Wednesday, April 20, 2011

Les Garçons




Photos Elie Hay. Antoine Verbiese, Jonathan Capdevielle.

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D B – Niche fiscale de la sexualité

« Pourquoi vous dites « Je souffre » ? – Ben, disons, parce que… Je pense que… (Temps.) Ça m’ennuie. Je… Ça m’intéresse pas, en fait. Mais, heu, mais quand même, c’est mon histoire. Donc j’ai, donc j’ai… J’suis plus… Voilà. Je suis plus… Enfin, cette histoire de, de r’venir toujours vers les choses anciennes, ça joue vraiment là-dessus. C’est-à-dire, j’suis plus heureux avec des, avec des hétérosexuels, si c’est des hommes, et puis avec des femmes si j’y arrive… J’ai été un p’tit moment avec des femmes, mais… Et pourtant je suis narcissiquement à r'garder les garçons, par exemple. – Mm. – Alors, j'risque pas… En c’moment, j’me dis, mais comment j’vais pouvoir à nouveau rencontrer une fille avec laquelle je s’rai beaucoup plus heureux (autrement j'suis avec personne, mais) puisque je regarde les garçons, alors, ça, c’est vraiment un truc de, de… – Alors, moi, dans c’que j’ai, je, heu… Heu… Bon… J’ai pas réellement d’homosexualité chez vous. J’entends c’que vous m’avez dit, c’est pas l’problème. Mais, c’que j’ai, j’vais l'formuler autrement : c’est qu’y a beaucoup d’mémoires féminines – Oui. Oui, oui. – Mm. Et ces mémoires féminines, elles regardent les garçons. – Oui. – Ça, c’est clair. Parce que, leur croyance, c’était : les mecs, ils sont beaux ou pas. – Mm. – Comme, en plus, c’était des femmes qui étaient elles-mêmes dans de la beauté… Dans les couples anciens, c’était des mémoires de femmes chez vous qui ont été dans des couples d’images… C'est-à-dire, des femmes qui portaient une grande beauté et qui ont cherché des masculins pareils de façon à s’la jouer « couple idéal ». Voilà, on a une espèce de bazar comme ça, bon. Et ces énergies-là, elles sont toujours très, très présente chez vous. Il s’trouve que ces mémoires féminines se r’trouvent dans une sexuation masculine. Evidemment, c’est pas forcément ça, c’est parce que, elles, elles continuent de regarder les mecs, mais l’énergie elle-même, chez vous, elle est pas homosexuelle. Autrement dit, enfin, dans c’que j’ai chez vous, on est vraiment dans un couple hétérosexuel, à condition qu’ces mémoires de femmes autorisent, autorisent la présence de la femme réelle. Parce que, en même temps, elles sont jalouses, quoi. – Ah, oui, sans doute. – Ben, ouais. Elles veulent, elles veulent garder l’exclusivité d’ce corps-là, masculin. – C'est vrai, c'est ça. C’est peut-être, ouais… C’est peut-être… – Ouais, elles sont jalouses du corps, quoi. (Temps.) C’est comme si elles sont mariées à ce corps-là. – Mmmm. – Que’que chose d’cet ordre-là, elles en ont pris possession, quoi. – Mmm. – Et donc, du coup, elles laissent pas la place à une autre femme. Ceci dit, le reste de la structure est, pour moi, parfaitement hétérosexuelle. – Oui, oui. C’est comme ça qu’ je vois un peu cette bizarrerie dans laquelle je suis, ouais… – Ce n’est pas… Enfin, bon, j’le vois d’temps en temps… – Je l’ai dit tout à l’heure, je l’ai formulé, j’ai même écrit comme si j’allais en parler même sur scène : « Le gros problème, c’est que j’aime les filles, mais que je suis amoureux des garçons » Donc... – Voyez, c’est cette ambivalence-là. – Voilà, donc évidemment, y a une niche fiscale assez rare. – Moi, je vois de