Wednesday, November 13, 2019

L 'Amour



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L 'amour m'a détruite


Spectacle, je dirais, EXCELLENTISSIME du collectif Gremaud/Gurtner/Bovay dans votre ville ! (Paris). Jusqu’à dimanche, aux Abbesses — important : ne pas se mettre aux places très mauvaises du balcon. Si vous voulez rigoler de tous les malheurs du monde — je veux dire, les erreurs —, allez-y ! Ça rétablit la vérité. Oui — la preuve —, le théâtre, dans certain cas, peut rétablir la vérité. Quand tout est faux dans la société, dans la représentation de la société, de son spectacle, par exemple, les réseaux sociaux (ici-même : tout est faux), les journaux, les radios, les télés, quand tout est faux, le théâtre rétablit, peut rétablir la vérité. On le voit dans les sociétés de grande censure (comme la nôtre), le théâtre seul, l’expérience du théâtre a le pouvoir, c'est-à-dire la subtilité, la fugacité, la vivacité de contourner cette censure. Je suis quelqu’un de miné (je prends tout dans la gueule) de ce que je lis sur les réseaux sociaux, dans les journaux, ce que j’écoute à la radio et à la télé, je prends tout dans la gueule parce que je ne peux pas y participer car ça s’appelle exactement de la consommation. Alors, oui, je reconnais la vertu thérapeutique du théâtre. De celui de ce slapstick trio. Moi, leur théâtre, je participe. Je participe jusqu’à perdre pied. Ce qui est bon et juste. Et ça me donne envie de faire du théâtre, mais im-mé-dia-te-ment. Voilà. Du théâtre. Immédiatement comme respirer. Théâtre-yoga. Gremaud/Gurtner/Bovay donne de l’air à l’art, un peu dans le sens de cette citation de Jean Dubuffet recopiée à la Collection de l’Art Brut, à Lausanne : « L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle ». Le merveilleux trio burlesque dit aussi, dans le programme : « Ce qui nous plaît, c’est un travail très fin, qui porte le regard sur ce trouble entre l’apparence et ce qui se situe en dessous ».

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Très cher Yves-Noël,
Merci de ton message!  Quel plaisir!  J’espère que tout va bien.
We’ve had a strenuous year.  Max moved out in July; he quit college and joined the army.  He’s finally gained some confidence, even though he’s homesick!  The photo below was taken the day he left.
Leo has been rather shaken by all this.  In the evenings, he liked to stay up late with Max, and now his buddy is gone.  He took a couple of acting classes in the city, but that’s fizzled out, and it seems he’s had his fill.  He’s still teaching karate, which is the one constant in his life, though he’s not making enough money to be independent.  He’s also rather unambitious; he doesn’t really know what he wants.  When he has too much time on his hands, he gets weird thoughts: his nose is crooked, his spine is misaligned, etc.  At the moment he’s doing well, at other times he’s depressed.  Karli is busy with dance and classes.  She’s applying to college, which absorbs much of her time.  She might be leaving next summer, then Leo will be alone with us, and he’s not looking forward to that.
For the past two months, we’ve been trying to sell our house, to cut down costs (or so we hope).  So far no one is interested.  We cut the price last week, and now we get more traffic, which also means that we get uprooted a lot: realtors call to schedule an appointment, and sometimes we only have an hour to get out.  The house is pretty much empty.  We sleep on Japanese mattresses which we fold up and push into the closet during the day.  We have a kitchen table, four chairs, and a sofa in the basement, that’s it.
Monica has dissolved her home studio.  She’s taking pictures outside.  Not much business over the summer, and probably not much in the winter either.
Max gets 10 days off over Christmas and will come home to visit.  We’re all looking forward to seeing him; looks like we will still be in the same house.  We flew to his graduation from boot camp in Oklahoma last month.  Now he’s stationed in California for a year, so even farther away from NJ.
That pretty much sums it up.  I still get occasional notes about your performances, and it looks like you’re busy and traveling a lot.  I hope you are content, mfr.
Bises,
M.

Merci beaucoup de ces nouvelles, cher Martin. Je les lis une nouvelles fois aujourd’hui à Paris. J’avais eu l’impression de lire un texte (ou une lettre) de Tchekhov la première fois, ce qui se confirme. La même manière de parler de la vie matter-of-fact que j’admire et qui m’effraye. Moi, je suis tellement dans les rêves ! Ce dont Tchekhov parle aussi beaucoup (comme dans cette nouvelle que je viens de lire qui s’appelle Ma vie). J’ai moins de travail qu’auparavant — ou disons qu’il y a moins l’élan vers l’avant et l’engouement qu’il y a eu autour de moi. J’ai du mal à comprendre l’époque — ou à ne pas la comprendre, mais à y vivre sans me poser plus de questions que la jeunesse. Tout est plus lent, pour moi, la réflection. Mais je suis allé donner un spectacle à Rio de Janeiro au mois de juin (sur un texte de Michel Houellebecq : Rester vivant). Une très belle ville. J’aimerais y vivre un moment (encore les rêves). Un autre spectacle à Paris en septembre sur Merce Cunningham qui m’a beaucoup amusé (dans le style stand-up comedy). Je suis étonné et heureux de toutes les nouvelles que tu me donnes, de votre vie à tous. Sans doute parce que je viens aussi de lire Lolita, de Nabokov, vos vies ont, pour moi, le charme de l'Amérique (rien que les mots « boot camp in Oklahoma » !). Je ne savais pas pour Leo, le karaté. C’est chouette, ça ! Ils sont beaux et étranges, tes trois oiseaux-enfants au bord de s’envoler. Ils semblent (et tu le dis) s’aimer beaucoup. Embrasse-les pour moi et transmets-leur mes encouragements à tous et spécialement bien sûr à Leo. Je me demande où vous pensez loger, Monica et toi, après que vous ayez vendu votre maison, de nouveau en ville ? Embrasse tendrement Monica pour moi et, moi, je t’embrasse, m fr
Ah, by the way, une chose dont je ne parle encore à personne ou presque : je fréquente de nouveau une femme (depuis cet été). Je ne dis rien parce qu’elle est, elle, mais extraordinairement loquace (elle est coiffeuse) et qu’elle en parle, elle, à tout le monde (même à ceux qu’elle aborde dans la rue). Donc ça me guéri de l’indiscrétion — que j’ai pourtant cultivée aussi à d’autres époques. Heureux que nous soyons encore vivants tous les deux, mon cher ! sur ces deux continents pourtant éloignés et secrets…
Yves-Noël

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