Tuesday, March 01, 2022

L es Garçons


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L e Mignonisme


On croit connaître intimement quelqu’un et l’on découvre que non : Bobo, pour me rendre le journal avec l’article sur le couple sublime de patineurs (vous savez), déballait sur le trottoir toutes ses affaires (en fait, il l’avait oublié dans le train) et, parmi elles, un singe en peluche qu’ensuite il me confirmait être son doudou quand il dormait seul (donc trop souvent pas avec moi). Un peu plus tard encore, Philippe Katerine descendait, en pyjama, les escaliers mécaniques du Bon Marché pour se rendre sur scène et, figurez-vous, lui aussi, le cou entouré de deux affectueux singes doudous. Une coïncidence ? J'étais seul soudain. La foule me dissimulait Bobo comme une aiguille dans une botte de foin. La jeune actrice définitivement plus très jeune avait dû se faire tirer puisque sa silhouette m’était reconnaissable immédiatement, mais le masque qu’elle avait à sa disposition pour s’exprimer était celui d'une autre femme de cinéma, elle ressemblait à Cate Blanchett, on aurait dit (du coup je la regardais causer, mais je n’osais pas l’aborder). Les hommes, bien sûr, tuent et se font tuer, mais, en temps de paix, ils font moins de frais de chirurgie esthétique, c’est un avantage. Comme dit Michel Serrault, « L’homme est laid », alors, tant queue la queue fonctionne, les filles peuvent les supporter, les aimer, même, c’est l’essentiel. Dans la foule, alors que Bobo disparaissait de nouveau, je frôlais Nicolas Maury, mais je ne l’abordais pas, lui non plus, hélas, parce qu’il causait justement à ce moment-là avec une chanteuse qui s’était jetée sur moi, une fois, dans un taxi. Hashtag balancetatr… Non, je plaisante ! Loin de moi l’idée de dénoncer qui que ce soit ! Mais ç’avait été assez phénoménal pour susciter la réaction du chauffeur : « C’est pas fini, le bordel, derrière ! » (On avait fini à pied jusqu’à sa piaule.) Le Bon Marché restait le Bon Marché tandis que Philippe Katerine enchaînait les tubes à fort volume et, quand on s’éloignait du bruit, on se retrouvait parmi plein de petits étals unifiés par la couleur rose probablement choisie par Philippe. Je m’aspergeais du parfum « Jours heureux » parce que Bobo l’avait fait quelques instants auparavant. Seul de nouveau, je m’approchais d’Arielle Dombasle qui, semblant me reconnaître, m’alpaguait par un « Bravo ! » profond et ressenti, je me demandais un peu pour quoi (mais après tout…) Comme d’habitude, moi aussi, je la couvrais d’éloges et de bravos et finissais par lui redire que je l’écoutais aux « Grosses Têtes » (je suis fan). « Les Grosses Têtes, c’est ma psychanalyse » m’assurait-elle et j’avais malheureusement le toupet et la bêtise de lui dire qu’elle me l’avait déjà dit (moi aussi, je ne faisais que me répéter). A Vincent Darré, je glissais dans l’oreille : « Je t’aurais bien présenté mon amant, mais je viens de le perdre ». « C’est pas grave », répondait-il — ou peut-être même : « Je m’en fous » puis : « Je l’ai vu en photo, non ? » Oui, Vincent avait raison, en photo, c’est aussi bien (et j’ai bien conscience de m’exprimer ici — où il est en photo). Une femme qui ne me donnait que son prénom, Martine, m’assurait qu’elle avait beaucoup beaucoup aimé le Proust aux Bouffes du Nord et le Baudelaire au Rond-Point. Moi-aussi, j’aime ces spectacles qui me mettent en contact avec le sublime. Nous venons de redonner le Baudelaire à Neuchâtel et je voudrais beaucoup reprendre le Proust. Ce que je préférais de la soirée, c’était l’élégance du service : toutes ces jeunes servantes du Bon Marché semblaient définitivement issues de bonnes familles. J’avais perdu Bobo, parti à la guerre ou à la chasse, Bobo que je fantasmais « vrai homme » et qui m’avait aussi parlé d’un nouveau site de rencontre réservé aux femmes adultères et dont l’accroche publicitaire était : « « Que tu es belle… » Depuis quand ne vous a-t-on pas dit ça ? » Le lendemain de cette ivresse au champagne rosé, je retrouvais Claire Chazal au cours de danse. « Ah, là, là... » me disait-elle de l'autre côté de la barre que nous partagions. J'enchaînais : « Ah, là, là, la guerre... » et elle me commentait, comme à la télé de mon enfance, les images folles et tragiques...




« Le pouvoir exige des corps tristes. Le pouvoir a besoin de tristesse parce qu'il peut la dominer. La joie, par conséquent, est résistance, parce qu'elle n'abandonne pas. La joie en tant que puissance de vie, nous emmène dans des endroits où la tristesse ne nous mènerait jamais. »

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