Thursday, September 27, 2012

La Neige du Night



Il y avait des livres qui s’étaient calmés. Avec des titres dépassés. Il n’y avait pas de titres à venir. Pas de recherche de titres. Le calme des objets délaissés – délaissés comme dans un jardin, oubliés sous la neige – la neige, peut-être, à venir. Dominique m’avait dit qu’elle regrettait son chien. Elle était sincère.

La voix incroyablement présente, incroyable profonde, comme « creuse » de Leonard Cohen et ces images qui n’en sont pas, creuses aussi, si on les regarde, beaucoup de femmes et de musiques, de transparences et de cheveux, lullaby…

Il y a très longtemps que je n’ai pas lu Duras et j’ai relu Le Navire Night, à Lyon, et j’ai été ébloui, l’histoire est si belle, si « night », si profonde, on dirait Michel Jurowicz disant Le Bateau ivre. Mais, en même temps, j’ai eu la sensation que c’était quand même très « fait », très composé, un peu dans le marbre, quoi. J’ai eu l’impression de connaître les trucs. Curieusement Claude Régy me l’avait dit, ça, il y a très longtemps, à l’époque où nous allions voir ensemble Marguerite Duras qui prétendait qu’elle voulait retravailler avec lui. Il m’emmenait parce qu’il savait que ça me faisait plaisir et c’était un temps où ça lui plaisait. Il m’avait dit, alors que je m’horrifiais de le voir si désinvolte avec Marguerite, parfois même agacé, alors que j’étais moi en pleine adoration, en sur-adoration, il m’avait dit qu’il connaissait trop « comment c’était fait » et que donc son intérêt pour elle, même s’il l’admirait et la comprenait totalement, avait fondu.

Everything and Nothing



« There was no one in him; behind his face (which even in the poor paintings of the period is unlike any other) and his words, which were copious, imaginative, and emotional, there was nothing but a little chill, a dream not dreamed by anyone. At first he thought everyone was like him, but the puzzled look on a friend’s face when he remarked on that emptiness told him he was mistaken and convinced him forever that an individual must not differ from his species. Occasionally he thought he would find in books the cure for his ill, and so he learned the small Latin and less Greek of which a contemporary was to speak. Later he thought that in the exercise of an elemental human rite he might well find what he sought, and he let himself be initiated by Anne Hathaway one long June afternoon. At twenty-odd he went to London. Instinctively, he had already trained himself in the habit of pretending that he was someone, so it would not be discovered that he was no one. In London he hit upon the profession to which he was predestined, that of the actor, who plays on stage at being someone else. His playacting taught him a singular happiness, perhaps the first he had known; but when the last line was applauded and the last corpse removed from the stage, the hated sense of unreality came over him again. He ceased to be Ferrex or Tamburlaine and again became a nobody. Trapped, he fell to imagining other heroes and other tragic tales. Thus, while in London’s bawdyhouses and taverns his body fulfilled its destiny as body, the soul that dwelled in it was Caesar, failing to heed the augurer’s admonition, and Juliet, detesting the lark, and Macbeth, conversing on the heath with the witches, who are also the fates. Nobody was ever as many men as that man, who like the Egyptian Proteus managed to exhaust all the possible shapes of being. At times he slipped into some corner of his work a confession, certain that it would not be deciphered; Richard affirms that in his single person he plays many parts, and Iago says with strange words, « I am not what I am. » His passages on the fundamental identity of existing, dreaming, and acting are famous.
Twenty years he persisted in that controlled hallucination, but one morning he was overcome by the surfeit and the horror of being so many kings who die by the sword and so many unhappy lovers who converge, diverge, and melodiously agonize. That same day he disposed of his theater. Before a week was out he had returned to the village of his birth, where he recovered the trees and the river of his childhood; and he did not bind them to those others his muse had celebrated, those made illustrious by mythological allusions and Latin phrases. He had to be someone; he became a retired impresario who has made his fortune and who interests himself in loans, lawsuits, and petty usury. In this character he dictated the arid final will and testament that we know, deliberately excluding from it every trace of emotion and of literature. Friends from London used to visit his retreat, and for them he would take on again the role of poet.
The story goes that, before or after he died, he found himself before God and he said: « I, who have been so many men in vain, want to be one man: myself. » The voice of God replied from a whirlwind: « Neither am I one self; I dreamed the world as you dreamed your work, my Shakespeare, and among the shapes of my dream are you, who, like me, are many persons – and none. » »

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C'était Pontempeyrat



« Qui nous dit que nous ne faisons pas fausse route en allant chercher au théâtre les prémices d'un nouvel art dramatique ? Ce n'est peut-être pas là qu'elles sont. Peut-être qu'à l'heure présente le théâtre prend l'air et qu'il n'est plus dans sa maison. » 

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Sweet Dreams



« Le bon vieux temps qui passe, seconde après seconde et qu’on peut voir passer. » 

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Page et nuit blanche, presque



« Face aux rideaux apprêtés
Le lit défait vivant et nu
Redoutable oriflamme
Son vol tranchant
Eteint les jours franchit les nuits
Redoutable oriflamme
Contrée presque déserte
Presque
Car taillée de toutes pièces pour le sommeil et l'amour
Tu es debout auprès du lit. »

