Saturday, April 03, 2010

Les spots

Stan Briche
Bah, tu devais venir et on t'a attendu, attendu, tu n'es jamais venu, snif, snif... C'était une super soirée ! Mais, bon, on fera une post-crémaillère bientôt pour les absents et tu en seras, j'espère ! La bise



Oui, sorry, c'était plein de mondanités, cette nuit-là, Ménagerie de Verre, La Flèche d'or, Théâtre de l'Odéon, Curio Parlor... et de taxis entre les spots.
Et puis, moi, dans les nuits, pour être heureux, boire et parler, ça m'suffit pas ! Il m'faut aussi baiser et dormir (suis-je exigeant !) Alors je suis rentré sans passer, en plus, de par chez vous ! Pleure quand même pas, bébé Stan...

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Journal d'un créateur, 5 avril

La petite fille - que j'adore - screams très bien quand je l'étrangle. Elle me perce le tympan. On s'amuse bien ! Elle me traite de devil ! Et de vile insect ! C'est dans le texte.

Je me demande si je ne vais pas ennuyer mes lecteurs à parler comme ça, pendant un mois et demie, de Frankenstein...
Mais que faire pour s'occuper ? Cette incroyable lenteur des productions. Je connais cette lenteur : l'opérette, ça fait un an qu'on est dessus et c'est loin d'être fini ! (Même si l'ACR va sortir bientôt.) Tellement long, l'apprentissage des choses ("sur le tas") en même temps qu'on fait les choses...

Enfin, j'ai l'impression, en écrivant cela, de dire simplement que je m'ennuie. Je ne sais pas comment Claude va éviter ça. Ça ne se sentait pas du tout sur America (en tout cas dans la version avec Lou Castel). Peter Brook dit qu'au théâtre, le diable, c'est l'ennui. C'est bien vrai. Aujourd'hui, par exemple, première partie de l'après-midi, les acteurs s'ennuient tellement : on ne ressent que ça, pas un mot ne perce de cette bouillie invraisemblable de l'ennui. (Et cette bouillie est spacieuse, il y en a des pages et des pages.) Je me demande pourquoi Claude n'enregistre pas les acteurs, au moins pour pouvoir travailler... Le ressassement, c'est la fin des haricots pour l'acteur.

J'ai failli voir Lou Castel hier au cinéma. Samedi en fin d'après-midi, Mélanie Alves de Sousa et Sophie Laly sortait du film de Marco Bellocchio et comme elles nous croisent, Pierre et moi, devant la librairie Colette où Pierre vient d'acheter le dernier livre de Pierre Guyotat et un cadeau pour son père dont j'ai oublié le titre, elles nous le recommandent chaudement. Il s'agit des Poings dans les poches, au Latina. Donc je le propose hier à Giovanni qui voulait aller au cinéma (Giovanni Bermond des Ambrois, de passage à Paris). Puis je regarde sur Youtube quelques extraits : en effet, Lou Castel, jeune, y est magnifique (il joue le mal et y arrive très bien). Mais c'est l'histoire d'un enfant épileptique qui tue tout l'monde. Comme Giovanni a maintenant des problèmes avec l'épilepsie (parce qu'il s'est fait opéré cette année d'une tumeur au cerveau), je me dis que ce n'est vraiment pas la bonne idée. Mais nous ne nous sommes pas compris par SMS : Giovanni m'attendait à huit heures devant le cinéma (du coup il a vu le film sans moi et l'a trouvé très bien). Je ne sais pas pourquoi je raconte ça. Quel est le sens et qu'est-ce que je veux dire ? Je m'ennuie, c'est tout. Je suis affalé dans un des couloirs du Théâtre National.

Tout à l'heure, je cherchais où déjeuner, c'est lundi de Pâques, tout est fermé, quelqu'un du théâtre me dit : "En face du théâtre, de l'autre théâtre, le théâtre flamand, y a un p'tit GB qu'est p't-être ouvert." (Ce sont les magasins de la chaîne Carrefour qu'on appelle GB, anciennement Grand Bazar.) C'est ainsi à Bruxelles, l'offre en théâtre est plétorique puisque tout est en double (sauf le public qui ne suit pas) : s'il y a un théâtre Ouallon, il faut obligatoirement qu'il y en ait un flamand et vice versa lycée de Versaille. La ville est truffée de ces bâtiments superbes, presqu'autant que d'églises, où l'activité est au ralenti. Nous habitons d'ailleurs, les Anglais et moi, dans les locaux d'un théâtre tout neuf bâti en post-modernisme dans une ancienne église : Les Brigittines.

