Tuesday, September 28, 2010

Un point précis sur la menace

(par Daniel Schneidermann)


« Mesdames et messieurs, bonjour. Si je vous ai conviés à ce point de presse aujourd’hui, dans ce lieu symbolique qu’est notre monument sacré, notre joyau commun, la tour Eiffel, c’est parce que notre pays est menacé. Il faut que les Français s’y habituent. Je voudrais vous faire un point très précis des menaces qui nous assaillent.
A ce stade, à l’heure exacte, à l’instant précis où je vous parle, nous affrontons un pic de menace incontestable. La menace est certes forte depuis cinq ans. Elle est même très forte. Mais je crois pouvoir dire qu’elle n’a jamais été aussi forte. Sans trop m’avancer, je la qualifierais, si vous le permettez, de particulièrement forte. Je vais être plus clair. Je peux vous annoncer que nous sommes en possession d’indications sérieuses, de renseignements fiables, émanant d’organismes incontestables, et remontant directement du terrain. Ces organismes sont en liaison permanente, jour et nuit, avec leurs homologues étrangers, lesquels se montrent en ce moment spécialement préoccupés. Ni plus ni moins, mais ça nous suffit largement pour augmenter notre posture. Je ne vous en donnerai qu’un exemple : la semaine dernière, nous avons eu d’excellentes raisons, de source sûre, de première main, de croire précisément à une menace d’une gravité extrême : une femme kamikaze était prête à opérer sur le territoire national. Toutes nos informations concordaient. La précision du renseignement était confondante. Je m’empresse de préciser que cette menace n’est plus d’actualité. Cela n’enlève rien au caractère très préoccupant de cette menace la semaine dernière. Cette femme kamikaze, nous avions toutes les raisons d’y croire. Vous en avez même parlé dans vos journaux, et largement évoqué la question dans vos flashs radio. C’est dire, vous ne me contredirez pas, si aujourd’hui nous revenons de loin. Je tiens à ce sujet à saluer la fermeté générale qui a accueilli cette information, et qui a certainement contribué à faire reculer l’adversaire.
Dans ce sombre tableau, je souhaiterais néanmoins apporter une touche rassurante. L’ennemi n’a pas les moyens pour l’instant de commettre sur notre sol un attentat bactériologique, chimique, nucléaire ou radiologique. D’après nos renseignements les plus récents, un lâcher de mygales géantes n’est pas prévu non plus.
Il s’agira donc malheureusement, plus vraisemblablement, d’un attentat classique, avec une bombe de gaz et des clous atrocement meurtriers, dans un endroit très fréquenté. Il pourra s’agir des transports, d’un grand magasin parisien ou provincial, d’une ligne de tramway, de RER ou de funiculaire, d’un marché aux fleurs, d’un vide-greniers, d’un rassemblement sportif, d’une compétition de vieilles deux-chevaux, d’un concours de la plus grosse gaufre, de la plus longue saucisse, d’une élection de minimiss, ou d’une exhibition canine. Dans l’immédiat, les manifestations contre la réforme des retraites ne nous semblent pas menacées. Elles peuvent donc continuer à se tenir, aux risques et périls, évidemment, de ceux qui font le choix d’y participer.
Je tiens à prévenir immédiatement certaines interprétations malveillantes. Certains persifleurs, je le sais, hélas, nous accuseront de dramatiser la situation, pour détourner l’attention des scandales politico-financiers, de la mise en cause pénale de plusieurs de nos ministres et anciens ministres, du chômage, de l’inflation, ou de la réforme des retraites. Cette accusation est dérisoire. On ne fait pas de petite politique avec de tels sujets. D’ailleurs, contrairement à ce que pourraient insinuer des alarmistes professionnels, j’insiste : cette menace n’est absolument pas imminente. La fermeture des gares, des métros, des aéroports, n’est pas d’actualité. C’est pour cette raison, que nous croyons pouvoir rester en alerte rouge, et ne pas passer à l’écarlate. Vous voyez donc qu’il n’y a aucune raison de s’affoler nos concitoyens, tout en les tenant informés de l’état de la menace, comme c’est notre devoir. Je vous remercie d’être venus. Vous pouvez rentrer tranquillement dans vos rédactions. »

Est-ce la peine ?

