Sunday, February 11, 2018

G ertrude


« Donc dans la perspective même du sujet, du prince Hamlet, ce désir de l’Autre, ce désir de la mère se présente essentiellement comme un désir qui — entre un objet éminent, cet objet idéalisé, exalté qu’est son père et cet objet déprécié, méprisable qu’est Claudius, le frère criminel et adultère — ne choisit pas. 
Elle ne choisit pas en raison de quelque chose qui est présent comme de l’ordre d’une voracité instinctuelle qui fait que, chez elle, ce sacro-saint objet génital de notre récente terminologie se présente comme rien d’autre que comme l’objet d’une jouissance qui est vraiment satisfaction directe d’un besoin. 
Cette dimension est essentielle, elle est celle qui forme un des pôles entre lesquels vacille l’adjuration d’Hamlet à sa mère. Je vous l’ai montré dans la scène où confronté à elle, il lui lance cet appel vers l’abstinence à ce moment où, dans les termes, au reste les plus crus, les plus cruels, il transmet le message essentiel que le fantôme, son père, l’a chargé de transmettre. Soudain cet appel échoue et se retourne : il la renvoie à la couche de Claudius, aux caresses de l’homme qui ne manqueront pas de la faire, une fois de plus, céder. »

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L 'Envers d'un message


« le sujet n’est en quelque sorte que l’envers d’un message qui n’est même pas le sien » 

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O phélie (en pensant à Audrey)


« Naturellement je ne vais pas relire le rôle d’Ophélie, mais ce personnage tellement éminemment pathétique, bouleversant, dont on peut dire que c’est une des grandes figures de l’humanité, se présente comme vous le savez sous des traits extrêmement ambigus. Personne n’a jamais pu déclarer encore :
— si elle est l’innocence même qui parle ou qui fait allusion à ses élans les plus charnels avec la simplicité d’une pureté qui ne connaît pas de pudeur,
— ou si c’est au contraire une gourgandine prête à tous les travaux.
Les textes là-dessus sont un véritable jeu de miroir aux alouettes, on peut tout y trouver, et à la vérité, on y trouve surtout un grand charme où la scène de la folie n’est pas le moindre moment. La chose en effet est tout à fait claire.
Si, d’une part, Hamlet se comporte avec elle avec une cruauté tout à fait exceptionnelle qui gêne, qui comme on dit, fait mal, et qui la fait sentir comme une victime, d’autre part on sent bien qu’elle n’est point, et bien loin de là, la créature désincarnée ou décharnalisée que la peinture préraphaélite que j’ai évoquée, en a faite. C’est tout à fait autre chose.
À la vérité on est surpris que les préjugés concernant le type, la nature, la signification, les mœurs pour tout dire de la femme, soient encore si fort ancrés qu’on puisse, à propos d’Ophélie, se poser une question semblable.
Il semble qu’Ophélie soit tout simplement ce qu’est toute fille, qu’elle ait ou non franchi — après tout nous n’en savons rien — le pas tabou de la rupture de sa virginité. La question me semble n’être pas, d’aucune façon, à propos d’Ophélie, posée.
Dans l’occasion il s’agit de savoir pourquoi Shakespeare a apporté ce personnage qui paraît représenter une espèce de point extrême sur une ligne courbe qui va, de ses premières héroïnes filles-garçons, jusqu’à quelque chose qui va en retrouver la formule dans la suite, mais transformée sous une autre nature.
Ophélie, qui semble être le sommet de sa création du type de la femme, au point exact où elle est elle-même ce bourgeon prêt d’éclore et menacé par l’insecte rongeur au cœur du bourgeon. Cette vision de vie prête à éclore, et de vie porteuse de toutes les vies, c’est ainsi d’ailleurs qu’Hamlet la qualifie, la situe pour la repousser :
— « Vous serez la mère de pêcheurs ! » [« Why wouldst thou be a breeder of sinners ? » ( III,1)] »

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L e Sens de ce qu’Hamlet apprend par son père


