Friday, May 29, 2009

There is nothing that can be done, except to wear a blue tie so that the yellow looks more yellow

Les tableaux

Bruno Perramant est le peintre contemporain le plus immense que je connaisse. En tout cas celui qui me touche le plus. Je plonge sans écran dans la plupart de ses tableaux comme à l'intérieur même de ma propre sensibilité. Hier j'ai vu dans la lumière tamisée d'une fête d'un soir de mai, Couvent des Recollets, quelques-uns de ses derniers tableaux, ceux de la Villa Médicis, ce qu'il voyait de sa fenêtre, des pins, Saint-Pierre de Rome, de jour, de nuit, un bassin avec le bleu du ciel contenu dans son cercle, des visages de femmes, de vamps comme il y en a aussi dans les mises en scène de Krzysztof Warlikowski. C'était à l'occasion de la sortie d'un catalogue pour lequel il avait demandé à ses amis de lui poser (par email) des questions qu'il a ensuite assemblées comme une seule et unique interview. Je recopie la partie me concernant car ses réponses me rendent intelligent. Il s'excusait que les tableaux soient dans la pénombre, mais je lui disais qu'au contraire, c'était frappant pour moi de voir que, même mal éclairés, les tableaux diffusaient pour moi leur pleine puissance - à l'instant et pour toujours inoubliables...

Y.N.G. - Par amour jusqu'où irais-tu ?
Jusqu'à être ce que je suis.
Y.N.G. - ...Evidemment, la question vient maintenant : "Comment baises-tu ?"
Gratuitement.
Y.N.G. - And you got no man to look after you ? Shakespeare, c'est un copain à toi ? Et Picasso ? Et Mozart ?
Je reçois leur visite régulièrement. C'est un immense réconfort.
Y.N.G. - Est-ce que tu penses que l'art rend compte d'une autre existence ou que c'est l'autre existence ?
Je est un autre dans une seule et même existence.
Y.N.G. - Si la peinture peut faire du bien, peut-elle aussi faire du mal ?
Rien ne vous oblige à accepter ce qui vous déplaît.
Y.N.G. - Comment rendre blanc une chemise (qui jaunit) ?
Rien à faire, sinon porter une cravate bleue pour que le jaune soit plus jaune.
Y.N.G. - La question du lapsus, la main de l'amant (la mère de Jorge Luis Borges veut dire : "Je suis la main de mon fils.", elle dit : "Je suis l'amant de mon fils.")... Mais c'est quoi la question, là ?
Crois-tu que je sois l'amant du Père (avec ou sans majuscule) ou père-amant ? Les mères de poètes sont folles d'engendrer des monstres.
Y.N.G. - Dans quel ordre sommes-nous ? Est-ce qu'il y a la guerre ou la paix ? Qui est riche, qui est pauvre ? Qui est modeste ? Où sont les fleurs ? Qu'est-ce que voler ?
Et il n'y aura jamais de paix, la richesse est impensée, la pauvreté en otage, la rose est sans pourquoi. Donc, tu te dégages des humains suffrages, des communs élans, tu voles selon...

Hier, Kate Moran portait d'ailleurs (en plus de ses sandales déjà décrites - ou "impossibles à décrire" - par Pierre) une somptueuse robe Martin Margiella d'un bleu comme trempé dans la peinture, inoubliable lui aussi. Et la forme... le tombé... les fesses nues dessinées d'une manière choquante et les seins relevés de manière étrange tout près du visage, une silhouette - avec un bout de tissu - créée. Et puis Isabelle Moulin a montré la robe du même auteur qu'elle portait aussi, argentée, sur le parvis du Théâtre-temple de Chaillot. Chaude journée, chaude soirée, délices....
Et Felix qui était bloqué par un torticolis brutal a pourtant joué comme un dieu, "You were great ! And some things were even better..." (je lui ai dit), très concentré (plus encore) pour faire les cascades sans se tuer, et, du coup, cette protection de la nuque, belle, attentionnée.

