une volonté, d’un investissement moral, toute forme de vie serait la traduction physique et morphologique d’un ethos, ce qui fait de sa vision de la nature quelque chose d’extraordinaire. Darwin et Lamarck nous ont dit que toute espèce est un bricolage, des formes de vie en travaux qui ne correspondent pas à une substance. Aujourd’hui, on a tendance à rigidifier les espèces, on a oublié que toute espèce naturelle c’est un bricolage éphémère en perpétuelle métamorphose à partir de formes qui nous ont précédés. » (Emanuele Coccia)

« Ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages. » Georges Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien

« Tant de mains pour transformer ce monde et si peu de regards pour le contempler. » Julien Gracq

« On doit pas chercher une histoire parce qu’on est déjà en train de la faire » Wiley 

« Il suffit d’entrer dans le visible pour interrompre — si le bras est armé de spirituel ou d’art — pour interrompre la mêlée des ténèbres. » Yannick Haenel (à propos du Caravage)

« une mise en scène qui vient mourir dans l’oreille de l’auteur, pour être immédiatement remplacée par une autre, c’est le lecteur l’auteur ultime. il y a quelque chose à voir qui n’est pas de l’ordre du représentationnel » (Dominique Fourcade, Magdaléniennement)

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« Le grand-père meurt
Le père meurt
Le fils meurt »

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C 'est beaucoup mieux


Mon bon roi Louis, c'est Yvno, je suis en Suisse de nouveau jusqu'à dimanche (et avec le demi-tarif Swisspass, attention !) La coiffeuse n'a pas pu venir. Du coup, je travaille un peu. Il faut trouver un titre pour ce spectacle d'octobre dont je ne sais presque rien. Si tu as une idée... D'autre part, connaîtrais-tu quelqu'un à la voix d'or capable de chanter a capella du Patrick Juvet (je préfère Polnareff qui, avec quelques autres, a servi maint spectacle du temps où Jonathan Capdevielle était encore dispo, mais Patrick Juvet, je l'ai appris hier au soir en enquêtant, est suisse — d'ailleurs, qu'est-ce que j'en découvre sur la Suisse (en enquêtant), c'est pas du tout ce que j'imaginais (pas grand chose) : c'est beaucoup mieux. T'embrasse, YN

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