Puis j'ai vu Kate (enfin, avant). Quel plaisir... La beauté, la Vénus qui descend comme une lionne boire un thé à l'heure du sable près de chez toi. Au Mistral qui n'est pas le Mistral du Châtelet, mais le Mistral d’en face de chez Kate, pour être précis. De même qu’en face de chez moi, dans le même quartier de La Chapelle, il y a La Coupole. On a tout comme à Paris sans se déplacer ! On a parlé très, très vite parce qu’on avait des rendez-vous avant-après (les affaires) et qu’on avait plein-plein de nouvelles à se raconter, même des choses, je suis désolé, que je ne peux pas mettre sur ce blog, justement, toutes ces choses, il fallait se les raconter. Avec Kate, c’est toujours un plaisir d’être un peu cruel. On rit de plaisir, on se baigne dans le noir... Bon, elle veut absolument que j’aille voir Homme au bain qui est une fête de fellations, une femme l'a dit à Canal plus (et elle le reconnaît). Du coup : avec qui aller voir une fête de fellations, je ne vais quand même pas y aller tout seul. Kate me dit que quand elle y est allée avec Pascal, il y avait beaucoup de couples. Hétéros ? Sinon je suis très en colère : Felix a failli tourner avec Philippe Garel et il a refusé pour un problème de dates. Si c’est vraiment ça, ce gosse est vraiment fou. Je l’ai allumé sur Facebook, mais si je l’avais eu en face de moi, je l’aurais giflé.

Penser à quelqu'un me fait plaisir. Penser à un amour me fait plaisir. Mais penser à mon père à l'hôpital me fait encore plus plaisir. (Bon, je pourrais développer, mais – est-ce la peine ?)

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Thomas Gonzalez


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Tartuffe d'après Tartuffe de Molière ou voir tout sans rien croire ou l'histoire d'un homme traître à lui-même

On est bien chez Gwénaël Morin, on est tout bien ! On n’est pas dans l’institution (au sens dont en parle Joëlle Gayot). C’est très violent, très expressionniste et c’est très clair. Il n’y a pas de conventions, il n’y a que le premier degré de la langue. Et de la pièce. Le Radeau de la Méduse, au fond, en 8x8 photocopies. Les acteurs n’ont aucune pudeur. Ils jouent avec toute leur audace (comme on jouerait au lycée). C’est d’une jeunesse sinistrement folle. Cette pièce devient le patrimoine. Le seul qui vaille, le patrimoine commun de l’humanité, celui qui n’appartient à personne ou à tous. Mention spéciale à Ulysse Pujo qui joue le fils de la maison. Comme si « l’abruti » était une race. On voit ça – avec cette intensité – dans des films américains. On me demande après si je l’engagerais. « Oh, ben, ouais, sur le champ ! » Mais pas sûr que ça lui plaise. Gwénaël me dit poliment – ou timidement – qu’il serait temps qu’il voit quelque chose de moi. « Ah, c’est très différent… », dis-je (dans le sens : pas sûr que ça te plaise). « Mais, si, après tout, ça pourrait te plaire... » Il me dit qu’il aimerait Marlène, qu'il rentrerait dans ce que je fais par Marlène... C’est vrai que j’ai rencontré Marlène à la fin d’une semaine de stage avec lui, à Aubervilliers (je devais prendre la suite). Je lui avais dit, je me souviens : « Toi, tu es très douée, on fera ce que tu voudras. » Jusqu’à maintenant, j’ai tenu ma promesse. Marlène a toujours fait ce qu’elle voulait chez moi. Il ne faut jamais changer les acteurs, ni les bons ni les mauvais. Paraît que c’est même Klaus Michael Grüber qui le disait, alors (mais Woody Allen aussi). Moi, en tout cas, ce que fait Gwénaël Morin, je trouve ça surnaturellement épatant ! Clair et net. Noir/lumière. Je comprends tout. Très couillu, en plus. Sexy-dégueulasse. « Et ce n'est pas pécher que pécher en silence. » Y a plus qu'une seule fille dans la compagnie (sa copine, je crois), mais ça marche bien. « C’est très convainquant », répétait une parisienne derrière moi après les saluts chaleureux. Plus que ça ! Vivant, neuf, frais béton frais.