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Nadia Barrientos

Bonjour Yves-Noël,

Je vous transmets ci-joint une courte chronique inspirée par votre "pestacle" qui m'a ravi il y a de cela une semaine.
Je travaille pour un magazine internet (lemagazine.info). Je ne sais encore si elle y sera publiée.
En tout cas, je tenais à vous remercier pour ces deux heures pleines de vie, incandescentes.
En vous souhaitant une bonne continuation pour les représentations à venir,
Nadia Barrientos.



Yves-Noël Genod , le chevalier à la radieuse figure.
Le spectacle auquel nous convie le chorégraphe Yves Noël Genod au théâtre de Chaillot semble d’emblée dissiper toute ambiguïté : il porte comme titre le nom de son auteur. Pourtant, dans Yves Noël Genod d’ Yves Noël Genod, Yves Noël n’est à aucun moment sur scène. Si l’on est quelque peu observateur, l’on pourra toutefois distinguer son imperturbable silhouette, tapie dans la salle au milieu des spectateurs. Face à qui, face à quoi nous entraîne ce fantasque créateur qui semble bouder la scène ?
« La Beauté sera convulsive ou ne sera pas ».
Si André Breton ne l’avait pas énoncé, Yves Noël Genod l’aurait sans doute annoncé. Cet artiste qui enchaîne les spectacles à un rythme effréné (pas moins de 21 spectacles en cinq ans) est habité par l’urgence du présent et c’est précisément avec le matériau - tant perméable qu’évanescent - de la vie elle-même, avec ce qu’elle a de théâtral et d’ordinaire, qu’il entend transmuter le plomb en or et… l’or en plomb. Son spectacle détone comme un singulier feu d’artifice dans les sous-sols du théâtre de Chaillot. Et c’est en alchimiste aguerri, revêtu d’une côte de maille scintillante, que ce chevalier à la radieuse figure nous accueille à l’entrée du théâtre et nous invite à pénétrer dans son antre.
Le sous-sol de Chaillot : l’antre du grand Dispariteur.
C’est dans le Studio, cette petite salle recluse dans les tréfonds du théâtre, que celui qu’on connaît sous le nom du Dispariteur a imaginé de faire évoluer ses partenaires comédiens. Ceux-ci égrènent, sur scène et en-deçà, expériences et représentations, improvisant et révélant, l’envers du décor d’une société du « pestacle » furieusement poétique. Au sein de ce creuset magique où tout peut (et ne pas) advenir, les scènes se succèdent et s’entrecoupent sans logique apparente, au gré des vêtements qu’ôtent et enfilent les comédiens comme autant de masques qui leur garantissent un récit. Mais l’habit ne fait pas le moine et lorsque le corps n’a plus pour costume que sa seule nudité, c’est alors un déchaînement du (et des) sens qui vient abruptement éclabousser le spectateur. Et ce dernier n’est pas au bout de ses surprises…

C’est avec grande sincérité qu’Yves Noël nous délègue la liberté de croire ou non à la vertu de ses artifices « vrais » qui réussissent à brouiller les frontières qui irrémédiablement opposent l’art et la vie. Et c’est à l’image de cet éminent prestidigitateur que ce spectacle malmène l’évidence de la réalité. Cette réalité même qu’il vous semblera avoir croisée quelques minutes plus tôt mais qui n’a vraisemblablement pas été autorisée à franchir le seuil du théâtre. Yves Noël ne l’a pas invitée, semblerait-il. Et c’est tant mieux, puisque finalement, le spectacle affiche complet !
Yves Noël Genod d’Yves Noël Genod au Théâtre de Chaillot.
Jusqu’au 6 Juin.
http://www.theatre-chaillot.fr/spectacle.php?id=103

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Images de Patrick Berger























Kate moran, Felix M. Ott, Mohand Azzoug, Marlène Saldana, Yvonnick Muller dans Yves-Noël Genod (lumières Sylvie Mélis).

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