Saturday, September 20, 2008

Marlène va faire une performance à Bétonsalon




« Marlène Saldana, actrice hors du commun, bestiale et poétique, gagne sa vie en vendant, la nuit, de l’alcool dans les casinos et en jouant, le jour, des spectacles pour enfants. Lectrice d’une grande culture, elle est en correspondance assidue avec Edward Bond, Lancelot Hamelin, Krystian Lupa... (Tout cela est vrai.) Elle a été dirigée par Yves-Noël Genod dans Elle court dans la poussière, la rose de Balzac, à Paris et à Bologne, ainsi qu’à la Fête de la Poste, le 20 septembre dernier à Paris. Elle prépare un travail d’envergure: The Big Mamma Shakespeare Notebook. »

Ça, c’était la petite bio que j’écrivais pour le programme du festival d’Avignon 2007 où nous avions présenté ensemble – dans le cadre du Sujet à Vif – La Descendance (sur un texte d’Hélèna Villovitch). Ensuite il y a eu, à Marseille, la splendeur de Monsieur Villovitch (ActOral 2007) (n’en déplaise à Cathy Bouvard, des Subsistances, c’était vraiment somptueux) et, à Paris, Hamlet dans ses deux versions : celle, « décorée », de La Villette (festival 100 Dessus Dessous, décembre 2007) et celle, « nue » ou « techniciens en grève », de la Ménagerie de Verre (Étrange Cargo, avril 2008). Les performances présentées tout au long de cette journée du dimanche 28 septembre à Bétonsalon (de midi à 20 heures) par Marlène Saldana sont donc des évocations refroidies, statuaires des rôles créés par Marlène Saldana dans ces spectacles. Elle court dans la poussière, la rose de Balzac ; La Descendance ; Monsieur Villovitch ; Hamlet. Auquel s’ajoute, sur ce même principe « arty », « galerie d’art », la reprise d’une chanson (« La chanson de Zidane ») écrite par Nathalie Quintane et enregistrée par Jonathan Capdevielle, tirée du spectacle Blektre tel que nous l’avons présenté ensemble à Marseille, Paris et Bruxelles. Marlène Saldana compte apparaître et disparaître de manière aléatoire tout au long de la journée dans l’espace de l’exposition. À noter que les fans de Marlène Saldana pourront ensuite retrouver Marlène Saldana cet automne dans le nouveau spectacle de Sophie Perrez et Xavier Boussiron, en province et, à Paris, à Chaillot. Des références dans la sculpture : Duane Hanson, Erwin Wurm, Gilbert et George, l’ange de la cathédrale de Reims, La Joconde.

Yves-Noël Genod, 19 septembre 2008.

(Photographies de Marc Domage, Monsieur Villovitch, Hamlet.)

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Une lettre et sa réponse

Bonjour,

J'ai vu votre adaptation de Hamlet, il y a quelque temps, à la Ménagerie de Verre.


J'ai alors été interpellé par ce spectacle, dans une double mesure: parfois la surprise et l'étonnement, parfois l'exaspération...
Chaotique, désordonné ; des trop claires références à Régy, parfois aussi difficilement insoutenables que chez lui...
mais au bout d'un certain temps, une certaine logique, une constante s'insinuait...
J'ai pu sentir, dans tout ce chaos, un mouvement, un rythme donc, des obsessions, une sincère empathie pour les acteurs, chacun jouant un rôle, une fonction bien particulière et personnelle.
Finalement, je me suis rendu compte que vous preniez Hamlet comme une sorte de départ, ou bien d'autres fois comme une certaine référence, plus ou moins connue, fantasmée, imaginée.


Et c'est bien cela, l'imagination : il y a l'imagination collective, cette idée de Hamlet, stéréotypée, superficielle et apparente, mais l'apparence « peut être le début de la vérité ». Et il y a surtout cette imagination personnelle, la vôtre, qui se nourrit de vous-même, qui rencontre les acteurs.

Difficile pour moi de dire si vous êtes très directif ou totalement libre vis-à-vis des acteurs avec qui vous travaillez, mais il me semble difficile de construire et élaborer un spectacle comme ce Hamlet sans une participation, sans une présence réelle de chacun de vos acteurs.