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Correspondance rapide avec Joëlle Gayot

Bonjour, Joëlle,

J'ai enfin trouvé votre article dans la revue « Ubu » que vous me recommandiez cet été. C'est épatant ! Et je suis épaté aussi par votre talent ! Vous inventez le théâtre ! Et si vous aviez raison ? Comme je le dis sur mon blog, ça m'a remonté les chaussettes, votre enthousiasme ! Vous le communiquez très bien et j'ai fait très attention aux noms que vous citiez. Comme je n'en connais pas la moitié, mes yeux pétillaient de joie et salivaient d'envie (je sais que ce mot ne concerne pas les yeux, mais je lisais...) J'aime particulièrement : « Une minute dure deux heures, une heure dure une poignée de secondes. » qui me rappelle, presque exactement formulé, ce que disait Vénus à Avignon. Je présenterai un nouveau spectacle le 8 octobre à Montévidéo (actOral) que je viens de répéter (en trois jours sur place). Jusqu'à la générale hier soir, il était sublimissime. Il fait quarante minutes, mais j'espère, j'en ai eu la sensation, que ces minutes soient des jours. Il est en référence à ces mots de la Genèse : « Il y eut un soir, il y eut un matin » et il s'appellera (peut-être) La Mort d'Ivan Ilitch. A moins que ça s’appelle : Qu’est-ce que la danse ? Il ne pèse rien et pourtant, comme vous le dites très bien, il est d'une parfaite gravité équilibrée – gravité terrestre – car on y dit, par exemple : « Là-haut, tu dois croquer la pomme, / Monsieur le diable, / Mais le vieux plancher des hommes, / C'est formidable ! » Ou aussi : « La vie, c'est plus pétillant/ que le champagne ! » J'ai aimé, bien sûr, que vous parliez de l'acteur comme du centre impérieux de ce théâtre. Voilà au moins une chose que je n'aurais plus à répéter ! A Marseille, j'ai eu de la chance, comme toujours : c'est Thomas Gonzalez (vous voyez qui ?) Impérieux, absolu et seul, nu et infini comme la note d'un oiseau. Et cette proposition, comme vous le dites, s'est évidemment pensée autour de lui, « garant de la théâtralité ». Oui, « Autour, finalement, ce n'est qu'organisation de l'espace, de la durée et des signes... » C'est un plaisir d'être si bien compris que j'aurai maintenant l'impression de vous suivre, moi. Impression qui me sera bien flatteuse et bien agréable, je vous l'assure ! Ainsi, avec toute mon amitié, je vous dis à bientôt

Yves-Noël



Cher Yves Noël,

Etrange que vous m'écriviez aujourd'hui (j'avais à cet égard dans mes tiroirs un exemplaire d' « Ubu » pour vous, mais vous ne m'avez jamais donné votre adresse). Merci pour votre mail, je disais « étrange » car j'ai parlé de vous il y a moins d'une semaine (je parle souvent de vous au sens large comme de ce qui existe de plus réjouissant dans le théâtre actuellement), mais, là, en l'occurrence, c'était avec le philosophe Alain Jugnon que j'avais invité sur Artaud et qui disait que si Artaud existait aujourd'hui, il ne vous désavouerait pas. Tout à coup, le parallèle m'a paru limpide, non sur la folie du bonhomme, mais sur sa capacité à jaillir de manière éruptive et étonnante, comme un diable sorti de sa boîte, dans les endroits les plus probables et les plus improbables. Vu l'état d'apathie du théâtre en ce moment, savoir que vous êtes là fait un bien fou. D'artistique, vous devenez thérapeutique... Je plaisante, mais à peine. Continuez, ne vous laissez pas dévorer tout cru par les loups aux dents longues qui ne manqueront pas de vous guetter au coin de leur bois institutionnel. C’est tout le bien que je NOUS souhaite.

Amicalement
Joëlle



Moi aussi, NOUS... Mais ne vous inquiétez pas pour les loups institutionnels (c'était la seule partie que je trouvais peut-être un peu surchauffée dans votre somptueuse et précise rêverie, l'enthousiasme à croire que l'Institution, à un moment, prend forcément le relais). Moi, je n'ai rien de prévu cette saison, voyez, ça n'est venu à l'idée d'aucun loup... Je me sens encore très sécurisé... J'adore l'institution et je n'y ferai, je crois, que ce que je veux... La salle de l'Odéon ou les Bouffes du Nord ou le cloître des Carmes..., ce serait somptueux, non ? Ah, là, là... Vous savez le mot de Jean Blaise (rapporté par Patricia Buck) à l'occasion de mon premier one man show, En attendant Genod, au Lieu Unique, à Nantes : « Il est génial, mais il va s'faire récupérer très vite par le show-biz... » Ça m'a fait tourner l'esprit un moment, ça... (Bien que je savais aussi que ça prouvait juste que je savais jouer à la star.) Avec votre aide, peut-être... (Plus celle de Philippe Katerine qui m'institutionnalise dans une de ses dernières chansons, « Morts-vivants »).

Au plaisir

YN

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Belle du soir

"C'est l'problème avec la démocratie, on peut débattre de tout."

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