Monday, June 21, 2010

Hostellerie de Pontempeyrat

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La Pub

Oh, darling, tu me fends le cœur !
Je n'ai absolument aucun jour de travail l'année prochaine, les choses qui avaient été évoquées se sont cassé la gueule et rien n'est venu les remplacer. Personnellement je m'en fiche, mais c'est pour vous, j'aime tellement travailler avec vous ! Je suis content qu'Audrey soit enceinte ! C'est drôle, elle m'avait dit qu'elle ne partait plus au Japon finalement et qu'elle pouvait me retrouver (pour un projet à ActOral qu'on avait évoqué au moment d'Hamlet, mais qui s'est aussi déglingué). J'ai transmis ta demande à Maya, mais je n'ai plus de nouvelles d'elle depuis un moment. Plus personne n'a d'argent et je suis, bien sûr, le premier rigolo dont on se passe. Rien que de très normal. (Je m'inquiète pas.)
En juillet, je joue à Avignon (tous les jours à 18h, à la Condition des soies). Je vais faire Vénus et Adonis, mais tout seul, puisque je paye tout (je loue la salle, etc.) et que je n'ai pas les moyens de faire venir du monde. Sauf un invité par jour trouvé sur place. Si tu es par là... (Felix y sera.)
Le workshop was great.
Hier j'ai fait les lumières d'un concert de Jeanne à la Flèche d'Or, ça aussi, c'était great ! Elle était trop mimi (elle s'est mise toute nue, à un moment...)
Bref, je vais très bien, je voudrais bien te croiser cet été !
C'est drôle, ton mail m'arrive juste après que je t'ai vue dans une pub sur Internet ou cru voir - c'est possible ? - tu étais extrêmement belle et glamour, Pierre frappait à la porte, mais je n'ai pas réussi à retrouver cette pub, ça te dit quelque chose ?

Love tenderly

She walks in beauty like the night, c'est toi


Yvno

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Mon rêve, l'inconscient

Pour finir encore, chers amis stagiaires, j'avais envie de vous recopier la page de la dernière conférence de Jorge Luis Borges dont je vous ai lu des extraits hier. (Ces conférences, regroupées sous le titre L'art de poésie (Gallimard), m'ont, comme vous le savez, servi de Bible durant ces trois semaines où il nous a été offert de délicatement soulever quelques voiles - ou quelques lièvres...)

Il dit ceci :

"Quand j'écris, je m'efforce de ne pas comprendre ce que j'écris. Je ne pense pas que, dans le travail d'un écrivain, l'intelligence ait un grand rôle à jouer. Un des péchés majeurs de la littérature moderne, c'est le manque de naturel - "naturel", vous connaissez ce mot et sa signification, n'est-ce pas ? -, l'excès de conscience de soi. Par exemple, je considère la littérature française comme une des plus grandes littératures mondiales (personne ne peut le contester, j'imagine), et pourtant le sentiment qui s'impose à moi, c'est que les auteurs français sont en général trop attentifs à leurs personnes. Un écrivain français commence par se définir avant de savoir ce qu'il va écrire. Il se dit : Que doit écrire - par exemple - un catholique ayant des sympathies socialistes et né dans telle ou telle province ? Ou bien : Comment faut-il écrire quand on est un écrivain postérieur à la Seconde Guerre mondiale ? Je suis sûr qu'il y a de par le monde beaucoup d'écrivains que des problèmes imaginaires - "imaginaires", oui, "des problèmes imaginaires" - de ce genre tourmentent ainsi.
Quand j'écris (je suis peut-être l'exemple à ne pas suivre, j'ai peut-être pour fonction de signaler un terrible danger), quand j'écris donc, je m'efforce d'oublier complètement ma personne, d'oublier tout ce qui me concerne. Je ne cherche pas, comme par le passé, à m'affirmer comme un "écrivain sud-américain". J'essaie seulement de communiquer mon rêve - "mon rêve", l'inconscient -. Et si ce rêve a des contours flous (comme c'est souvent le cas), je ne cherche pas à l'embellir ou même à le comprendre."

Vous voyez, je suis dans le TGV et je suis encore avec vous. Ce qu'il y a de bien avec un stage comme celui dont nous avons eu l'ambition, c'est que l'enseignement ne commence ni ne finit. Borges s'intéressait à des "bagatelles" selon son propre mot, des bagatelles qui étaient des choses comme le cosmos, le mystère du temps qui passe, qui s'écoule comme un fleuve, vivant comme un torrent et de l'identité qui demeure (l'être), l'éternité (le diamant), avec la vie et la mort comme données délicates, vos cœurs accrochés au mur, des coordonnées momentanées sur l'échelle du temps, "pour une fois que nous n'sommes pas morts", disait, comme vous le savez aussi, Marguerite Duras.

Donc nous n'avons pas été morts, nous ne le sommes toujours pas.

Permettez-moi alors (en imitant le style du conférencier Borges) de vous exprimer ma profonde gratitude. Pour ma part, je ressors, du creusement (large) de ces trois semaines, beaucoup plus fort, semble-t-il. Et vous avez été, chacun à votre manière, les actifs bâtisseurs enthousiastes de cette santé psychique dont je bénéficie à présent (prêt pour Avignon). Merci infiniment. Vous m'avez bâti une cathédrale...

Terminons donc encore par les dernier mots de l'écrivain aveugle :

"S'il vous arrive de penser qu'ici vous avez entendu occasionnellement une bonne conférence, je dois vous féliciter car, tout bien pesé, vous avez travaillé à mes côtés. Sans votre concours, je ne crois pas que ces conférences auraient paru bonnes, auraient même paru supportables."

Supportons-nous les uns les autres !

Oui, c'est aussi simple que ça, le théâtre (la poésie) est collaboration.

Quelque chose comme "le stage" a été une œuvre en soi, contenant, en son sein, pour moi, plusieurs formes surprenantes et nommables (abouties) et du chaos aussi, il en faut, pour le mystère de l'informe. La nature, présente, elle l'était, c'est sa définition, comme dit Paul Celan : toujours prête à aimer et à être aimée. La pluie sinistre a été violente et nous a rapprochés au coin du feu. David Lynch nous a aidé en dernière semaine. Un Français et une Anglaise se sont aimés. Que demande le peuple ?

Je vous souhaite à tous de parcourir le monde en répandant la bonne nouvelle de votre métier si peu sot, d'audace et de fragilité.

Tenez-moi au courant des nouvelles.

Merci enfin - alors que nous arrivons à Paris et que le train ralentit - merci à Arnaud, bien sûr, dont la présence nous a permis de ne pas nous retrouver treize à table ! (Même si Judas, dans la légende, a aussi un destin enviable, suggère Jorge Luis Borges.)

Allez et prospérez, vous mes apôtres ! (C'était donc une secte...)



Yves-Noël Genod

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L'Insouciance (bilan de stage pour l'Afdass)

Le stage se termine le jour où apparaît dans les journaux ("L'Equipe") ces mots en première page : "Va te faire enculer, sale fils de pute !" C'est un joueur de l'équipe de France qui s'adresse à l'entraîneur, au moment de la Coupe du Monde. Pourtant il y avait ce beau mot d'"insouciance" qui rimait avec France dans la chanson célèbre, celle d'un artiste un peu passé. "L'insouciance", voyez, c'est ce que nous avons essayé de tenter, ici, à Pontempeyrat, pendant trois semaines qui en ont paru beaucoup plus parce que le temps, le vrai, n'est pas - et de très loin - celui de l'actualité.

C'est ce que j'avais appelé "Jouer Dieu", le contraire de ce qui se joue en ce moment en France et dans l'équipe de France. L'équipe de France au pouvoir. "Jouer Dieu", ça a été s'opposer aux valeurs de l'extrême-droite qui ont actuellement pignon sur rue dans une France certes toujours très sympathique, vivante, mais extrêmement régressive, déprimée. S'y opposer par les seuls moyens du bord disponibles : le plaisir, la poésie, l'insouciance. Ce qui ne s'appelle pas "l'actualité", mais que nous avons, nous, appelé une formation. L'équipe de permanent de Pontempeyrat (Sébastien, Nicolas, Michaël, Corinne, Thierry, Dalila...) a certainement un peu la même vision des choses car nous avons été accueillis (le temps d'une saison des pluies torrentielles qui nous a rapprochés au feu de cheminée) parmi elle comme des rois...

Yves-Noël Genod

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