temps en temps des gens qui sont homosexuels, enfin, soit des hommes, soit des femmes, c’est pas cette énergie-là. Parce que l’énergie est calée sur une sexuation et un désir pour une sexuation. Vous, c’est pas l’cas. Moi, j’ai vraiment, comme ça, une présence hétérosexuelle et puis ces foutues mémoires de femme-là qui s’la jouent, parce que, qui s’la jouent, heu… « J’aime les beaux mecs ». – (Rire.) C’est exactement ça. (Rire.) – Ouais, bon, alors… – Qu’en faire ? (Rire.) – Qu’en faire ? Voilà, qu’en faire ? (Rire.) Absolument. Bon. – (Rire.) C’est exactement ça. – Heu… Vous pourriez un peu dialoguer avec elles et leur dire de vous lâcher un peu pour, heu, pour pouvoir rencontrer vraiment du féminin et d’leur expliquer qu’elles sont désincarnées, que, qu’elles ont plus d’corps et que… Alors, là, la difficulté, c’est ça, c'est que ces femmes-là, c’est aussi celles qui vous ont apporté l’talent. – Oui, voilà, c'est ça. – Et c’est pour ça qu’elles veulent pas lâcher. – Ouaisouaisouais. – Parce que, j’vous ai dit, au départ, c’est des mémoires de femmes qui sont là. Parce que les artistes de cour machin, c’est des femmes. – C’est des femmes ? – Ah ouais. – En vrai ou des, ou des hommes féminins ? – Non, en vrai. – Ah, oui ? Chez moi, chez moi ? Oui, d’accord. – Enfin, sur vous, c’est des mémoires de femme. – Y en avait beaucoup, des femmes, des artistes femmes ? – Oh, y en avait pas mal. – Ah, ouais, ouais, ouais. – Elles faisaient du clavecin, de la harpe, des choses comme ça, hein… – C’est très curieux… Ah, ouais, vous voyez vraiment ça clairement ? C’est-à-dire que c’est vraiment des mémoires féminines de, d’artistes, ouais, d’artistes féminines, féminins, c’est curieux… – Ouais. Qui ont été sur le culte de la beauté, du corps, de l’art, de l’amour, de la cour... – Ouais, ouais. – Enfin, tout y est passé et... Voilà. Le problème, c’est qu’ces mémoires-là vous donnent à la fois le talent… – Ouais. – Mais, en échange, elles vous disent : « Ben, ouais, t’as l’talent, mais trouve-moi un mec ». – Ouaisouais. (Rire.) – Alors que vous êtes pas hétéros… Vous êtes pas homosexuel, quoi, sur le fond. – (Rire.) Donc il faudrait arriver à dialoguer, ouais… – A dialoguer. – Un p’tit peu, là, à négocier. – A négocier pour leur dire : « Voilà, ok, merci pour l’talent. J’accepte de réorienter l’talent sur un mode moins narcissique et plus redistributif, mais quand même faut m’lâcher, heu, côté.... – De la vie privée. (Rire.) – Côté d’la vie privée. – Absolument. (Rire.) – Tout à fait. Et faut laisser v’nir une nana parce que j'suis fondamentalement hétérosexuel ». – Ouais. Ce s’rait bien, ouais. – Mais ça, ça s’négocie, ça, avec soi-même, c’est pas… Ou mettez-le en scène, si vous voulez, ça peut… – Ouaisouais. – Pour leur dire : « Ok, merci, mais ce corps-là est un corps masculin, point barre. – Ouaisouais, ouais. Tout à fait. (Rire.) Ouais, c'est vraiment... Ça s’négocie. Faut qu’j’m’y mette aussi. D’accord. – Parce que, moi, fondamentalement, chez vous… – Oui, je vois ça comme ça aussi, oui. Ouais. Ça m’ennuie. Ça m’ennuie… Je vois bien que qu’il y a d’autres gens qui sont pas, enfin, qui sont complètement homosexuels, qui sont très bien. – C’est parfait, ça pose pas d’souci. – Je vois très bien. Qu’c’est pas du tout mon cas. – Non. C’est pas du t… Non. (Temps.) C’est comme si ces mémoires de femmes, elles avaient pas compris tout