Du train, de ma première classe dans le train, j'appelle Marlène à l'aide au sujet du rôle. Elle me dit que le mal absolu, pour Edward Bond (c'est un ami à elle), c'est Macbeth. Oui, ben, ben, oui, ben, j'ai du boulot sur la planche ! Je ne me voyais pas me lancer un jour dans l'interprétation des salauds de l'histoire (même du théâtre), encore moins maintenant. Ça m'est impossible de jouer ça ! Du coup, je ne fais rien - en espérant que les lumières et les cris d'enfants feront l'affaire et m'en sortiront.

Maintenant Claude, prenant le taureau par les cornes et puisque rien n'allait avec rien, a renvoyé tous les acteurs et ne travaille plus qu'avec un seul, Fabien (l'un des Célibataires) - et ça marche ! (bien qu'Arié me chuchote : "C'est Radio Vatican !") Mais, quand même, ce qui m'étonne, c'est qu'il y a, même là, comme ça, gentiment, une lourdeur de l'effet - comme si le noir, nous devions nous en charger (le noir du romantisme ?) Et le pauvre Fabien qui raconte, il faut dire aussi : "Tu enfanteras dans la douleur...", a bien du mal à ne pas paraître le dernier des misérables. Ah , ah, romantisme, tu n'as qu'à bien te tenir ! Le combat, nous l'acceptons. Pour le moment, tu as l'air de l'emporter, mais nous n'avons pas dit notre dernier mot (nous, les vivants). Nous relevons le défi !
J'entends : "...Les épines des roses... L'herbe des champs... (Rire sardonique.)"

"Bon, bon", dit Claude, se tournant vers l'issue, vers lui-même, vers l'issue, vers lui-même, l'issue...

"Gravissons la montagne du Dasein !" dis-je, mais la petite fille uniquement rit. Elle connaît déjà deux langues - peut-être connaît-elle aussi l'allemand ? Elle est émouvante avec son énorme brochure jaune (proportionnellement), jaune d'or sur ce fond noir. This wonderful colour reminds me of le Grand Intérieur de Matisse, si vous vous souvenez, celui qui présente sur la droite un grand personnage de femme tout en noir et portant à la main un livre jaune d'or dont Matisse disait, avant de l'avoir fini, à son acheteur : "Vous verrez, quand j'aurais mis le jaune du livre, ce sera d'une beauté sublime."

Claude félicite la petite fille : "It's really better with Yves-Noël." Et j'ajoute : "Yes, it's coming... by itself." Il me félicite aussi. En effet, je comprends qu'il ne faut pas du tout jouer ce qui est dit. Et le monstre, en plus, alors là, tout le monde en est obsédé ! Il ne faut bien sûr jouer qu'une seule chose - c'est pourtant ce que je dis toujours aux acteurs - il ne faut jouer que la liberté. Le Dasein, la petite fille le sait parfaitement, la naïveté du Dasein. Hier, je regardais une vidéo où Stanislas Nordey expliquait qu'il s'était remis à jouer parce que ça l'aidait aussi à comprendre plus concrètement comment enseigner.

Mais tout le monde est meilleur - ou alors, c'est la perception, ma perception. Plus personne n'a l'air de jouer ce qui est dit (et comme tout est dit, il n'y a donc plus rien à jouer). L'effet "voix off" commence à fonctionner.

"...Trois phalus, comme une poignée d'haricots cuits, erraient parmi les ténèbres à la recherche de leur rigidité perdue...", dit Francine, farine à gâteau. Et Arié s'emmêle les pinceaux de (vrai) peintre sans peinture dont je n'ai pas encore vu les toiles...

"J'étais prisonnier d'un paradis de dupe...", dit encore Arié qui joue un philosophe, le père de Mary Shelley (je ne sais plus son nom). Il y a de belles phrases, quand même... On y croit ! C'est la fin de la journée. Bonne journée, finalement... "Le diable qui s'éveillait en moi...", c'est dit très doucement, c'est effrayant (la douceur, seule...) Hedydd se tourne vers le public (c'est à dire, pour le moment, vers le mur) et prononce ces mots anglais : "Alone - on a wide, wide sea !"

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