Saturday, November 07, 2020

L e Genisme


Mes pauvres enfants ! Ronan me dit que les voyages sont annulés (effectivement, comment faire ?), mais comme c’est triste, ça ! Mes pauvres enfants, le monde a besoin de vos talents ! Personnellement, j’y crois beaucoup ! Vous n’êtes pas des surhommes ni des surfemmes, vous êtes des femmes et des hommes de votre temps, mais  vous pouvez refaire à vous tout seuls l’histoire du théâtre, j’en suis certain, je le sais. Bien sûr, le cinéma vous attirera, mais permettez à un vieux théâtreux de vous serrer encore contre son sein. Personnellement, vous m’apporteriez beaucoup à refaire l’histoire du théâtre. Vous en avez le tact. Je lis une phrase qui m'enchante dans un roman dont je feuillette les premières pages en ligne (chez POL, titre avec « demoiselle » dedans) : « Aie l'air de ce que tu n'es pas : jeune et moderne » — vous m’y aidez. Vive le jeunisme ! (Pardon, Laure Adler.)

Amitiés, 

Yves-Noël


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Bonjour Charline Martelat, 


Oui, faites-nous bien part de toutes vos difficultés. Vous faites un métier difficile et admirable. Ma mère n’est sans doute pas toujours une personne aimable (elle ne l’a pas été dans sa vie). Nous avons fait le choix, mon frère et moi,  de la garder encore chez elle, malgré le coût que nous ne pourrons pas longtemps assuré de payer la place réservée en EPHAD. Mais, après quelques consultations, nous avons pensé qu’il serait tragique de l’y placer dans la situation que nous connaissons (et qui peut encore empirer), peut-être même criminel. Chaque fois que je descends voir ma mère, je cherche à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Je suis émerveillé de ce qui l’émerveille elle, la capacité de se souvenir de certaines choses, de pouvoir répondre à certaines questions, de connaître encore nos prénoms, de marcher vite, de reconnaître le chemin, d'écrire, etc. Ma mère n’a que très peu, peut-être même jamais, vécu dans le présent. Peut-être que c’est ce qu’elle est en train de découvrir en ce moment : le présent. Il faut voir ce qu’il lui arrive comme un début, pas une fin. Vous avez raison de vouloir garantir la sécurité de ma mère. Mais, à son âge — et dans son état —, la sécurité, c’est bien peu. Retarder sa mort de quelques mois ou de quelques années, ce n’est rien, presque rien. Plus important est de la suivre dans ses plaisirs, ses plaisirs nouveaux, ses libertés nouvelles. Je vous assure, il y a quelque chose de nouveau qui se joue. Un accès à la tendresse. Ça durera ce que ça durera, mais il faut l’aider à vivre cette connaissance qu’elle découvre peut-être : la vie.  Vous ne pouvez pas la connaître comme je la connais, bien entendu — et comme je suis comédien et que je n’ai donc plus de travail, je descendrai plus souvent (à partir du 15 novembre), m’occuper de ma mère, l’aider à vivre ce présent. N’hésitez pas non plus à me poser des questions… Nous espérons pouvoir passer Noël ensemble et, alors, nous la placerons en EPHAD en janvier parce qu’il n’y aura plus d’argent pour le dédoublement des dépenses.

Bien à vous,

 

Yves-Noël Genod

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« Le fragment, c’est déjà l’utopie du tout, c’est déjà l’utopie de l'universel. Heureusement nous n’avons pas accès, dans la vie, au tout, mais à ses serrures, à ses trous qui nous permettent justement de trouver une parole ou de trouver les mots d’un ensemble, de l’ensemble des ensembles. »

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