Monday, December 22, 2008

Enquête sur Pierre Dupont

J’ai vu faire mon père.

Les fêtes au moment des fêtes.

Sur une table noire laquée sont dispersées des plumes blanches et des paillettes.

…Guetté par les médias à sensation.

Philippe Le Guillou qui travaille au ministère de l’Éducation lui aussi m’a dit que oui, il voyait qui était Pierre Dupont (« Il s’occupe du théâtre ? ») et il s’est adressé à Marielle pour dire : « C’est un ami de Dimitri. »

Hélèna en sortant de chez sa psy me laisse un message dont je réécoute plusieurs fois le début pour savoir si elle me lance un « Salaud ! » ou si c’est simplement « Allo ! »

Apparemment, le temps, il est beau.

Le magicien qui faisait disparaître la morosité de son public.

Il entend les applaudissements, mais il entend pas la musique.

Je m’permets d’vous dire que vous êtes encore plus jolie depuis… votre… nouveau bonheur.

Je pense à des escargots cuits dans un p’tit plat.

Felix Ott, le jeune acteur cascadeur allemand qui a donné son nom a la pièce de Berlin cet automne, Felix, dancing in silence veut venir travailler avec moi à Chaillot au printemps. On espère que l’école donnera un peu d’argent. Tous les acteurs veulent travailler avec moi à Chaillot – et, pour le moment, je n’ai d’argent que pour me payer un one man show… Que faire ? Organiser une grande fête ? En tout cas, lui, Felix, j’aimerais tellement vous le faire connaître, amis parisiens… IL EST MERVEILLEUX. Je lui conseille, d’ici là, de travailler son français. Il m’écrit : « Juhooo un printemps a paris il va tres bien, et un nouvelle experance pour moi, voila. » « Experance », mélange d’expérience et d’espérance, c’est joli. C’est exactement lui. C’est lui, tout à fait.

J’ai fini de lire le texte d’Hélèna, il n’est pas si mal finalement. J’ai fait mes corrections en marge, mais pas au crayon feutre rouge comme elle me le proposait (m’ayant fourni et le manuscrit et le crayon), mais avec le crayon à papier marqué « château de Versailles » qu’elle m’a offert samedi. Elle est assez bonne à décrire un type obsédé sexuel qui n’est pas du tout moi, j’ai l’impression, mais qui m’amuse beaucoup, une espèce de faux vieux obsédé du cul et névrosé du reste, un type très « théâtre », en fait. Il manque un chapitre comme à son habitude… toujours un petit peu paresseuse…

Jessica Batut qui vient de triompher dans la pièce de Latifa Laâbissi et dont on fêtait l’anniversaire hier en même temps que celui de Benjamin me souffle au moment où je pars : « Et, n’oublie pas, je travaille avec toi quand tu veux, même sans argent. » Les acteurs ont besoin de travailler « même sans argent » parce que sinon « le sol se dérobe sous leur pied » comme disait Isabelle Huppert pour expliquer pourquoi elle, elle n’arrêtait pas. Comment faire pour fonder une entreprise (comme l’entreprise Huppert) qui donnerait du travail à tous ces acteurs extraordinaires qui ont juste besoin de vivre, de respirer et que je connais et j’aime tant ? J’aime les acteurs (ici un texte que je reprendrai plus tard)…

Une anecdote en passant, Jessica s’est baladée toute la soirée dans une tenue à la fois incroyable et d’un goût exquis (les couleurs…), vêtue de colliers en bonbons et en soutien-gorge de plumes et en arborant sous un tissu l’épaisseur en érection d’un gode ceinture sur lequel elle plaquait immédiatement la main de tous ceux qui venaient pour l’embrasser et grâce auquel elle m’a, quant à moi, proposé de m’enculer (« en dix minutes ») et y est presque arrivée – j’ai vu l’image du viol – parce que je me suis retrouvé dans un sous-sol entouré d’amis transformés qui scandaient mon nom comme en place de grève tandis que cette walkyrie* de choc me chevauchait en exigeant d’abord que je suce l’affreux gode noir. Je pensais à Hélèna. Je voyais Yvonnick le superbe, lui aussi d’abord alléché, pourtant là avec sa femme, qui cherchait une porte de sortie à la situation scabreuse, je revoyais quelques humiliations enfantines, les bizutages que je n’ai pas vécus…

On crie « Omar » dans la rue. (Homard ?)
Que j’aime ce temps des fêtes et de Noël qui me ramène toujours en montagne dans la lumière neigeuse comme celle de l’installation d’Yves Godin à la Ménagerie de Verre dans laquelle je viens de donner mon vingt-cinquième et dernier spectacle… avant le renouveau (qui est déjà commencé) !






* Littéralement, cela veut dire « qui choisit les abattus ».






22 décembre 08.

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La citation du jour

« Je fais un objet, avec un sujet, la personne qui le pénètre et qui va ressentir une expérience. »

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Acteur


Photo de Malo de La Tullaye. Sébastien Davis.

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Reading by touch

On était dans un fauteuil alcôve où on pouvait être à deux sans pouvoir s’en extraire (et se parler, sourdine). Bilal me raconte justement – mais un blog, est-ce une alcôve ? – sa rencontre avec Alain, je le lui demande. Bilal est caissier à la Fnac, Alain passe un jour, échange de regards, Alain passe la semaine suivante, échange de regards, tous les deux se souviennent bien sûr du premier passage, puis Alain emprunte un stylo à un homme de la sécurité, écrit son numéro de téléphone et revient sur ses pas. Ils sont ensemble depuis un an et demi, Alain a vingt-deux ans, mais en paraît dix-sept. Il ressemble à ces adolescents que photographie Hedi Slimane*, qu’est-ce qu’il fait ? du piano. Je lui demande s’il est virtuose, il me répond : je ne peux pas dire, moi, si je suis virtuose, je lui demande si c’est ce qu’il vise : oui. Tout se tient. Il est encore au conservatoire, il joue en Normandie le lendemain une Mephisto-Walzer de Franz Liszt et une sonate de Beethoven extrêmement difficile dont Bilal ne se souvient plus du nom. Il a manqué de force, selon lui, au concert de Normandie la veille parce qu’il est un peu malade, c’est pour ça qu’il n’est pas à l’anniversaire de Benjamin (m’explique Bilal), mais Bilal lui-même est merveilleux, inoubliable, tactile et c’est une joie de pouvoir parler d’Alain avec lui. Je pense à la phrase de Maeterlinck qui dit que le tragique commence quand le bonheur est assuré. Bilal, il a cette dimension métaphysique là, c’est pour ça que c’est si agréable, si beau. Il n’est rien, ni homosexuel ni rien, comme Pierre** peut-être… (mais il est comme toi et moi).
Les choses négatives :
Vincent me dit : il est plutôt léger, non, Jean-Luc Verna ? je lui réponds qu’il pèse quatre-vingt-cinq kilos – mais qu’est-ce qu’on peut dire ?
Vincent me dit que Bilal gâche sa vie en étant caissier à la Fnac, je lui réponds : tu crois ? – mais qu’est-ce qu’on peut dire ?
Rémy me demande si « putain la Waternaux elle a l’air d’une folle, doesn’t she ? », je me demande comment lui répondre depuis deux jours qui me paraissent une éternité…
La bonne nouvelle, c’est que je supporte de moins en moins les choses négatives.






When something is « tactile », it means you can understand it through your sense of touch.






* http://www.hedislimane.com/

** http://guarantyofsanity.hautetfort.com/

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