Journée ensoleillée dont j’ai la nostalgie. Je regarde la météo d’hier (sur Canal +) et je suis ému de tous ces soleils jaune citron, jaune poussin, jaune canari, jaune d’œuf (jaune télé, quoi…) Ce matin, mon ophtalmo m’a parlé de Just Jaeckin et de David Hamilton. C’était sexy. Je lui ai parlé du livre d’Aldous Huxley que m’avait prêté Yves Godin (mais que je n’ai pas lu) ou il décrit une méthode pour voir quand on n'y voit pas sans lunettes, jugeant les lunettes néfastes pour la santé de l’œil. « C’est atterrant. », m’a-t-elle dit. C’était avant de me parler de son ami Just Jaeckin. « Just Jaeckin, c’est qui déjà, qu’est-ce qu’il a fait ? –
Emmanuelle ! – Ah, oui, c’est vrai, je vois très bien, je n’osais pas être sûr… » Je crois qu’elle me faisait du gringue (plus inconsciemment que moins, je pense). Hier, j’ai dit à mon psy : « Je crois que la société, c’est la guerre civile. – Tu peux dire ça, mais une guerre civile soft, quand même… – Oh, pas tant que ça. » Et j’avais enchaîné sur cette réplique de
Grand et petit, la pièce de Botho Strauss sur l’Allemagne des années soixante-dix. Claude Degliame disait, dans la mise en scène de Claude Régy : « Nous n’avons plus la guerre. A la place de la guerre, nous avons ça ! Nous avons la poisse ! » Au cours, je retrouvais Claire Chazal et puis tout le monde. Quelqu’un dans le vestiaire dont je ne connais pas le nom m'a dit : « Tu nous ramènes le beau temps… », puis me parlait de ses parents qui venaient d’acheter une maison dans la Drôme avec piscine. Pour couper court (car lui aussi me faisait du gringue, je le sentais), j'ai dit : « Eh, bien, alors, devenons amis. Je sens que j’aime déjà tes parents ! » Au cours de danse, je me regarde souvent les dents dans les grands miroirs, on me laisse faire ; là, j’étais fasciné par ma pupille dilatée, on aurait dit des yeux de chats, deux soleil noirs. Je traversais Paris toute la journée en Vélib’. J’avais rendez-vous au Rond-Point avec Nicolas Roux qui, pour justifier de me payer soixante-cinq euros, me donna les salaires de Nicolas Bouchaud, Stanislas Nordey et Sophie Marceau, 6500 euros, dans ce dernier cas. C’est vrai, c’est pas beaucoup (l’argument porta). Il faudrait donc considérer le théâtre du Rond-Point un peu comme le Royal Court à Londres, un endroit où les stars viennent travailler pour rien. Je m'étale un peu sur Sophie Marceau – oubliant tout le reste, par exemple la fin d'après-midi chez Sylvie* et Marcus au téléphone qui m'a pris pour son père – parce que, plus tard, c’est-à-dire tout à l’heure, je l’ai retrouvée. Robert Cantarella m’avait invité à voir la pièce de Philippe Minyana que met en scène son ex-toujours-compagne Florence Giorgetti où joue Nicolas Maury et, dans le hall du théâtre, qui c’est que voilà ? Sophie Marceau et Christophe Lambert ! Il y avait très peu de gens dans la salle. C’était aux Abbesses. Je pensais que, moi aussi, j’allais jouer au Rond-Point devant dix personnes, mais il y avait – comme au Rond-Point – Sophie Marceau ! Tout le monde était adorable à la sortie de cette pièce et, même, déjà aux saluts où les acteurs avaient de grands sourires, je voyais que tous ces gens sur scène étaient, en fait, très sympathiques, peu prétentieux, modestes et passionnés. Florence Giorgetti était littéralement adorable dans le hall et venait avec un visage si ouvert, un tel sourire, un soleil qu’il était absolument impossible de ne pas le lui rendre ou même d’émettre la moindre réserve, ç’aurait été une telle faute humaine, une misère, c'était visiblement un sourire de star. Je pense même que si Philippe Minyana avait été dans le hall après, lui-aussi, nous serions devenus amis. Mais il n’y était pas et ce n’est donc pas encore cette fois-ci que nous le sommes devenus. Je ne sais pas à qui je pourrais conseiller d’aller voir sa pièce,
