Tuesday, July 19, 2011

La Beauté

Collection Yvon Lambert






































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Le Rendez-vous du monde réel

« J’ai lu tellement d’vers – et particulièrement des vers du XVIIième, des vers soit-disant galants –, j’en ai trouvé trois-quatre de bons sur des milliers, n’est-ce pas ? Y a très peu de légèreté chez l’homme, il est lourd, n’est-ce pas ? Et alors, maintenant, il est extraordinaire de lourdeur. Depuis l’auto, l’alcool, l’ambition, la politique l’ont rendu lourd, encore plus lourd. Ce qui fait qu’écrire des livres est extrêmement lourd. Nous verrons p’t-être un jour une révolte de l’esprit contre, contre, contre le poids ! n’est-ce pas ? Mais c’est pas pour demain ! Pour le moment, on est lourd. Alors. Bon, ben. J’veux dire, en effet, si j’avais à mourir, j’écris : « Il était lourd », voilà, c’est tout. Oh, ils étaient méchants, etc. parce qu’ils étaient lourds, n’est-ce pas ? Ils étaient lourds… Ils étaient lourds-jaloux d’une certaine légèreté. Ils sont jaloux comme est jaloux une femme qui porte un coutil, n’est-ce pas ? contre celle qui porte… vêtue d’dentelle, comme celui qui a un percheron contre un pur-sang. Jaloux d’être lourd, n’est-ce pas ? c’est tout. Infirmes. Ils pèsent, ils sont infirmes, n'est-ce pas ? La lourdeur les rend infirmes. Par conséquent, on peut se méfier d’eux. Ils sont prêts à tout. Oh, oui, prêts à tout. Et pour activer encore la lourdeur, ils boivent. Alors, quand ils boivent, c’est des marteaux-pilons, n’est-ce pas ? C’est effrayant, n’est-ce pas ? Et des marteaux-pilons sans contrôle. Oui, c’est surtout ça qu’ils ont. Ils activent, ils augmentent leur poids au lieu de se rendre légers. Ah, ils sont pas du côté d’Ariel, ils sont de plus en plus Caliban, de plus en plus. »

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Comment il faut écrire

«Où est l'Eternel [en cours]



Dans le Livre des rois elle désigne un verset,
je me suis fracassé le cubitus contre un rocher sous-marin,
Camille m’a garrotté le poignet avec un linge pudique,
tant d’algues s’étaient infiltrées dans le maillot de bain,
les sardines martégales,
le sang battu par les vents,
la petite frappe les eaux chaque jour,
le dernier jour seulement nous contemplons la discrétion des poissons à découvert dans l'onde transparente,
dans quelle décoction trempe-t-elle le linge,
elle répond par La Flûte enchantée à la musique barbare des voisins,
je suis comme une anguille, je me faufile de partout dit-elle,
commente abondamment les frondaisons merveilleuses d’une plante verte à la fenêtre,
il fait nuit quand la petite éolienne tourne folle,
le parement de nos vies égaye les conversations,
souvent je réponds par des silences,
pour dessiner une cerise elle prendrait un dé à coudre, une pomme un verre,
Josiane,
je veux mon Opium dit-elle, Opium c'est le chien, il a sept ou quatorze ans, c'est selon,
elle hurle le jour où elle ramasse un mégot dans la cour,
ce fut une maison de maître, vingt-cinq ans dans vingt mètres carrés,
six doses de produit pour venir à bout des traces de doigt sur les placards mélaminés de la cuisine,
et les carreaux comme ceux du métro parisien mais étrangement immaculés,
le fond des casseroles trentenaires étincelle de vinaigre,
elle se souvient de l'italien,
me parle de mes jambes,
attend le facteur,
consulte les pierres magiques sur la table en formica »

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Notes sur Avignon

Les spectacles de Boris que je n’ai pas vus sont ceux dont j’entends dire le plus de bien. Régi et Enfant. Et je le crois. Je crois que Boris est le plus fort quand il utilise des machines. C’est ce que j’imagine (je fais le lien entre ces deux spectacles). Ou peut-être que, de ceux que j’ai vus, je n’écoute pas ce qu’on m’en dit (puisque je sais ce que j’en pense).

Impossible d’aller voir le spectacle de Pascal, Clôture de l’amour : j’en ai tellement entendu parler que je n’ai plus de lien (de désir). J’attendrai l’automne et la possibilité d’être « perdu à Paris » (puisque Paris est, pour moi, une ville de perdition) pour retrouver le goût d’une salle de théâtre pour ce spectacle de mon ami Pascal, avec mon actrice préférée Audrey et cet ami renouvelé Stan…

Marlène et Jeanne ont découvert – grâce à cette commande de la vingt-cinquième heure – qu’elle n’avait pas du tout envie de travailler ensemble. Les gens ne savent pas qu’ils pourraient se perdre. Jeanne cherche désespérément à se perdre, en ce moment, avec l’aide de l’amour, mais aussi de la psychanalyse. Marlène cherche aussi à se perdre, avec l’aide du théâtre. Quant à se perdre ensemble, non, elles ont au moins découvert qu’elles n’en ont pas la moindre envie. J’ai l’impression que mon travail est aussi détruit de cette manière. Parce qu’on ne me donne plus d’argent, mais aussi parce qu’on charge les acteurs avec lesquels j’ai travaillé de travaux performatifs dont ils ne sont pas capables. On sépare tout. La réalité, c’était de travailler ensemble.

Je parle avec Laurent. C’est toujours le seul événement. Tout le monde est mondain, tout le monde est politique, sauf Laurent qui est au travail. Pourquoi lui seulement ? Est-ce une question de chance ? Pourquoi, en France, seule Valérie travaille ? J’ai l’impression d’avoir une chance infinie. Peu par rapport à celle de Laurent ou à celle de Valérie, mais infinie par rapport à celle des autres, suspendus entre deux eaux, se raccrochant aux branches…

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Merci pour la place.

J'entends beaucoup parler de ton spectacle et ça m'épuise, je dois dire. Je préfère attendre que l'hystérie se décante un peu et le voir à Paris dans de bonnes conditions. La polémique, c'est tout ce que je hais, à Avignon (et, comme tu le sais toi-même si bien, il y en a tant que j'aime – tant de bonheurs – à Avignon...) Traversez bien ce moment fort, du mieux que vous pouvez. Je pense beaucoup à vous (particulièrement à Audrey...), mais ne veux pas rentrer dans ce jeu. Dire « Je n'ai pas vu. » est une façon de me protéger et de protéger votre spectacle. C'est souvent celle que je trouve la plus efficace. J'ai lu ton texte, un matin, il y a quelques jours, dans cette librairie près de chez moi et je le trouve magnifique.

Ton immarcescible admirateur

YN

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