« Le sens de ce qu’Hamlet apprend par ce père, c’est là devant nous, très clair : c’est l’irrémédiable, absolue, insondable trahison de l’amour. De l’amour le plus pur, l’amour de ce roi, qui, peut-être, bien entendu, comme tous les hommes, peut avoir été un grand chenapan, mais qui, avec cet être qui était sa femme, était celui qui allait jusqu’à « écarter les souffles de vent sur sa face » [« That he might not beteem the winds of heaven visit her face too roughly. » ( I, 2 )], tout au moins suivant ce qu’Hamlet dit. 
C’est l’absolue fausseté de ce qui est apparu à Hamlet comme le témoignage même de la beauté, de la vérité, de l’essentiel. Il y a là la réponse : la vérité d’Hamlet est une vérité sans espoir. Il n’y a pas trace dans tout Hamlet d’une élévation vers quelque chose qui serait au-delà, rachat, rédemption. »

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S ous un certain éclairage du miroir


« Remarquons quand même que si Hamlet… qui, je vous l’ai dit, n’est pas ceci ou cela, n’est pas un obsessionnel pour la bonne raison d’abord qu’il est une création poétique. Hamlet n’a pas de névrose, Hamlet nous démontre de la névrose, et c’est tout autre chose que de l’être »

« quand nous nous regardons dans Hamlet, sous un certain éclairage du miroir »

« une des fonctions du désir, la fonction majeure chez l’obsessionnel, c’est — cette heure de la rencontre désirée — la maintenir à distance, l’attendre » 

« « Erwartung », « l’attendre » au sens actif c’est aussi « la faire attendre ». Ce jeu avec l’heure de la rencontre domine essentiellement le rapport de l’obsessionnel »

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L 'Interview


Nadia a pensé à nous aujourd'hui en voyant cet interview de Gérard Depardieu en Suisse.
Enfin, il ne fait que répéter tout ce que tu t'épuises à me répéter dans le travail depuis le début. 
Ça va finir par rentrer ! Il le faut... J'espère que mon inconscient l'entend, ça. 
T'embrasse 

Bien sûr, ça va finir par rentrer ! It’s only a movie ! Mais il faut bien le faire — donc te brancher sur des exigences de profondeur qui te dépassent (et dépassent tout le monde), c’est là, l’intérêt… Donc évidemment, ça veut dire qu’inconsciemment, il faut peut-être que tu acceptes d'être un génie — ce qui évidemment crée une certaine solitude. Avant de rencontrer d’autres génies, comme ça court quand même pas les rues (ça se saurait), il paraît qu’on peut se sentir bien seul... Mais c’est chouette de jouer à être un génie ! Tu es acteur, après tout. Là, il n’y a pas de doute. A un moment, tu peux peut-être comprendre que tu n’as pas forcément besoin d’être un génie pour jouer à en être un… Et, peut-être que, ça, d’ailleurs, tu l’as déjà compris… Bref, trouve la joie dans des choses difficiles ! Ça qui est excitant. Et, ces choses difficiles, je m’amuse à te les proposer (car je m’amuse à te coacher) parce que, bien sûr, je fais confiance à mon intuition qui m’a assuré que tu pouvais aisément t’en charger. Je suis moi-même assez effrayé de ma folie — plus j’avance dans la dramaturgie —, mais, que veux-tu ? on se fait confiance, c’est le genre de la maison… (Et, à vrai dire, je suis plus excité qu’effrayé.)
J’ai mis sur mon blog l’extrait de David Lynch dont je te parlais et je regarde l’interview…
Bisous, à demain, have fun, mais du vrai fun, du vrai de vrai fun profond et animal (sensuel) ! Quelques cauchemars, ce n’est rien, tu n’en as même pas besoin ! Les cauchemars sont dans la pièce, toi : tu les joues !
Yvno

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N ous entrons dans l’âge de fer