Bonjour, mon très cher Falk,

Tu dois avoir une première, ou bientôt ou déjà passée… Je te souhaite le meilleur dans tous les sens.
Juste te dire quel plaisir ce fut de m’exercer les dents un peu sur des fragments de tes textes ! C’est surtout beau le moment où les comédiens n’y arrivant pas et pas et une autre fois encore pas et que je me dis que peut-être, quand même, c’est que ce n’est pas « bien écrit », que je suis au bord de leur dire de laisser tomber – et tout à coup, un passage, « trouvé ! » –  et alors, par la grâce, en l’occurrence de deux comédiennes, Julie Menut et Natacha Mendes, la grâce d’un décor vivant (la nature), tout d’un coup s’apercevoir au contraire que c’est très, très bien écrit – en avoir la preuve – et être emmené dans des zones extrêmement étranges, dangereuses (mais qui ne se révèlent dangereuses que parce que nous sommes soudain capables de nous y mesurer), liquides et fraîches, vivantes et folles – mais très folles. Je te parle là du dialogue  de « Crash » extrait de Nothing Hurt. Il y a eu un après-midi, en particulier, le samedi de la deuxième semaine où on a entendu – sans que cela semble une difficulté pour personne, il y avait aussi du Tchekhov, etc. Je ne te parle que de ce jour pour ne pas être trop général, mais il y a eu beaucoup d’autres choses remarquables grâce à l’amitié de tes textes… Arnaud a été notre idole à tous ! Quel beau et bon garçon ! Je suis sûr que vous vous aimerez encore longtemps et beaucoup... (La vie n’est-elle pas un conte de fée ?)
Je t’embrasse, très cher,

Yves-Noël 

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Backstage



Voir, c’est étrange. Voir des gens à la télé. Des reportages. Ça ne semble pas être exactement voir. Mais voir. Non. C’est dans la vie. C’est le jour et la nuit. C’est en 3D. Par exemple, je suis allé au défilé de Martine Sitbon, rue du Mail. Eh bien, j’en ai vu quand même souvent des choses comme ça à la télé... Mais, non, en vrai, ça n’a rien à voir... 



Une déception avec Françoise Sagan : elle est très, très réac sur le théâtre.

Après tout, Duras l’était bien avec la musique…
De même que Duras disait que la musique était « faite » – à partir de Stravinsky, c’était plus de la musique (Le Sacre du printemps : un poème) –, Sagan dit qu’elle aime le théâtre parce qu’il est démodé – comme un jeu de marionnettes qui s’adresse aux bourgeois – et que, si on veut donner du théâtre à bas prix dans les maisons de la culture, il faut la même chose qu’aux bourgeois, c’est-à-dire Barillet et Grédy – ou Jean-Paul Sartre qui se montait dans le privé –, pas Brecht et Pirandello, les pauvres, après leur travail ! (Elle trouve ça honteux.)



Je croise Dominique Issermann au défilé Martine Sitbon, rue du Mail. Merveilleuse, magnifique (je ne l’ai jamais vue que comme ça). Si à l’aise avec la vie, la mode, l’éternité. L’enthousiasme d’une gamine. On parle d’Anne et de ses clips pour « Leonard ». Elle dit que ce qu’elle a fait avec Anne dans sa salle de bain, c’est le premier qu’elle ait montré à Leonard pour lui demander si elle allait dans le bon sens. Elle a tourné avec son iPhone ; ensuite, elle a passé les images en noir et blanc, rajouter un peu de contraste et monté avec – je regrette, j’ai oublié le nom. Pour les noms, il faut que je sorte mon carnet, je n’ai aucune mémoire. Un accident informatique et ce blog disparaîtrait, je ne me souviendrais de rien. Les images. Les images sont faibles et sales et sensuelles. Est-ce que cette phrase vous plaît ? C’était juste pour mettre ensemble ces adjectifs, « faible », « sale », « sensuel ». Ça n’a pas de sens. Ça ne veut rien dire. Ne cherchez pas votre nom dedans ou si j’ai voulu dire que vous étiez snob ou je ne sais quoi : ça n’a rien à voir avec l’ego. Le tout à l’ego. Niet. Donc on ne blesse personne, ici, attention ! Ici, c’est fleurs bleues. D’ailleurs Leonard Cohen prononce à l’instant le mot « lullaby ». Elle me parle de cette fille qui voulait se baigner, à Trouville, un premier janvier. Elle lui a dit : « Ok, mais alors tu rentres tout droit dans l’eau, complètement perpendiculaire, une ligne. » Je ne me souvenais pas de l’avoir vue dans les clips, je demande si c’est dans une version plus longue, de toute la chanson. « Non, c’était une idée de Leonard qu’il n’y en ait qu’une minute trente. Il n’y a que ça. » Je regarde et reconnais son nom au générique.




Au défilé, j’étais assis à côté de Sylvie Coumau  et François-Xavier (Courrèges), très mignon, mignon-gentil, il m’a proposé de passer à son atelier pour voir des œuvres. Sylvie me nomme les gens qu’elle connaît et qu’elle trouve intéressants. Je note dans mon carnet pour, au moins, aller voir les sites. Cedric Rivrain. Catherine Baba. Betony Vernon. Fabrice Paineau. Philippe Utz. François-Xavier ajoute Samuel François. Et puis on ne se souvient pas du nom de Monsieur Purple, Olivier Zahm, c’est ballot, que Dominique me présente un peu plus tard : « C’est Yves-Noël Genod qui fait un théâtre extraordinaire, tu le connais ? » Et : « Je ne le connais pas, mais JE CONNAIS SON THEATRE. »

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