à fait que elles étaient dans un corps masculin. – Elles s’en foutent ou elles ont, heu ? – Elles… C’est pas qu’elles s’en foutent, c’est qu’elles trouvent que c’est leur dû après tout c’qu’elles vous apportent comme talent. – Mais, ça, c’est pas le hasard non plus ? C’est-à-dire l’âme a ramassé un corps au masculin avec des mémoires féminines… – Oui. Non, c’est pas le hasard. Parce que la sexuation masculine est la condition pour que l’orgueil ne soit pas réactivé. Imaginez un instant ces mémoires féminines dans un corps féminin. – Un monstre, alors ? Monstrueux, non ? – Non, mais essayez d’imaginer, ça aurait donné quoi à votre avis ? – … – Ç'aurait fonctionné sur l’pouvoir d’la séduction. – Et… oui. Et ? – Et y avait pas d’possibilité d’redistribution. C’est-à-dire la sexuation masculine actuelle est l’écart différentiel pour les mémoires qui leur permet de, heu, briser la bulle de la courtisane pour retourner vers la redistribution. – C’est ça, c’est ça… – C’est la distance nécessaire… – C’est ça, c’est ça… – La sexuation masculine. – C’est ça. Un écart, ouais. Ouiouiouioui. Ouaisouaisouais. Oui, y a des écarts, en effet, qui s’font comme ça… – Y a des écarts – Avec la sexuation… J’ai travaillé avec un gamin, là, de onze ans. J’me suis intéressé à lui parce que il s’habille en fille depuis plusieurs années déjà. Il s'travestit, ouais. Un univers purement féminin… C’est très étrange quand les choses sont si puissantes… Il a qu’des copines, des poupées. Voilà. Beaucoup d’talent. Mais il est dans un… C’est très curieux, ouais… – Oui, vous avez rencontré quelqu’un qui peut être assez proche de ces mémoires aussi là. – Ouais. Ouais, ouais. Ben, oui, ça m’intéresse évidemment. – Ben, forcément. – Ouais. – Parce que c’est un lieu qui vous questionne. – Ouais. Ouais. Eh, ouais. Non, c’est vrai, vous avez raison, tout ça, c’est peut-être pas, c’est pas du hasard, ça paraît, en effet, une logique. – Y a une grande cohérence, dans tout ça. – Y a une… C’est ça qui, qui, qui apparaît, y a une cohérence, oui. C’est même effr… Pas effrayant, mais, c’est assez, assez stupéfiant finalement, ouais… Donc, c’est ça qui, qui est délicat, c’est de trouver le… Bon, alors, en r’pérant à peu près, heu… Qu’est-ce qu’i' reste comme possibilité de… C’est juste de, de, de pas être enfermé dans cette cohérence, mais de, oui, là, d’orienter cette, cette… – C’est-à-dire que cette cohérence, elle est mécanique. – Elle est mécanique, ouais. – Et donc, c’est l’intérêt d’la chose. Comme elle est mécanique, après, il y a la possibilité d’passer sa conscience pour réorien… – Pour faire du jeu là-dedans. – Pour faire du jeu là-dedans. Donc pour réorienter l’énergie dans une autre direction que les mouvements mécaniques. – Ouais, ouais, ouais. Exactement. Voilà. Très bien. Ouiouiouioui. Ouioui. Faut bien faire passer la conscience quelque part parce que on est équipé pour ça. – Ben, y a même que ça comme outil d’libération. Si vous en connaissez un autre, faut m'le dire, mais… Le reste, c’est quand même plus ou moins mécanique, par définition, ce qui est sans conscience, c’est mécanique. – Des fois, on peut mettre en doute la conscience elle-même. Si on… En fait, on n’a que ça, oui. – Mm. (Temps.) Voilà. Vous avez des questions ou c’est bon pour vous ? – C’est pas mal, là, hein, ouais. (Rire.) »

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