Cette démarche me semble alors très intéressante, et votre univers personnel riche et singulier. Ce spectacle possède finalement une signature personnelle, presque plus forte que celle de Hamlet, que celle de Shakespeare ; tout honneur à cet auteur fondamental et majeur, et qui fournit ce point de départ duquel vous vous emparez, et que vous faites propre, et que vous donnez aux acteurs qui, à leur tour, en font leur histoire personnelle. Une petite symphonie de théâtre.



C'est pour cela que je vous envoie ce mail pour vous proposer mes compétences de comédien, ou acteur (je préfère ce dernier terme, dans le sens de "acter").

J'ai une expérience professionnelle de plusieurs années, avec un travail pluridisciplinaire axé sur le Corps Global: voix (parole, chant), mouvement (énergie, danse, rythme). J'ai ainsi travaillé et travaille pour plusieurs compagnies de plateau (interprétation contemporaine et de recherche) et de rue, en danse contemporaine, percussions, échasses, et l'enseignement, avec un travail méthodique sur l'Art de l'Acteur, notamment à partir de certaines traditions et des pratiques d'investigation.

Je m'intéresse, par là, à toute expression contemporaine du théâtre, et votre travail se développe résolument sur ce terrain.
Vous pouvez voir les détails sur mon CV ci-joint.


En vous remerciant de votre attention, souhaitant la possibilité d'une future collaboration artistique,
Bon Travail.

Bien Cordialement,
Rodrigo Ramis












Je vous remercie beaucoup d'avoir pris la peine de m’écrire une telle lettre. Ça fait plaisir, d'autant que ce que vous dites est juste. Sur le directif ou la liberté des acteurs, c'est les deux à la fois – puisque je ne peux obtenir ce que je veux, 100 % de ce que je veux que si l'acteur est totalement libre – c'est à dire à 100 % dans le plaisir. (David Lynch, dans son livre récent, le dit aussi clairement que ça.) C'est le deal de départ, clairement énoncé : il faut que ça fasse plaisir – et finalement le fait qu'il y ait très peu d'argent, bien que nous le regrettions tous, aide en ce sens : les acteurs savent qu'ils ne sont là que pour ça : le plaisir – vu que gagner sa vie n'est décemment pas la motivation. Mais il faut alors être capable de la gagner ailleurs, ce qui est un problème, évidemment, et qui, pour nous, réduit le temps des répétitions au minimum. Ce qui fait – devoir travailler vite – qu'il n'y a pas de recherche, pas d'essai, qu'on est plutôt dans le « Je ne cherche pas, je trouve. » de Picasso – qui travaillait très vite, un chef d'œuvre par jour –, qu'on doit alors faire confiance à ses intuitions. La première chose qu'un acteur me montre est alors, en général, celle que je lui demande de refaire, parce qu'elle me plaît et qu'on n'a pas le temps d'aller voir ailleurs. Je dis aussi : « Ne faites que ce que vous savez faire. » C'est pas facile de retrouver une improvisation, une première fois, mais ça se travaille. C'est tout le travail (méthode qui a été valable pour tous mes spectacles pourtant très différents) qui consiste à recueillir cette qualité, cette « disponibilité », réimproviser en fait à chaque fois en gardant la forme (qui est mon travail à moi). (Je n'invente rien, c'est exactement l'art du théâtre, Bob Wilson : « Jouer, c'est improviser. ») L'exemple peut-être le plus visible dans Hamlet, c'est Lauriane Escaffre qui arrive au bout d'une heure avec sa valise de fringues et de chaussures et qui rejoue exactement l'audition qu'elle m'avait déployée si agréablement la première fois où nous nous sommes rencontrés (souvenirs de rôles déjà joués, bouts de pièces, changement de costumes, anecdotes de travail...) où elle se présentait sous différentes facettes, un peu superficiellement comme ça, puisque nous ne nous connaissions pas. Hamlet, c'est un ensemble de solos que j'ai superposés. Je pars demain pour un mois à Berlin enseigner et faire une pièce (qui sera présentée le 15 et 16 octobre) avec les étudiants d'une école de danse, je rentre le 17 octobre. Essayons déjà de nous croiser à partir de cette date si vous voulez.
Au plaisir en tout cas

Yves-Noël Genod


(Curieusement je n'ai pas pu ouvrir la pièce jointe de votre CV, mais c'est pas très grave.)

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