Monday, October 03, 2011

« La beauté est très difficile. Vous savez, une femme et un homme, ils commencent de la même façon, mais c’est beaucoup plus difficile d’être homme que d’être femme. »

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« Ma virilité est absolue, ne pas se fier aux apparences. »




Adoration de moi-même

Je vais faire ce soir une chose un petit peu choquante, oui, je sais, il y avait une adoration de Laurent Chétouane prévue au programme, mais j’ai envie de m’adorer moi-même... Après tout, les gens ne me connaissent pas, Aurélie, il faut toujours revenir à soi-même.
Vous savez, Aurélie, moi je n’écris rien. J’écris mon blog, c’est déjà bien suffisant – et encore si on pouvait me l’écrire à ma place, ça me libérerait… Ça me libérerait du temps, en tout cas. Faut déléguer, la délégation est la clé. Même mes mises en scène, je ne fais rien, j’ai très, très peu d’idées, ce sont les acteurs qui amènent tout, je suis au bord, si vous voulez, de la contemplation, au bord de la carte postale… Je me contente d’aider, d’aider les acteurs et d’aider les spectateurs à faire le spectacle, moi, je ne fais rien, ça parce que je ne crois pas à l’expression, je ne crois qu’en l’allusion, Borges en a très bien parlé dans un texte que je disais à Avignon, vous savez dans Le Parc intérieur. Alors, bien sûr, la notion d’auteur est mise à mal quand on pense comme ça, tant pis pour les ego. Moi qui suis adepte du name dropping, eh bien, je pense que d’auteurs, en fait, il n’y en a pas, au fond, il n’y a que des nègres. C’est ce que je voudrais faire tout au long de l’année avec vous, Aurélie, réhabiliter la notion de nègre… Alors voilà ce que m’a écrit mon nègre, il voudrait le faire publier chez Gallimard, mais, ça, je n’y crois pas du tout… C’est quelqu’un d’bien, il travaille aussi avec Lady Gaga, figurez-vous… Et donc il m’envoie cette page (c’est toujours moi qui parle)…



Bonjour ! Vous savez que c'est impossible de parler de soi ? On vous l'a déjà dit ? C'est très fatigant et ça rend fou à la longue. Moi ça va à peu près car j'ai un nègre. Il s'appelle Olivier Steiner. En réalité il n'est pas le seul, ne lui en déplaise, j'ai d'autres nègres. J'ai des nègres comme certains ont des femmes dans les ports. Puis j'aime beaucoup l'Afrique, c'est mon côté Koltès. J'ai aussi un dessinateur attitré, il s'appelle François Olislaeger. Voilà, je suis bien entouré. Voilà, voilà... Où en étais-je ? Ah, oui, je suis bien élevé donc je me présente. Mon nom est Genod. Prononcez jeunot ou j'ai no, peu me chaut. Peu me chaut ça vient du vieux verbe « chaloir » qui signifie avoir de l'intérêt. C'est joli, non ? Mon prénom est Yves-Noël, on dit aussi Yvno. Je m'aime bien. Je suis la personne la moins dissimulatrice que je connaisse. J'ai la bonne quarantaine, pas envie de préciser. C'est pas de la coquetterie, c'est que ça compte pas. (Alors là, Aurélie, je voudrais me permettre comme une note de bas de page, si vous voulez, je ne suis pas tout jeune, certes, j'ai trente neuf ans bientôt, mais ce n'est pas ce qu'on appelle « la bonne quarantaine ». Peut-être, Aurélie, pouvez-vous témoigner auprès des auditrices que je suis encore joli garçon... Alors, je reprends...) Name dropping : j'ai travaillé avec Claude Régy, j'ai connu Duras, je travaille aujourd'hui avec Jeanne Balibar, Marlène Saldana, Kate Moran et plein de bogosses doués. Statut social : je suis célibataire sans enfants. Ma sexualité ou feu ma sexualité est de type homo sublimé, hétéro épisodique, amoureux des corps en général. (Nouvelle note de bas de page, je n'me sens pas du tout homo, c'est plus compliqué.) L'aspect de mes cheveux est variable en raison d'un goût prononcé pour le port des perruques. Longs la plupart du temps, le blond péroxydé à la Iggy Pop étant ce qui me va le mieux, dit-on. Ma culture est vaste et inattendue. Mon corps est mince, très mince, genre grand adolescent attardé, mais je l'habite bien. J'ai un petit cul qui plaît aux filles, mon sexe est de taille moyenne (Ça, je n'sais pas comment il le sait...), mes cuisses fines, j'aime bien les mouler dans des jeans Dior. Je suis sensible des tétons. De toute façon tout mon corps est une zone érogène. Autrement, je suis plutôt imberbe. Ma virilité est absolue, ne pas se fier aux apparences. Ma mémoire est mauvaise, je dois tout noter sur de petits carnets Moleskine. Même au cinéma, dans le noir de la salle, je note, des idées, des choses vues et entendues. Souvent il arrive que je ne peux plus me relire. Mais c'est là, c'est écrit. Handicap : absence d'odorat, j'ai perdu ce sens vers l'âge de trente ans dans des conditions qui sont et resteront mystérieuses. Je peux donc coucher avec des gens qui puent. Mes yeux sont verts, souvent maquillés, trait de khol. Ma santé est fragile, j'ai contracté la maladie de Lyme à Berlin, cela me fatigue beaucoup. Je porte ma croix avec cette foutue infection bactérienne. Mon visage est émacié. Mon caractère est impossible, mais comme on dit des enfants, impossibles. J'ai deux grandes qualités : la curiosité, un art certain pour l'exhibitionnisme. J'ai deux défauts qui vont avec : la curiosité, un art certain pour l'exhibitionnisme. J'ai une manie : je ne peux pas m'empêcher de tripoter, de toucher le corps des autres. Ma voix est élégante, bien posée, joueuse, un brin ironique. Dans la vie – que c'est con de commencer une phrase par « dans la vie » ! – je suis metteur-en-scène, performeur, blogueur, comédien, être vivant, muse, égérie de qui voudra. Signe particulier : je peux être tour à tour dandy provocant et petit enfant perdu, difficile à saisir, j'échappe toujours, et d'abord à moi-même. Autre signe particulier : depuis quelques temps j'aime beaucoup imiter Fanny Ardant. Malheur : je ne suis pas libre d'un amour. Cet amour s'appelle Pierre, Pierre Courcelle. Voilà, j'ai dit l'essentiel. Et vous ? Ça va bien ? Vous vous en sortez avec vos vies ? C'est infernal ce qu'on nous fait subir, vous ne trouvez pas ? (Aujourd'hui je me suis disputé avec deux personnes, Mathilde Monnier et Jean-Marc Urrea. Je voudrais leur dire aussi à eux.) Je vais vous dire une chose : la poésie n'est pas une solution, mais elle est là. C'est déjà ça.