Les Rêves de Margaret, qui n’est absolument pas agressive, cela dit, juste modeste et pas assez mal montée pour que cette modestie en devienne (à mon sens) intéressante. J’ai entendu Robert Cantarella dire à un acteur qu’il fallait jouer encore plus « nul » (« rien »), dans le sens encore plus « déceptif ». Oui, je suis d’accord, peut-être alors. Quand on ne crève pas le plafond, on peut encore espérer crever par le fond. (Qu’est-ce que je dis là ?) Mais le théâtre est forcément tellement bien poli, tellement sclérosé. Pour arriver au théâtre de la Ville, il y a tellement d’étapes mortifères qu’on ne peut quand même vraiment pas en vouloir aux artistes – comment voulez-vous ? Les artistes au moins sourient. Oui, mais, mais car il y a un mais, le mais de cette journée de presque mai : la soirée était sublime à cause d’un acteur sublime absolument, il s’agit de Nicolas Maury qui crève par tous les bouts et le sol et le plafond car il est absolument à son affaire. Je l’avais vu, il y a quelques temps, une première fois dans
L’Eveil du Printemps, de Frank Wedekind, un texte absolument sublime, lui et le texte étaient sublimes. Ici, le texte, bon, ne l’est pas et lui le reste. Voilà. L’annuaire, je vous dis. C’est un texte, celui de Minyana, où il n’y a que trois-quatre répliques genre « Passe-moi l’sel. » Eh, bien, lui, Nicolas Maury, on ne sait jamais comment il va les dire, c’est absolument surprenant à chaque fois. On rit tellement ça fait plaisir, la surprise… C’est la vie, mais quel talent ! Il est butoh, dédié à son art à ce point. (Ça, je l’avais déjà dit). Et dans les mouvements, les compositions, c’est pareil, tout est surprenant, dangereux même, simplement parce que tout est extrêmement bien fait sans arrière-pensée, sans inconscience (ce n’est certes pas dangereux pour ses partenaires, il doit les aider beaucoup). Il est dans des métamorphoses permanentes, je ne sais pas si, ce soir, il a joué plusieurs personnages ou un seul, on le reconnaît toujours et il n’est jamais le même, c’est invraisemblable comme ce type – cœur sur la main, qui plus est, bien entendu – a du génie. J’ai dit devant Robert Cantarella (qui se le garde en sociétaire depuis des années, si j’ai bien compris) que je ne comprenais pas qu’il ne soit pas déjà devenu une star, que c’est ce que j’avais tout de suite perçu avec Jonathan Capdevielle (il y a huit ans lors de mon premier one man show dont il était l’invité) et, maintenant, c’est arrivé pour Jonathan et c’est pas fini, mais c’est arrivé, justice de ça, mais, Nicolas Maury, ça ne peut être qu’une question de secondes. Je suis reparti à pied avec Catherine, puis en Vélib’ dans l’air liquide de la réconciliation nationale. A l’arrivée, la très belle Rama Yade disait au « Grand Journal » : « Entre le camp de la peur et celui de l’espérance, ce sera le sujet à trancher », pour commenter le fait que le quart de l’électorat prédisait voter Le Pen. Un électeur sur quatre ! Elle disait aussi : « Le Front National est devenu (comme je l’avais remarqué moi aussi en Suisse) l’arbitre de notre démocratie. » Et Jean-Michel Aphatie lui a dit que c’était elle, son commentaire, qui était, de toute la classe politique, le plus virulent contre Nicolas Sarkozy, l’échec de Nicolas Sarkozy. Bien sûr, elle s’en est défendue puisqu’elle fait partie du parti présidentiel. « Ce n’est pas une question de personne », disait-elle, et c’était comme si elle ne pouvait pas s’empêcher de parler vrai. Ce qu’elle disait prenait une résonance à cause de ces sondages, du fait qu’elle était noire, de la journée de la femme aussi, de sa beauté, du fait qu’elle avait critiqué en son temps la venue de Kadhafi en France et du fait que, la veille, Bernard-Henry Lévy avait dit que ce devrait être elle, la ministre des Affaires étrangères, pas Alain Juppé qui s'était mal illustré dans ce poste, une première fois, au moment notamment de la Bosnie.
* Sylvie Coudray, La nouvelle Athènes, l'atelier de coiffure.
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