« William Shakespeare a écrit le drame dans lequel nous avons vécu ces quatre derniers siècles. Il est l’auteur de la tapisserie de cet âge du monde. A chaque âge correspond la prédominance d’une caste, c’est-à-dire la domination d’un type d’hommes. A l’âge d’or, avant l’Histoire, correspond la prédominance de la caste des brahmanes (les prêtres). A l’âge d’argent, qui commence en gros à la plus ancienne date de l’Histoire et va jusqu’au XVIe siècle, correspond la prédominance des ksatriyas (les guerriers). A l’âge de bronze, qui commence au XVIe siècle, correspond l’accès au pouvoir des vaisya (les commerçants). Shakespeare n’était ni un prêtre ni un guerrier, c’était le plus noble des commerçants. William le Vaisya a écrit le drame de l’âge de bronze.
Shakespeare est fils de gantier-bonnetier. C’est parce que c’est un fils de commerçant qu’il est capable de comprendre quelque chose que les autres dramaturges élisabéthains ne comprennent pas. Shakespeare est capable de comprendre les motivations de l’autre. C’est une des qualités propres à la caste des commerçants, et c’est une qualité réelle. Les commerçants sont les grands psychologues : ils savent qu’ils ne doivent jamais voir l’autre comme un ennemi mais comme une personne avec qui ils pourront « négocier ». Ce sera la « constante » des grands artistes de l’âge de bronze : Shakespeare, Balzac, Dostoïevski, Renoir, Welles… On le voit aujourd’hui dans les séries télévisées et leurs personnages d’une incroyable profondeur. Ce n’est pas étonnant que les deux références permanentes des auteurs de séries TV soient Shakespeare et Balzac : Balzac pour les scénaristes du type David Chase ou David Simon ; Shakespeare pour Joss Whedon ou Tom Fontana. 
On se souvient que c’est le reproche que formule Carl Schmitt, obsédé par la définition de l’ennemi, à Shakespeare dans Hamlet et Hécube : Hamlet ne prend pas de décision claire, Hamlet ne tranche pas. Mais on peut même dire que c’est ce qui définit la poétique shakespearienne : celle d’une vision de l’humanité « qui ne tranche pas ». Dostoïevski non plus ne « tranche pas » dans ses romans. Il laisse parler ses personnages au point où on a l’impression que chaque point de vue pourra toujours finir par l’emporter, même si tous finalement sont élevés dans une ascension unifiée où toutes les perspectives s’équilibrent. Les chefs d’œuvre de l’âge de bronze sont des œuvres d’unifications de ce qui est initialement séparé : par l’apocatastase chrétienne chez Dostoïevski ; par l’élaboration hermétique chez Shakespeare ; par l’image de la ronde cosmique chez Fellini ; par l’intégration eschatologique chez Damon Lindelof.
Shakespeare est le premier écrivain à mettre le pied sur la planète de l’amour-destruction, l’amour propre à l’âge de bronze. L’amour courtois, c’est l’amour de l’Age d’Argent : le « complément » initiatique  de l’éducation du chevalier, depuis les romans de la table ronde jusqu’à la Vita Nova de Dante. Mais ce n’est pas ce qui se joue à l’âge de bronze. Ce qui se joue à l’âge de bronze, c’est l’évaluation marchande de l’amour selon les lois de l’offre et de la demande : amour quantitatif, libertinage, débauche, mariage d’argent, d’intérêt, etc. Face à ça, pour rétablir au prix fort la puissance transformatrice de l’amour, certaines personnes ont dû inventer l’amour-destruction ou, pour parler comme Shakespeare, le sick amour, soit un amour réversible et dangereux, qui tourne toujours peu ou prou à la haine, mais qui échappe au libertinage et reste intense. Cet amour, Shakespeare ne va pas seulement l’écrire dans lesSonnets, où il se partage entre le jeune homme et la « Dark Lady ». Cet amour, Shakespeare va l’écrire dans toutes ses pièces : des comédies pre-screwball où les amoureux passent leur temps à se disputer (La mégère apprivoiséeBeaucoup de bruit pour rien) jusqu’aux tragédies où les amants s’entredéchirent : OthelloAntoine et Cléopâtre. En fait, Béatrice et Bénédicte et Cléopâtre et Antoine sont les mêmes personnes mais regardées différemment. Il n’y a qu’un seul amour dans toutes les pièces de Shakespeare et c’est le sick amour.
Le sick amour, l’amour de l’âge de bronze, est tellement horrible que Shakespeare en vient à être exaspéré par sa propre obsession. Dans son avant-dernière pièce, le Conte d’Hiver, il veut vraiment en finir avec cette connerie et fait de Léontes, son Roi, un jaloux absolu, délirant l’adultère de sa femme Hermione. C’est presque une parodie de la jalousie de Othello : une parodie grotesque… Mais cette parodie affreuse est contrebalancée par une étincelle de lumière qui rappelle l’Age d’Or : la possibilité que, dans toute cette horreur, il y ait des instants de grâce, des sourires, des complicités éphémères d’une telle puissance, d’une telle poésie, que ces instants ne justifient pas mais expliquent l’horreur qui a pu suivre… Cette étincelle de lumière est incarnée dans la fille de Leontes et Hermione : Perdita.