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« Qu'est-ce que les autres peuvent faire pour vous ? – Rester beau. »

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Ce soir, 23h, France Culture, un Atelier intérieur où je serai en direct, cette fois, et où sera présente aussi Kataline Patkaï

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Dessin de Didier Paquignon

(travail d'après photos, taille réelle : grandeur nature)



« La Considération que l'on accorde à mon argent »




Cher Monsieur Genod,

Mais oui, je serais plus que ravi d'être votre mécène et je vous remercie de me le proposer.
Ce n'est pas non plus une réponse africaine, ni même américaine.

Sans doute l'étendue de vos projets dépasse-t-elle mes capacités, mais parmi ceux-ci et par affinités, je suis sûr que nous trouverons ceux auxquels je pourrais contribuer, à notre satisfaction partagée.
Kataline vous a certainement dit mon admiration pour l'oeuvre de la grotte.
C'est un bon exemple.
Quelques grandes causes me tiennent spécialement à coeur : pour n'en citer que deux, l'extension du domaine de la fête – les Nuits Solaires – et l'extension du domaine de l'art – aux oeuvres naturelles et à la sexualité, notamment.

Au-delà de ces centres d'intérêt, soyez assuré que je garde l'esprit grand ouvert, et je suis à votre disposition pour échanger avec vous au plus tôt !

Bien à vous,

Philippe Frydman






Cher Monsieur Frydman,

Kataline m'a dit que vous vous étonniez que je ne vous réponde pas. J'allais le faire, j'allais le faire... Peut-être ai-je été surpris que l'étendue de mes projets semble dépasser vos capacités que j'imagine immenses. C'est vrai qu'il n'y a aucune raison de ne pas commencer par un bout. L'essentiel est de commencer. Réussir une seule chose ensemble nous donnerait l'envie de continuer. On pourrait partir sur ce que vous voulez, vos thèmes sont honorables, on pourrait échanger sur tout, mais il faut que vous donniez de l'argent. Je n'ai aucune idée applicable sans conditions de production. Parce que, des idées, j'en ai des milliards, autant que de rêves, si vous voyez ce que je veux dire. Marguerite Duras disait que le mot qu'elle détestait le plus dans la langue française était le mot « rêve » : « Moi, je ne rêve pas, j'écris. » Vous le savez pour vos affaires : il n'y a pas de rêve, il y a des affaires. Pour moi non plus, il n'y a jamais rien eu en dehors des conditions de production. C'est pour ça que j'insiste sur la monnaie sonnante et trébuchante. De toute façon, vous voir serait (de nouveau) un plaisir. Je crois que Kataline essaye d'organiser un déjeuner en octobre...

