Sunday, October 04, 2015

L a fine équipe


Anna Perrin, Jean-Baptiste Lévêque, Odile Heimburger, Antoine Roux-Briffaud

Labels:

D ans la nuit


Hier, première avant-première d’un spectacle exceptionnel — je sais, il y a quelque chose d’absurde à ce que ce soit moi qui le clame, mais — qui puis-je ? — aucun journaliste, aucune « attachée de presse », aucun relai, ce théâtre est dans un radicalisme de disparition et moi qui arrive avec le même radicalisme (de disparition, c’est même le nom de mon association : Le Dispariteur), ça fait beaucoup, c’est comme si Gwenaël et moi on appuyait sur le champignon du « à contresens » et bien sûr qu’on est beaucoup à penser qu’il faudrait aller à contresens, mais c’est faux aussi, il n’y a pas de contresens, c’est ce que je vois quand je distribue le journal sur le marché de la Croix-Rousse, je vois que les gens, la population, sont tous les mêmes et qu’il n’y a pas de contresens, en un sens c’est terrible aussi pour les gens qui souffrent et qui meurent : il n’y a pas de contresens — et si les mauvais revenaient au pouvoir, il n’y aurait peut-être toujours qu’une poignée de gens pour qui le contresens serait le sens, on les appellerait des « Résistants » ou parce qu’ils seraient si rares et qu’ils ne « résisteraient » même pas des « Justes ». Hier, quelques personnes viennent, reviennent du premier spectacle, passionnées, passionnées de ne pas savoir à quoi s’attendre, aimant cela, pour les avant-premières il n’y a pas de feuille de salle, personne ne sait rien, ni les spectateurs ni les acteurs de plain-pied, on ne sait rien, on ne sait pas si un spectacle qu’on a certes « préparé » va « prendre », c’est comme un soufflé, c’est comme une opération délicate en cuisine — ou en chirurgie — ou en art... J’ai discuté avec une femme qui restait là dans le hall, qui d’abord ne pouvait rien dire, encore sous l’emprise de ce qu’elle avait vu et puis elle a dit cette phrase importante : « C’est la beauté à l’état brut » qui m’a rappelé ce qu’avait écrit Olivier Normand après Oh, pas de femme, pas de cri : « C’est comme des pierres non serties »*. Et puis elle et son mari (sans doute) ont dit des choses très intéressantes et puis elle a dit aussi : « Il n’y a rien pour nous distraire », ce qui m’a rappelé cette phrase de Pascal tiré du célèbre texte sur le divertissement que je cite souvent aux acteurs : « Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre » (sens : que l'homme ne supporte pas d’être face à sa condition, c'est-à-dire face à la chétivité de l’existence). Et je dis souvent aux acteurs — et je le dis aux spectateurs exactement de la même façon, comme une utopie : Qu’est-ce que ce serait un homme qui supporterait de demeurer en repos dans une chambre ? Pour moi, cette chambre s’appelle évidemment un théâtre. Alors, vu sous cet angle, il est normal qu’il y ait peu de monde... Nous les appellerons des Justes« Dommage que vous ne soyez pas journalistes ! », j’ai dit au couple qui repartait dans la nuit et dans la pluie lyonnaises...



« On sait que les pierres ne sont jamais si belles que lorsqu’elles ne sont pas serties. Le bijou — bague, collier, rivière — leur ôte souvent cette eau qu'on ne connaît que dans le creux de la paume, à la faille des doigts (préciosité de la métaphore).
Ici les gemmes aussi sont si peu serties. À l’anneau, à l’alliage, on préfère l’écrin. Ici c’est l’écrin (bien sûr, la boîte noire) qui compose. Comme d’'un coup de dé, secoué. Et de parier sur la capacité des pierres, dans l’écrin remué, à se rencontrer peut-être, et à composer par elles-mêmes, le spectacle de leurs feux secrets, et conjoints. » 

Labels:

R erun : Arthur Rimbaud, 'Illuminations'


BARBARE


Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays,
Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n'existent pas.)
Remis des vieilles fanfares d'héroïsme — qui nous attaquent encore le cœur et la tête — loin des anciens assassins —
Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n'existent pas.)
Douceurs !
Les brasiers, pleuvant aux rafales de givre, — Douceurs ! — les feux à la pluie du vent de diamants jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous.
— O monde ! —
(Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu'on entend, qu'on sent,)
Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.
O Douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes, — ô douceurs ! — et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques.
Le pavillon...

P rince Jésus


Antoine Roux-Briffaud

Labels: