Friday, May 07, 2021

T u en as une grande


Excuse-moi, Bartho, j’ai encore oublié la phrase (que j’aimais tant), quand la voiture va dans la neige, elle s’enfonce dans un matelas comment ?

Yves-No


Salut Yves-Noël, 

Du coup c’était : 

« La voiture évitait in extremis le ravin du premier lacet et s’engouffrait dans le bas-côté. Elles s’enfonçait dans la poudreuse comme dans un matelas usé. » 

A la prochaine ! Bien à toi, 

Bartho 


Oh, le matelas usé ! Génial !

A bientôt, amuse-toi (tu en as une grande, de capacité de t’amuser, semble-t-il, démultiplie-là encore !)

Yves-Noël 


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Q ualité des métamorphoses


« Ce qui dans notre époque est différent, c'est peut-être le rythme et la profondeur des métamorphoses. Qui seraient plus stroboscopiques et superficielles, plus paillettes pour ainsi dire. Et par conséquent moins chargées de sens. »

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L e Matériau à réécrire


Et comment vas-tu toi, comment va ton cœur, et ton âme ? Nous parlerons de ton corps dans l’avenir


Ahah. Eh bien, eh bien, cœur, âme, beaucoup d'errance... mais que tu sois capable de travail entêté (« opium qui engourdi l'âme » selon Flaubert), c'est-à-dire de vivre, au moins toi, me calme et m'apaise


Oui, je travaille, voici les pages sur lesquelles je travaille en ce moment à la réécriture de mon roman, la réécriture c’est un opium, donc une jouissance comme le sait Flaubert. Toi  tu es christique, tu n’as pas besoin de travailler pour être. Presque christique, veux-je dire !


Tiens, le livre que je termine se finit au Louvre, c'est-à-dire avec comme des fragments de ton livre à toi ! Exemple : 

« Le major n'écoute pas.

Tout simplement, elle se rince l'œil. Fragonard, Boucher, surtout Boucher. Diane au bain, pose sa flèche, couvre ses seins. Odalisque enfoncée dans les coussins, quel oh, quelle onctuosité la peau de ses fesses ! »


Olala, c’est quoi, ce livre ? Je viens de recevoir aujourd’hui mon contrat des éditions du Seuil pour mon prochain livre sur la paternité de Rembrandt et ses pulsions de peinture. Champagne, ce soir


C'est celui que tu corriges ? Celui que j'ai lu (2 fois), c'est Céline Minard, Le dernier monde


Oui, que je corrige


Excitant ! Tu me donneras peut-être à lire ton manuscrit un jour, pour que je comprenne un peu mieux cette activité de changer un mot pour un autre, « vé-cul » par « passé », « une pénis-che » par « un vaisseau »... (Je suis d'accord en tout cas pour ces deux changements.) Bon vin !


Je pourrais parler des heures et des heures de ce que c’est que le travail de la réécriture j’en suis absolument fou et même obsédé c’est une jouissance sans fin, Je me suis même demandé à une époque si je n’écrivais pas uniquement pour créer un matériau à réécrire


Je vois. Je t'aime 




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C onstruction avec du langage


« Et, oui, je pense que la nature  — pour nous le monde — est une construction avec du langage. Un mixte de réalité-qui-résiste et de langage. Du langage vu comme une distance par rapport aux choses et une propension au mensonge. Plutôt que « être, c'est être perçu » ce serait : être c'est être raconté à partir d'une perception, déjà à moitié claudicante, par un menteur polymaniaque sans inhibition. Et bien sûr, c'est lui, le menteur, qui perçoit le mieux le monde et le « rend » le plus fidèlement !

Une rivière, par exemple, il faut bien qu'elle ait, quand on la raconte, quand on veut en rendre compte, une allure de rivière, une matière de rivière, une force ou un flux de rivière. Et pour ça, il est beaucoup plus exact, précis, efficace, d'inventer une histoire longue comme le jour qui mêle trois mille personnages et autant de péripéties, qui brasse très large et pompe dans les nappes phréatiques de l'imaginaire, plutôt que de compter les gouttes en les détachant une par une. En fait, plus la mythologie est riche et bariolée et plus la rivière est une vraie belle rivière. Nous pouvons enchanter le monde en parlant bien. »


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« Je constate chaque jour qu’on part de très, très loin, et que la route est très, très longue ; heureusement que le paysage est beau, quoi… »

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L e Quadragénaire américain


« Une question idiote, typiquement masculine : Avez-vous conscience d'avoir bien plus de style que la plupart de vos collègues masculins ? En France tout du moins. Trouvez-vous choquant que cela étonne encore, les critiques comme les lecteurs, de se trouver face à une femme qui a du style, de la morgue, autant de répondant et de vivacité dans sa manière d'écrire ?

— Ce dont j'ai conscience, c'est de faire un truc complètement libre. Je me fous complètement d'être une femme ou un homme. D'écrire de la SF ou du roman ou de la poésie. D'être hors norme ou pas. Si cela étonne les lecteurs, que je ne sois pas un quadragénaire américain, je m'en réjouis. Parce que je suis aussi un quadragénaire américain ! Parce qu'on peut être tout un tas de gens. Et s'emparer de tout style et tout histoire et tous genres. Ce qui étonne toujours (et souvent dérange), c'est la liberté. C'est la permission qu'on se donne. Et je ne vois pas pourquoi je ne m'en donnerais qu'un peu ! »

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L e dernier Monde


Vous savez, cette sensation, avec les livres contemporains (laissons de côté les journaux) : ils ne parlent pas de la bonne chose (et puis aussi cette sensation avec les livres anciens, les classiques : ils parlent de la bonne chose) (mais les contemporains : ils ne parlent pas de la bonne chose), eh bien, le livre de Céline Minard, lui, c’est justement la sensation inverse : il parle de la bonne chose. Immense, immense plaisir : le mois de mai, vous l’effacez, il recommence, vous l’effacez, il recommence… Les mots sont là, ils vous rétament, ils vous rappellent... bref, en un mot : ils vous sauvent ! Mais, en vous humidifiant, vous, ils sauvent aussi l’humanité ou peu importe. L'humanité OU PEU IMPORTE. Le dernier homme. Animal parmi des milliards, seul de son espèce. C'est une hypothèse. Plusieurs âmes. Dans le livre, il y a souvent cette phrase (ou une autre du même acabit) : « Ne me regarde pas comme ça, je dis juste ce que tu ne veux pas penser ». Oui, les livres servent à ça (ou pas) : dire ce qu’on ne veut pas penser, ils multiplient les âmes, me dire, à moi, ce que je ne veux pas penser.

Vous savez, on ne lit pas les mêmes livres que les autres.

Et ce dernier homme n’est pas une femme parce que, sinon, elle aurait pu s’« enfiler des éprouvettes de sperme congelé dans l’utérus » et tout reprendre. Mais, non, c’est vraiment le dernier, l'infiniment dernier...

Céline Minard, probablement l’auteur majeur de sa génération. Je ne dis pas  « autrice » parce que ça a (encore) l’air de dire : « parmi les femmes » (et je ne suis pas misogyne). N'a pas écrit qu'un seul livre ; d'ailleurs tous différents, paraît-il. Joie : il me les reste. Mais celui-ci, que je lis lentement pour la deuxième fois, je n'en suis pas encore quitte, bible de chevet. « I am the river », « Je suis la rêverie » me disent ses derniers mots...