Bien à vous

Yves-Noël Genod






Cher Monsieur Genod,

Pardon d'avoir tardé à vous répondre.
Si je ne faisais preuve d'une certaine pusillanimité, je vous demanderais sans autre détour : combien voulez-vous ?
Mais comme je n'ai pas cette hardiesse, je vous demanderai plutôt quelles sont vos conditions de production, tout en rêvant du fabuleux taux de rendement interne (return on investment) de nos projets, en quoi les rêves des hommes d'affaires sont, vous le savez, prévisibles.
Là où d'autres voudraient être aimés pour eux-mêmes, je reçois avec beaucoup d'humilité la considération que l'on accorde à mon argent. Surtout s'il s'agit d'une grande considération. Et de beaucoup d'argent. Pour un immense rendement.
Sauf avis contraire de votre part, il faudrait donc que je sache plus précisément de quoi nous parlons, avant que je ne procède à un premier versement.

Ce sera pour moi aussi un grand plaisir de vous revoir, grâce à l'entremise de notre très chère Kataline.

Bien à vous,
Philippe Frydman






Vous ne tardez pas, vous n'êtes obligé de rien.
Un exemple précis. Je suis programmé en décembre au théâtre de la Cité internationale pour quinze représentations dans une très belle salle. Nous supprimons dix représentations car je ne peux pas payer personne. Il n'en reste plus que cinq ! Pour jouer les quinze autres (toujours dans le programme) il faudrait une somme absolument dérisoire, mais minimale de 20 000 euros. A vot'e bon cœur ! (il faudrait cette somme très rapidement pour rattraper ces annulations.)
Il y aurait encore un autre moyen de me donner de l'argent, si vous aimez les photos, c'est de me les acheter.
Un autre moyen serait de me salarier, un salaire pas fictif (ça n'existe pas), mais pour un travail minimal qui me permettrait de continuer mes mises en scène et de dégager l'ensemble de l'argent trouvé aux productions. (Me mettre personnellement hors d'état de me plaindre.)
Une autre idée serait de salarier quelqu'un capable de me trouver de l'argent. (Ce que je ne peux même pas faire.)
Une autre idée serait d'investir sur un projet entier (il y en a plusieurs, La Java, etc. Et il peut, comme je vous disais, y en avoir beaucoup d'autres. Il faudrait faire des livres sur tous ces spectacles qui ne se font pas...)
Maintenant la question du rendement. Alors, là, je n'y crois pas. Je ne vois pas comment vous pourriez considérer le théâtre comme autre chose que comme votre danseuse. Ça ne s'est jamais vu que le théâtre rapporte de l'argent. Le cinéma, c'est connu, ça pourrait, mais le théâtre n'en a jamais rapporté. Donc, là-dessus, je ne vois pas trop quoi vous dire. Mon seul espoir, dans ce que vous dites, c'est de penser qu'il ne s'agit pas de « beaucoup d'argent ». Donc ni de « grande considération » ni d'« immense rendement ».
Mais sans doute de vitesse.
A ce propos, je me demande pourquoi La nuit solaire n'a pas aboutie. Vous m'avez dit que vous y pensiez toujours.

Mon seul travail à moi est sur le plateau et il est si rare. Je suis malade quand je ne l'exerce pas. Je suis donc malade d'ennui actuellement, même en vous parlant. (Il faut me comprendre, vous savez, L'Albatros, etc.) Néanmoins, dans mon désespoir, je suis sûr que je serai ravi de vous rencontrer ! Kataline, vous avez vu, est maman pour la deuxième fois ! Et m'a nommé le parrain du petit Arsène !

Voyons-nous bientôt (je lui fais suivre ce mail)

Yves-Noël

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Et son explication




« Il est interdit de souffrir. »



Explication : « Accepter la souffrance, c’est tuer l’instinct de survie. »

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A vous le rêve, à moi l'action




« Le théâtre dit : « Tu rêves, je le fais » »

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L'Exigence




Mathilde, je suis vraiment malade – surtout les nerfs – hier, j'étais en bas de chez Marlène quand tu m'as appelé, j'ai pas entendu son coup de fil, on pouvait se voir, je l'ai loupée. Aujourd'hui je me suis pris la tête avec Jean-Marc. Il me dit : tu vas pas faire un stage... Je ne peux plus discuter qu'avec les gens qui me disent oui (ça en fait encore beaucoup...) Toi (tu peux me dire non), tu es ma seule interlocutrice pour Montpellier, Pascale, la seule pour Paris. Si je ne fais pas de stage, je peux faire un atelier, je peux réunir des acteurs avec qui j'ai envie de travailler, tout ça n'est qu'une question de formulation, ça n'a absolument pas d'importance. Mon métier, je le connais très bien : rendre les choses possibles (ou même, de manière encore moins active, laisser les choses possibles possibles). Et j'exige cette exigence aussi des autres. Ne pas tricher ni fuir en s'inventant ou en reportant des problèmes : la vraie vie.

Bises

YN

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