Parce que l’étincelle d’amour reste la « constante » qui relie l’humanité à l’âge d’or, il faut continuer à chercher l’amour, et chercher à incarner une image de l’amour. Cette image de l’amour, Shakespeare va la bâtir dans l’image de la « jeune fille ». Par-delà l’horreur et le ridicule du sick amour, Shakespeare est aussi le soufi qui danse entre le ciel de l’éternité et la terre des changements. Face au monde moderne, il replonge toujours ses personnages dans l’antériorité émotionnelle — l’âge d’or à l’état sauvage, la forêt d’Ardenne — pour que ses personnages reçoivent le soupçon de leur identité par anamnèse dans la rencontre de l’amour.
La représentante de cette identité divine, c’est toujours une jeune fille. C’est Rosalinde (Comme il vous plaira), Jessica (Le marchand de Venise), Cordélia (Le Roi Lear), Perdita (Un conte d’Hiver), Miranda (La Tempête)… Cette jeune fille/garçon manqué, « fille du roi » ou « fille du duc », apparaît comme une image de la Shekinah kabbalistique ou de la Sofia des gnostiques. Et si — hypothèse jamais proposée — le jeune homme des Sonnets de Shakespeare était lui aussi, comme dans ses pièces, une jeune fille habillée en garçon ? La Sofia perdue que l’homme doit retrouver et qu’il doit aider à retrouver son identité supérieure, c’est la jeune fille des pièces de Shakespeare.
Shakespeare c’est la victoire de la première Renaissance, la Renaissance hermétique (de Marsile Ficin à John Dee), sur la deuxième, humaniste et rationaliste. Et c’est sa différence avec les autres dramaturges jacobéens, tous plus ou moins complices de l’extinction des projets de la Renaissance magique. Il suffit de lire Marlowe pour comprendre en quoi. De même que, dans Le marchand de Venise, il corrige Le juif de Malte de Marlowe en donnant une âme et une voix à l’usurier juif ; de même avec La Tempête, Shakespeare rectifie la propagande anti-magicienne de l’Angleterre jacobéenne incarnée par le Docteur Faustut. Prospéro, c’est la justice rendue à la Renaissance magique.
Les dramaturges élisabéthains, la plupart du temps, sont athées. Shakespeare, par la multiplicité des approches spirituelles que revêt son théâtre, appartient à une spiritualité qui, pour prendre un terme moderne, s’apparente au « pérennialisme ». Et cette spiritualité se soutient de son expérience d’homme de théâtre. Par le théâtre, il peut expérimenter la réalité supérieure du monde de manifestation subtile sur le monde de manifestation grossière. Par le théâtre, il sait que la notion de « monde de l’âme » n’est pas vaine. Et c’est aussi quelque chose qui n’aurait pas pu advenir avant le XVIe siècle. La notion d’une Tradition Primordiale dont on retrouverait les expressions par fragments dans les différentes spiritualités a pu apparaître a de nombreuses occasions dans l’Histoire avant le XVIe siècle : il se trouve que c’est simultanément à la fin de l’âge d’argent (celui des guerriers, donc celui de la distinction entre l’ami et l’ennemi) que le Corpus Hermeticum a pu circuler sur la Terre et transformer la perspective de l’homme vers une spiritualité « hors les murs » : l’art. Si Dante a quasiment inventé la fonction de l’« artiste », Shakespeare est le premier auteur exprimant sa spiritualité. L’artiste devient l’artisan inspiré des formes de la spiritualité qui naîtront du contact avec les œuvres d’art populaires. Aujourd’hui, on rencontre la divinité plus facilement à travers la musique, les films ou les romans qu’à travers l’éducation religieuse. Shakespeare est le premier auteur à s’inscrire pleinement dans cette période.
William Shakespeare a écrit le drame de ces quatre derniers siècles, le drame que nous sommes en train de quitter. Il est l’auteur de la tapisserie de cet âge du monde. A chaque âge correspond la prédominance d’un type d’hommes : A l’âge d’or correspond la prédominance de la caste des brahmanes ; à l’âge d’argent correspond la prédominance des ksatriyas ; à l’âge de bronze, qui commence au XVIe siècle, correspond l’accès au pouvoir des vaisya, et Shakespeare en aura été le héraut et le prophète apocalyptique. Mais cet âge touche à sa fin. Ce que nous vivons aujourd’hui, avec la domination des 1%, avec l’émergence d’une personnalité politique comme celle d’Emmanuel Macron avec la prédominance d’intellectuels qui sont également des économistes (Pikety, Lordon, etc.), c’est à l’apocalypse de l’âge de bronze. C’est le moment où le dragon est presque mort qu’il ouvre ses ailes et recouvre la Terre. Economistes, anti-économistes, libéraux, hyper-libéraux, anti-libéraux, leur guerre terminale marque la fin de l’âge de bronze, la fin de l’ère des économistes. Si on en parle autant, c’est que c’est en train de mourir. Nous entrons dans l’âge de fer, celui des techniciens. Qui écrira notre geste, dira nos souffrances, élaborera notre art de vivre et d’aimer ? Qui sera notre Shakespeare ? »

