Saturday, July 28, 2012

Un texte pour rire de Pierre Notte (paru dans « L'Avant-Scène Théâtre » du Gros, la Vache et le Mainate



« Plus tu baisses ton slip » 
Pierre Notte

Répétitions, salle Topor, théâtre du Rond-Point. L’acteur Alexandre Styker traverse le plateau, culotte aux chevilles, fesses nues, la bite à l’air. Yves-Noël Genod, poète aux cheveux d’or et pantalons fluo, le guide. Le poète peut tout dire, il se permet tout. Il lui dit ça : « plus tu baisses ton slip, plus l’espace s’ouvre autour de toi ». La nudité fait ça. Tout sexe dehors, la peau offerte, cul nu. Cela fait ça. Ouvrir l’espace, casser les murs, faire tomber les frontières et les principes. Il part en vrille et en miettes, le quatrième mur, et Aristote ravale ses pissenlits par la racine. Là où tout est faux, et c’est fait pour, faire faux, fabrique à faux, apparaît soudain la vérité pure, droite. Le réel indubitable.
Encore au Rond-Point, comme à Avignon, à l’Odéon ou à Chaillot, on a fréquenté les phallus en vrac d’Olivier Py, les vagins en friche de Rodrigo Garcia. Frank Castorf a trituré le paroxysme en chatouillant Dostoïevski ou Dumas fils, il nous plantait devant les yeux des écrans géants avec des extraits de films pornos, gros plans organiques et imposés, d’où le mensonge, la convention, le faux semblant étaient expurgés. Rien ne peut être plus vrai qu’un coït filmé de prés. Obscène, en avant scène et en gros plan. Obscène, puisque la vérité est là, jaillissante. Obscène, comme la pluie sur un plateau si elle est représentée par une eau qui tombe. Parce qu’elle ne peut être que vraie, c’est de l’eau, donc de la pluie. Du réel, de l’obscène, la vérité toute nue qui s’impose à l’avant scène. C’est une provocation, une bousculade violente des repères bien intégrés et des fracas de murs tombés. Baisser le slip, c’est agrandir l’espace. Il en va ainsi de l’intrusion du réel sur l’autel de la fabrication. Le corps nu, chez Fabre, Charmatz, Lauwers, Liddell ou Castellucci et d’autres, c’est aussi le corps sacrificiel. Le retour aux sources. Le cri du bouc et le sang versé dans cet espace de libertés, espace au cou parfois renfoncé, engoncé dans ses conventions. On vide le plateau des faussetés et le corps de ses liquides. À poil tout le monde. C’est l’heure de la vérité. La pluie du réel, on se la prend le plus souvent dans le Théâtre Public.
À la pluie, vraie flotte, l’écrivain Jean-Loup Rivière oppose la neige. Parce qu’elle ne peut être fabriquée là, ni importée en coulisses ou dans les cintres. On le sait, la neige sur scène, c’est une tombée de pelures de coton, du papier blanc, fabrication artisanale. Des miettes de ouate. Du vrai coton pour une neige imaginée, contre une fausse averse faite de vraie eau. La neige admise, comprise, acceptée pour telle, c’est le pacte signé avec la poétique de la représentation. La poésie soudain, parce que le faux fait croire, imaginer, travailler les yeux et ce qui reste juste derrière de phosphore mou. Là, à l’opposé des corps nus, on maquille, on rhabille, on voile. C’est le masque et le travestissement. Enneigement total des individus. On fabrique des monstres et des créatures. Le monde n’est pas montré tel quel. À quoi bon. On travestit, on transgenre. Chez Besset-Desveaux, dans Perthus, les mères sont transfigurées par deux comédiens. Pour son récital pathétique, Michel Fau se fait tragédienne en collants moulants. Le groupe des « Masques et nez » triomphe, les masques de La Dernière noce aussi. Ces grimés, masqués et autres trans, on les croise plutôt dans le secteur privé. Moins aujourd’hui chez Mnouchkine et encore moins chez Besson. Même si Mister Py devient Miss Kniffe, si Charles Berling déambule en travlo de Fassbinder dans L’Année des treize lunes pour Martinelli. Même si Alfredo Arias se déhanche en truie chez Marie Darrieussecq. Là, c’est le faux qui prime. Plein feu. On referme l’espace dans la boîte noire, l’écrin scénique, on remonte les murs, on solidifie le quatrième. À noter que les hommes se font femmes pour transposer ou transgresser, à moins que ce ne soit la poilade générale. À noter que si les actrices endossent des rôles d’hommes, Maria Casarès pour Bernard Sobel (Threepenny Lear), Angelika Winkler pour Peter Zadek (Hamlet), Fiona Shaw pour Deborah Warner (Richard II), le rôle en est alors transcendé, magnifié, sublimé. Amer constat. Impuissance masculine.
Chez Pierre Guillois, on mêle la pluie et la neige dans la boue du bonheur d’être au théâtre comme à la fête. Deux vieux grands acteurs sont travestis en tatas indignes, l’auteur déboule en talons hauts, et un playboy, tantôt postier ou livreur, débarque cul à l’air et le reste itou. Une vraie paire de fesses prise entre les feux de deux fausses tantes. Le Gros, la Vache et le Mainate, c’est un jour de repos pour les prises de tête. Les vrais membres et les faux masques, le privé et le public, les genres et les registres s’imbriquent, huilés, et se donnent bien du plaisir. Du sexe joyeux dans la jubilation du travestissement. Du vent dans les bronches, un peu d’air dans les pompes, et hop. La neige et la pluie, conciliés, réconciliés, font beau temps. Pierre Guillois et sa bande enfantent un théâtre hermaphrodite, jouisseur dans la catastrophe.

Pierre Notte est aujourd’hui auteur associé, conseiller au Théâtre du Rond-Point.

Labels:

Remboursez, salope !



Madonna insultée par ses fans, il aura fallu tout ce temps pour que je commence à l’aimer. « Les premiers seront les derniers », faut-il rappeler l’une des phrases les plus célèbres à son public homosexuel ? Quand une femme ou un homme montre de la faiblesse, c’est alors qu’il et elle sont émouvants. Dominer le monde m’a toujours paru non pas aimable – admirable, peut-être, en termes d’organisation – mais détestable. Mais, comme dit Olivier Steiner, les homos l'aimeront toujours – à cause de la nostalgie. Ça ! Time goes by so slowly...

Homme nu à mi-corps




J’ai rencontré ce garçon en vrai à Berlin. Très sympa ! On a parlé de la Révolution française (il parle avec un drôle d’accent). Je lui ai parlé de l’invention de la télévision, que nous sommes allés sur la lune, je lui ai dit qu’on avait arrêté de guillotiner, je lui ai dit qu’il aurait sans doute très bien dansé dans Tragédie, d’Olivier Dubois, que je n’ai pas vue, mais qui a triomphé au Festival. J’ai envie de retourner le voir aujourd’hui, je sais où le trouver, on m'a prêté un vélo, je suis fou amoureux.

Labels: