C’est bon comme ça.
Et, en effet, pas la peine d’un texte « personnel » en plus. Mais, alors, il faut passer l’enregistrement en entier. C’est-à-dire avec le début (avant le texte, les essais micro) et avec la fin où je parle du spectacle N°5 (d’où l’affiche — qui est parfaite) pour qu’on comprenne bien qu’il y a quelque chose d’assumé, de personnel en effet, et un effort particulier demandé à l’auditeur. Ce n’est pas un produit fini, ce n’est pas efficace… (Enfin, tout ce dont nous avons déjà bien parlé…) Garantissez-moi, je vous en prie, que l’enregistrement que je vous ai envoyé ne sera pas tronqué.
Ce qui m’importe, moi, c’est de faire passer l’idée qu’un texte n’est pas un objet auquel un acteur doit révérence ou allégeance. Je faisais, avant la crise, un travail sur la liberté et je sens que je suis encore épidermique sur le sujet, ce que je regrette (je pensais que j’avais progressé) parce que l’époque — et probablement définitivement — a presque perdu contact avec cette idée de liberté, la remplaçant par une « séquestration dans la science » qui implique, bien sûr, le sacrifice de toute liberté, comme l'exprime Yannick Haenel dans « Charlie Hebdo » lu tout à l’heure.
Et il y a une deuxième chose qu’il m’importe politiquement d’aborder, c’est l’idée — là encore à contre-courant du décervelage massif et ambiant — que personne n’est blanc ou noir. Je ne peux pas travailler sur les auteurs sur lesquels je travaille, Sarraute, Proust, Woolf, Tchekhov, Shakespeare, Rimbaud, Kafka, Beckett, Duras, Baudelaire, Racine, Handke, etc., sur ces auteurs et pas sur les autres ! attention, sans avoir constamment à enfoncer le clou : non, personne n’est blanc ou noir. Mais : blanc et noir. Ça paraît stupide, mais c'est tellement pas dans l'air du temps des idéologies actuelles (et de toujours). Et Chanel permet de rappeler, une fois de plus, ça, ici une fois de plus nié par ce texte panégyrique à la louange et de la créatrice de la marque, et surtout à celle de l’industrie capitaliste de « conquête du Monde », fut-ce par un « parfum » (notion poétique) plutôt que par des armes, idée qui, là aussi, et surtout après la crise que nous venons de traverser — n’est plus recevable sans conscience critique — ou je me trompe ?) Rien n’est dit non plus, par exemple, sur la manière dégueulasse dont Mademoiselle traitait ses « trois cents ouvrières » qui ont fini par faire une grève dure (longue) qui a fait céder leur patronne pourtant prête à ne jamais céder à personne — alors que tout est expliqué dans le reportage d’Arte.) J’espère, je souhaite, particulièrement après cette crise, l’avènement d’un théâtre réellement politique tel qu’Olivier Neveux en définit le champ, encore à venir… Avec des cibles précises. Un théâtre qui s’échappe du faux-semblant. De la langue de bois. Mais c’est un vœux pieux. Quand est-ce que le théâtre comprendra qu’il n’a rien à perdre ? Qu’il n’a plus rien à perdre. Coco Chanel est un personnage au bas mot d’extrême droite, même la télé le dit. On ne peut plus — et surtout pas au théâtre — avoir l’air de cirer les pompes de l’industrie capitaliste, des marques, plus elles sont grosses plus on les cire...
Dans la bio, enlever juste, avant-dernière ligne «, également dans le noir total, »
Soit : Au TNB, Yves-Noël Genod a présenté lors du Festival 2018 Rester vivant (d’après Charles Baudelaire) et a créé cette saison, avec la promotion 10 de l’Ecole du TNB, J’ai menti (d’après Anton Tchekhov) dans le cadre du projet Une saison à l’Ecole.
Toute mon amitié, chère Agathe Bataille,
YN
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