(J'ai souligné pour toi, Aidan, ce qui répète encore (et toujours) notre ambition) 

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C hez Raymond, dimanche



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Il y avait au milieu de la houle du temps, des îles d'embrassades 

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L es Mots


« J'ai une fâcheuse manie. Quand les gens parlent, comme ça, en l'air, j'essaie d'imaginer ce que ça donnerait transcrit dans la réalité. Quand ils « critiquent » quelqu'un, quand ils « dénoncent » ses idées, quand ils « condamnent » ce qu'il écrit, je les imagine dans la situation idéale où ils auraient tout pouvoir sur lui. Je laisse retourner jusqu'à leur sens premier les mots qu'ils emploient : « Démolir », « abattre », « réduire au silence », « enterrer ». »

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« E lle »


Revu Hélèna et tout d’un coup toute la fantaisie de ce journal me réapparaît : « Quelle est votre secret routine beauté quotidien ? »

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I t's supposed to be fantastic


« I hear stories about directors who scream at actors, or they trick them somehow to get a performance. And there are some people who try to run the whole business on fear. But I think this is such a joke — it's pathetic and stupid at the same time. When people are in fear, they don't want to go to work. So many people today have that feeling. Then the fear starts turning into hate, and they begin to hate going to work. Then the hate can turn into anger and people can become angry at their boss and their work. 
If I ran my set with fear, I would get 1 percent, not 100 percent, of what I get. And there would be no fun in going down the road together. And it should be fun. In work and in life, we’re all supposed to get along. We’re supposed to have so much fun, like puppy dogs with our tails wagging. It's supposed to be great living; it's supposed to be fantastic.
Instead of instilling fear, if a company offered a way for everyone in the business to dive within — to start expanding energy and intelligence—people would work overtime for free. They would be far more creative. And the company would just leap forward. This is the way it can be. It's not the way it is, but it could be that way so easily. »

