Thursday, September 20, 2012

Mépris de Paris



A Lyon, je bus beaucoup de saint-joseph. Ça semblait la valeur sûre (sur laquelle on pouvait compter). C’était aussi, peut-être, que Bébé m’avait fait connaître cette marque. Saint-joseph, Bébé veille sur moi.
J’en voulais à Benoît de m’avoir trahi. Med-Med était au cocktail et il ne me l’avait pas dit. Maintenant Med-Med était parti.
J’en voulais à Benoît une deuxième fois. Le facteur avait sonné (après avoir monté les cinq étages) pour déposer un paquet et Benoît revenait en disant : « Qu’est-ce qu’il était beau ! – Mais pourquoi tu ne l’as pas fait entrer ? »

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Etre un vrai joueur



« Il est vrai aussi que les vrais joueurs sont rarement méchants, rarement avares, rarement agressifs ; la tolérance en général les habite comme elle habite tous ceux qui ne craignent pas de perdre ce qu’ils ont ; ceux qui considèrent toute possession matérielle ou morale comme provisoire, qui considèrent toute défaite comme un aléa et toute victoire comme un cadeau du ciel. »

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La Serviette



Photos Sara Rastegar.

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La Ville-2 fleuves



La vie des villes – poreuses.

C’est dans cette ville que je connais que je regarde les gens les plus étrangers. C’est dans cette ville-monde que je retrouve – qui n’existe plus – l’enfance (de village). Et, sous les maisons enchevêtrées. Côté rue et côté cour. Cette ville, peinte du jour. Maisons peintes du jour.

J’ai toujours pensé que tout me serait donné à Lyon, que je n’avais pas à bouger le petit doigt. C’est aussi la lumière de septembre qui fait vacances, bords de mer. Elle est très belle, la lumière de septembre. 

L’échancrure des fenêtres, les proportions. Très gracieux, balnéaire.

J’ai compris pourquoi les régions, les pays ne changeaient pas, si lentement. Parce que les gens sont attachés à leur enfance. Ainsi Lyon rassemble tout ce que j’ai vu ou fait. Si, un jour, je serais écrivain, ce serait à Lyon, nulle part ailleurs.
On ne se refait pas.

Je vois tout à Lyon. Tout.

La ville est fraîche comme l’aube, jamais faite, apparue, de toile et de monstre-décors.

Il n’y a personne. Il n’y a jamais personne, c’est ce qui me frappe, à Lyon.

Personne ne m’appartient, personne ne me veut du mal, à Lyon.

Les moineaux, c’est le parc. Le parc est la ville des animaux. Le temps passe indéfinissable comme des gens sous une promenade de platanes, près d’un fleuve, trois rangées.

Créer une ville magique.


On est dedans, on est dehors, c’est pareil, c’est Lyon. L’amour de la vie, c’est Lyon. Le regret.
Ma mère, cette exilée.

La ville-sculpture, celle qui n’appartient pas à l’époque. La ville-passé.

La ville sous ciel, pont de chaque côté. La ville maigre, Manhattan maigre.

Voyage chez moi.

Et la Saône qui est comme l’envers du Rhône.

J’ai déjà vécu tant de nuits, tant de nuits en une (puisque je m’en souviens). Moi aussi, j’ai été Roméo.

Oui, la ville est un théâtre – à un moment.

Je m’aime dans mon corps qui meurt. C’est pour ça que l’erreur de la médecine est patente. Je m’aime dans mon corps qui meurt.

Je suis dans le luxe d’une vie de luxe. Et, de là, il n’y a pas à tortiller. Je peux, dans la nuit, décliner l’offre. C’est une mise en scène pleine de vide chaud (et doré).

Shakespeare dit tout. Mais il ne dit pas la vie des autres, il dit ta vie.

Je hais Paris, le lieu de mes souffrances, mais j’aime Lyon, le lieu de mes souffrances.

Le grand fleuve avec les grands cygnes.

J’aime me promener dans le centre-ville qui est vide comme New York (les gens travaillent).

Ces grands blocs d’immeubles minéraux, sculptures inachevées, juste agencées, les concrétions…
Ce que recouvrait la dépression, ici, à Lyon, c’était ça : la beauté. Cheval de la beauté, vie de la beauté, Lyon de la beauté et gazelle, hippopotame et loup.

Dans la lumière égale, dedans comme dehors.

Ne pas être seul à Lyon, c’est la seule qualité demandée.

Ce qu’il y a d’effrayant, c’est qu’on peut être heureux à chaque instant de sa vie.

L’invraisemblable beauté de Lyon fait mal à voir. Et, déjà, une ville qui s’appelle Lyon. Comment imaginer de nom de ville plus beau ? Une ville qui s’appellerait Cheval, peut-être. Une ville qui s’appellerait Vent.

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Devise



« libre de tous les liens, refusant même ceux de la solitude »

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Jouer Dieu



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« Je dormais mieux sur ma pierre parce que, cette pierre, elle est molle, en fait. »

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Christine Angot



Je suis chez mes parents. Sas sordide : je me mets au courant de la rentrée (littéraire, parisienne…) Je lis la presse,  regarde les vidéos. Je vais bientôt tout savoir, mais à quoi bon ? Je vais bientôt, je vois bientôt s’ouvrir ma dépression. A Pontempeyrat, un journal nous arrivait tous les dix mois (et ne devenait « lisible » qu’au bout d’un certain temps, de certaines nuits, comme je l’ai dit (célèbre phrase) : « Mais les journals qui durent deviennent visqueux et doux… »), la connexion Internet marchait très mal. Bref, la « prise terre », dans cette région volcanique, nous avait évité la rentrée littéraire, théâtrale, scolaire, que sais-je ? ministérielle et politique… Nous étions soumis aux étoiles…

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Le Doute



Je ne sais pas si je reverrai Bébé. Je veux dire. Il m’a demandé dans l’oreille quand nous nous sommes quittés lors de la dernière soirée (moi, incapable de tenir, lui, comme tous les jours, partant pour boire, baiser et ne pas dormir), il m’a demandé dans un souffle : « On va se revoir ? » A quoi j’ai répondu (évidemment) : « J’y compte bien ! » Mais, maintenant, j’ai un doute. Ce qu’il faudrait, c’est que je lui offre un rôle. Hors je n’ai pas de travail cette année. Que pourrais-je lui offrir alors ? Et lui prendre, il n’en est pas question (il m’a tant donné). 

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« Deuxième rappel, d’ordre historico-juridique cette fois : l’exécution après torture du chevalier de la Barre remonte à 1766. Il avait été condamné pour blasphème. Il a depuis été réhabilité et une rue de Paris porte même son nom. La France est laïque depuis 1905 et il y est parfaitement licite de dire tout le mal que l’on veut de n’importe quelle religion. Les catholiques en savent quelque chose. On a parfaitement le droit ici, Dieu merci, d’être bouffeur de curé, de rabbin ou d’imam. »

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Jardin secret



« une opacité telle que tu ne peux découvrir ce que tu es et le sens de ce que tu fais que en écrivant sur toi. C’est-à-dire qu’il y a de toute façon une opacité à soi-même telle... C’est vraiment le contraire de la transparence. »

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Incipit



J’étais frappé par le fait que cette ville rassemblait toutes les villes. « Aimer une chose suffit », disait Peter Handke. J’avais tellement aimé Lyon. La ville était sublime. Elle est toujours sublime, mais elle l’était particulièrement parce que – je ne sais pas par quel mystère – elle était vide. Elle était vide comme en plein été, mais nous étions le 17 septembre.
Benoît m’entraîna dans la chapelle perpétuelle

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Dieu, fermeur de porte



« Quand Dieu te ferme une porte, le diable t’ouvre une fenêtre… »

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Benoît me dit à quel point les Cubains de Miami sont moches, eux qui sont si beaux sur l’île. Il me dit aussi qu’il n’a jamais vu de beaux Noirs à Miami, « il y en a à New York, mais pas à Miami », alors qu’ils sont si beaux en Afrique. En Afrique, en effet, du fait probablement d’une proximité avec la nature, il y a « une noblesse et une dignité extraordinaires » (je le retrouve dans une vidéo que me fait écouter Pierre). Benoît est très dur sur le système américain, le poison de la nourriture qui abîme les corps, la tragédie de la propagande qui dévitalise…

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Bye-bye Lyon





J'ai ADORE ! Merci



David Bobée
Merci à toi, le savoir me fait vraiment plaisir. Oh, là, là, vraiment, vraiment. Moi, je dois bien avouer que je t'adore, toi !

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Sensualité



Benoît a connu un garçon qui ne se lavait jamais. C’est-à-dire qu’il ne se trempait jamais dans l’eau. Il lavait ses vêtements une fois par semaine. La crasse était simplement « polie » et, en quelque sorte, lavée par les vêtements. Il ne puait pas, me dit Benoît, mais il avait comme une pellicule de poussière. J’y repense parce que je lis un texte qui a ému Pierre, sur la vermine. Et un petit gamin moyenâgeux qui lave ses vêtements pour s’en défaire sans penser à se tremper, lui, dans la rivière… Moi, j’ai renoncé à me savonner depuis quelques années. Je ne me lave qu’à l’eau. C’est devenu une habitude. Je me shampouine encore, mais j’ai entendu parler d’un coiffeur, à New York, qui ne se lave jamais que d’eau chaude. (Un coiffeur de stars.)

Je suis chez ma mère. Je dis « chez ma mère » parce que Benoît qui allait réellement chez la sienne (ses parents sont séparés) m’a déposé sur la route à Bourg-en-Bresse. Mais mon père est en Bretagne pour des travaux. Ma mère est donc seule. C’est très rare que je sois en relation avec un seul de mes parents. Pour mon père, ça n’est vraiment arrivé, sauf quand il vient jouer pour moi à Paris, qu’à l’hôpital où il se reposait après un triple pontage. Dans la banlieue de Lyon. Ma mère se déplace dans la maison comme un animal. Moi, je suis replié dans ma chambre comme à l’adolescence. Il n’y avait pas Internet à l’époque. La chambre est désormais vide sauf l’ordinateur, ses petites touches qui crépitent.

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La Traversée des apparences



« Le jour où le jeune Bergotte put montrer au monde de ses lecteurs le salon de mauvais goût où il avait passé son enfance et les causeries pas très drôles qu’il y tenait avec ses frères, ce jour-là il monta plus haut que les amis de sa famille, plus spirituels et plus distingués : ceux-ci dans leurs belles Rolls-Royce pourraient rentrer chez eux en témoignant un peu de mépris pour la vulgarité des Bergotte ; mais lui, de son modeste appareil qui venait enfin de « décoller », il les survolait. »

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