Sur toutes les photos que j’ai prises avec Legrand, j’ai l’air d’une folle, échevelée, dans une espèce de fausse jeunesse, de jeunesse éperdue...
J’étais émue que cette femme que j’avais connue toute ma vie, dans différentes jeunesses, soient maintenant devenue si vieille. J’aimais particulièrement les mourants, les près de la mort, c’était un tel exploit, une telle jeunesse plus profonde encore. Je la reconnaissais et je l’aimais, et, ce que j’aimais, oui, c’était son physique, son incarnation
Qu’elle vive encore longtemps !
On les avait enfin changés de maison de retraite, oncle et tante, c’était une horreur où ils étaient. C’est le jour et la nuit, les maisons de retraite, je commence à en avoir l’expérience. Celle où était ma mère était merveilleuse — oui, merveilleuse — et, comme je ne connaissais que celle-là, je croyais que c’était la règle, mais celle de Morlaix était affreuse, un mouroir. Quand la question s'était posée, le médecin en avait proposé une autre, mais où il n’y avait plus de places, on avait décidé dans l'urgence de la plus près. Deux ans. Ça avait été comme pousser mon oncle et ma tante dans une pente très pentue… Maintenant, c’est trop tard pour rattraper le temps perdu. Mais c'est toujours trop tard. Mais la nouvelle maison de retraite est merveilleuse. C’est très difficile d’en dire plus, pourquoi le bien, pourquoi le mal. Le psychiatre Jean Oury se battait contre ce qu’il appelait la « névrose institutionnelle ». Il suffit de pas grand chose et c’est l’enfer, de pas grand chose et c’est le paradis. La faute de qui ? Ou alors on ne croit en rien. Mais je crois au paradis et je crois à l’enfer. Si on ne croit en rien, alors on ne croit en rien. Mais si l’on croit en qqch…
Et puis j'entends ce matin une émission où l'on pose à l'interviewée, une musicienne, la question rituelle de Jacques Chancel : « Et Dieu, dans tout ça ? » et j'entends : « Et puis comme Spinoza disait finalement, Dieu n’a pas créé le monde il est le monde, donc nous sommes dedans »
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