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Vui, Frédéric ! Toujours ! 
Alors il y a une masse d’idées, toujours, autour de moi. Et, sérieusement, on peut en discuter ensemble, pour comprendre laquelle serait la meilleure à privilégier, à sortir du chapeau, financièrement, etc. Moi, ce que j’aime, c’est travailler avec du monde ! doué ! des beaux danseurs, etc. Evidemment, c’est rare et difficile à réunir. Il y a l’idée de fabriquer une imaginaire troupe shakespearienne (que des mecs, du coup, a priori), mais en danse (ou cirque), une sorte d’ « esprit » shakespearien, mais joué-dansé, très libre, très witty, très «  monde spirituel », très concret, sans espoir et plein de certitude. Il faut des gens brillants, disons, capables de jouer-danser cette « musique supérieure ». C’est dans un portrait de Proust que j’ai trouvé cette rêverie (je commence La Recherche par ce portrait), « Bientôt sortaient de ses lèvres, proférées sur un ton hésitant et hâtif [très important, l’hésitation et la hâte], des remarques d’une extraordinaire nouveauté et des aperçus d’une finesse diabolique. Ses images imprévues voletaient à la cime des choses et des gens, ainsi qu’une musique supérieure, comme on raconte qu’il arrivait à la taverne du Globe, entre les compagnons du divin Shakespeare. Il tenait de Mercutio et de Puck, suivant plusieurs pensées à la fois, agile à s’excuser d’être aimable, rongé de scrupules ironiques, naturellement complexe, frémissant et soyeux. » C’est cet art de vivre en une époque ancienne et libre (en temps de paix, sous le règne d’Elisabeth) qui pourrait provoquer, si j’y arrivais, l’évidence du « vivre ensemble », comme on dit, et évidemment — et pourquoi pas ? —  l’esprit de mai 68 ! un véritable « temps de paix » qu'on a écarté dans l’éternel temps de poisse (comme disait Claude Degliame dans une pièce de Botho Strauss : « Nous n’avons plus la guerre ; à la place de la guerre nous avons ça : nous avons la poisse ! »), le décor de carton-pâte, le « vrai » qui miroite soudain dans l’écrasante forêt du faux-semblant. Cette troupe d’un temps béni n’appuierait pas les solitudes (bien réelles), les lonely people, mais tout au contraire, montrerait l’humanité comme un ensemble, comme des chiots (David Lynch : « We’re supposed to  have so much fun like puppy dogs with our  tails wagging »)), comme des enfants, comme des gens extraordinaires, comme des gens de nulle part, des invisibles (paradoxalement présents), des « Sans Roi », quelque chose en rapport non seulement avec le spectacle (ça, c’est facile), mais (ça, c’est plus difficile) avec le vrai. Peut-être autour d’une table, d’un banquet. Avec des chiens autour (des vrais) comme on voit dans les tableaux. Comme autour de Shakespeare, autour de Jésus, autour de Proust, mais sans « lui » (ces trois-là toujours ailleurs)...
Bon, c’est une chose que je peux développer si tu as besoin. Mais cet après-midi avec Caroline Breton qui voulait me vendre un déodorant, tout d’un coup un titre : Nos produits cultes. Il est bon, non ? Il pourrait même être celui de la troupe de Shakespeare, allons-y. Mais ça pourrait être aussi : La Vie heureuse de Shakespeare (beaucoup moins bon). 
J’ai un autre titre qui me vient à l’instant (de Fabrice Reymond) : Je ne veux plus être le phallus de ma mère. Je le note pour ne pas l’oublier bien que ça n’ait pas immédiatement un rapport évident (je me demande si je ne vais pas le proposer plutôt à Pascal Rambert...)
Sinon, pour un dossier, il est peut-être plus efficace (et vis-à-vis de l’école du paysage à Versailles) de parler d’un projet que j’ai avec Jocelyn Cottencin, « texte et paysage » qui pourrait d’ailleurs t’intéresser vraiment.  Là, au moins il y a (en pièce jointe) un joli dossier que Jocelyn a composé (qu’on a déposé au Musée de la Danse, par exemple) sur lequel tu peux te baser pour le tien (il fait sérieux, en tout cas).  Là aussi, si ça t’intéressait, on pourrait développer. C’est un projet de résidence(s) que l’on pensait, je crois, pour l’intérieur, mais qu’on pourrait imaginer pour l’extérieur. Ecoute, j’avais encore d’autres idées entre notre coup de fil et maintenant que j’ai laissé filer… Mais ça t’en fait deux, trois… Je travaille aussi sur Adam&Eve qui est censé, au final, être un opéra — Adam et Eve que je veux tirer vers, enfin, je ne t’en parle pas ici, on verra… Là aussi, plusieurs étapes sont nécessaires, mais, bon, du nu, à Versailles... Pourtant ce serait beau, sur la petite île… Bon, ce n’est pas obligé que ce soit cochon (plus rien ne peut être cochon à notre époque et ça peut-être rigolo aussi, la censure...) J’ai encore un autre projet aussi auquel je tiens beaucoup : sur Oscar Wilde (avec un musicien de variété aux multiples identités avec qui je m’entends très bien) et un autre sur Verlaine. Etc. J’ai aussi en projet un spectacle qui s’appellerait L’Amour malade (ou si c’est mieux en anglais : Sick Love) et qui s’appuierait aussi sur Shakespeare (une étude de Pacôme Thiellement à paraître). Peut-être ce projet est-il le même que le projet dont je t'ai d’abord parlé. L’atelier Shakespeare. Pour un dossier, tu pourrais aussi m’inventer tout ce que tu veux dans la limite de la loi. Je suis capable de tout et prêt à tout (j’espère que tu le sais), je signerai. Tu peux me demander de pendre par les pieds des étudiants dans les arbres recouverts de ketchup ou de Nutella pour attirer les abeilles — ou de scotch — ou plutôt ivres-morts avec du scotch — et couverts de scotch aussi, disons (un peu Rodrigo Garcia, mais en mieux), je signerai. (Tout ce qui est dans la loi, hein, mais à la limite…)
T’embrasse, très cher, n’hésite pas à revenir vers moi, ça me fait toujours plaisir,
Yvno

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